Le cercle de Ténenkou (Centre) où des travailleurs humanitaires de l’ONG Médecins sans frontières (MSF-France) ont été enlevés, mardi, par des hommes armés non identifiés, est frappé de plein fouet par la crise sécuritaire qui touche le Mali depuis plusieurs années.
Cette insécurité grandissante a eu comme grave conséquence l’absence de l’État sur la majeure partie du territoire du Cercle. Exceptés quelques endroits tenus par des positions des forces de défense et de sécurité, notamment à Ténenkou, Diafarabé, Diondiori et Dioura qui sont des chefs-lieux de commune.
Les populations connaissent des fortunes diverses selon qu’elles vivent dans les zones qui échappent au contrôle de l’État ou pas. Dans les zones où les forces de défense et de sécurité ne sont pas présentes, les groupes armés règnent en maîtres.
La vie quotidienne de ces populations est réglementée par ces groupes radicaux. Ils tranchent les litiges courants. Plusieurs décisions de justice rendues par les tribunaux antérieurement sont remises en question et rejugées, entraînant des frustrations de part et d’autres.
Par ailleurs, les populations qui ne payaient plus d’impôt, notamment la Taxe de développement régional et local (TDRL), depuis le début de la crise, sont assujetties maintenant à la « Zakat ». Pour certains, ce sont les animaux et pour d’autres, c’est du riz et du mil qui leur sont prélevés.
L’assujettissement de cette « Zakat » par les populations a même provoqué des remous dans la Commune de Diaka, il ya un mois, entraînant des représailles de la part des chasseurs traditionnels dozo qui avaient interdit aux populations d’obtempérer aux injonctions des groupes armés.
En représailles au paiement, plusieurs chefs de villages, dans la Commune de Diaka, notamment de Thial, de Diakolo ont été enlevés par les dozos qui avaient demandé une rançon de plusieurs millions contre leur libération. Cet épisode illustre bien l’écartèlement et l’inconfort des populations qui se trouvent entre le marteau et l’enclume.
Le voile noir est obligatoire pour toutes les femmes dans tous les villages du cercle. Le jour de foires à Ténenkou, on peut apercevoir dans tous les véhicules de transport de nombreuses femmes voilées. Ces femmes se débarrassent de leur voile, une fois à l’intérieur de la ville de Ténenkou.
Les évènements sociaux comme les Mariages, les baptêmes et les décès sont très encadrés dans les villages. Plus de tapage, de beau monde pendant ces événements. Tout est limité au strict minimum. Trop peu d’invités sont admis à ces regroupements humains.
En cette période traditionnelle de mariage, dans plusieurs localités, beaucoup de gens ne peuvent pas se déplacer pour participer aux cérémonies avec leurs parents.
Par contre, les populations qui vivent dans les zones où se trouvent les Forces armées maliennes (FAMa) connaissent un certain répit. Les libertés individuelles sont respectées. Malgré tout, beaucoup connaissent des difficultés.
Dans les zones où les FAMa sont présentes, les services sociaux de base comme l’école, la santé, l’hydraulique par exemple fonctionnement. Mais, il faut rappeler que les agents de l’État sur place souffrent énormément. Les déplacements sur le terrain ne sont pas possibles à l’intérieur des villages.
Pour les agents publics, voyager relève du parcours du combattant et est synonyme, aussi, de risque de se faire enlever. Plusieurs d’entre eux en ont fait les frais depuis 2018, On est sans nouvelles d’eux, depuis lors.
Les transporteurs refusent les documents administratifs par peur de représailles. Il faut user de ruses pour les acheminer à la capitale régionale.
Le trajet Mopti-Ténenkou, qui fait 125 km, est délaissé par les agents de l’État et et les travailleurs des ONG. Il faut faire le grand tour par Ségou via Mopti. Ce qui fait près de 600km. Conséquence : aujourd’hui, il n’y a qu’un seul véhicule de transport sur la voie Ténenkou-Mopti, alors qu’il y en avait deux auparavant.
Pour ceux qui ne sont pas fonctionnaires, les déplacements restent faciles. Par contre, les populations qui, font le sens inverse, pour se rendre dans les zones où les forces de défense sont en poste, connaissent aussi des soucis.
Les jours de foires, les entrées des localités sont quadrillées et des fouilles sont opérées sur beaucoup de gens, des vérifications d’identité aussi qui peuvent souvent mal tourner. Des cas de suspicion, à tort ou à raison, sur certaines personnes sont fréquents. Des incidents qui ne favorisent pas la cohésion au sein des populations et n’instaurent pas un climat de confiance entre tous les acteurs sur le terrain.
Les populations souffrent énormément de l’absence de l’État. La crise actuelle, qui sévit dans le Cercle risque tout simplement de plomber tous les efforts de développement de la zone qui regorge d’énormes potentialités mais qui est très en retard par rapport au reste du pays.