Le Tribunal de Grande Instance de la Commune IV du District de Bamako statue ce mardi 2 mars sur l’affaire opposant deux diplomates suite à une altercation le 22 juillet 2020, à l’Ambassade du Mali au Maroc. Placée sous mandat de dépôt, la prévenue Mme CBTT donne sa version des faits. C’est aussi ce 2 mars que le tribunal va rendre son délibéré sur la demande de mise en liberté formulée par les conseils de Mme CBTT.
«En septembre 2019, j’ai été nommée en qualité de 3e Conseiller à l’ambassade du Mali auprès du Royaume du Maroc. J’ai effectué ma prise de service le 15 décembre 2020 à Rabat et je suis retournée au Mali pour me préparer à rejoindre le poste.
À mon arrivée à Rabat pour prendre définitivement fonction en janvier 2020, j’ai trouvé que la résidence qui m’avait été attribuée n’était dotée d’aucun équipement de base. Il est à noter qu’avant de faire établir mes billets d’avions par l’agence de voyage, j’avais préalablement demandé et obtenu l’accord de Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur en précisant la date à laquelle je souhaitais arriver.
Les billets étant déjà établis et toutes les réservations confirmées pour un départ sur Rabat le 15 janvier 2020, Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur a envoyé au département un message FAX le 14 janvier 2020, me demandant de surseoir à mon voyage jusqu’à ce que les conditions soient réunies pour mon installation. L’annulation du voyage à cette date m’aurait contrainte au paiement de pénalités importantes pour les billets d’avion.
J’ai donc sollicité et obtenu de Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur l’autorisation de faire le voyage et de préfinancer sur fonds propre l’achat des équipements de base nécessaires en attendant que l’Etat ne mette les moyens à la disposition de l’Ambassade pour ce faire. C’est ainsi que j’ai acheté les équipements de base dont copies des factures d’achats sont jointes à la présente note, pour un montant total de vingt-trois mille six cent vingt (23 620) Dirhams marocains, soit un million quatre cent dix-sept mille deux cents (1 417 200) Francs CFA à raison de 60 Francs CFA pour un Dirham marocain.
Ces achats ont porté essentiellement sur les équipements de base et mon installation n’était pas complète (pour preuve, j’ai dormi sur un matelas à une (1) place puisque le seul matelas à deux places que j’avais trouvé dans la maison avait déjà été utilisé par trois précédents locataires et il est fortement amorti. Cependant, S.E.M. l’Ambassadeur m’avait régulièrement rassurée, à travers les échanges que nous avons eus, en me laissant entendre que cette situation serait régularisée dès que les moyens seraient mis à la disposition de l’Ambassade pour ce faire.
Après plusieurs mois, les fonds ont été envoyés pour équiper mon logement. J’ai eu les informations et reçu toutes les preuves nécessaires. A cette occasion d’ailleurs, l’Agent Comptable de l’Ambassade (SAC) m’avait fait un message SMS le 23 mai 2020 pour m’informer de l’arrivée effective des fonds et j’avais répondu en demandant de m’indiquer ce qu’il y a lieu de faire. Elle m’avait dit d’attendre la fin du «confinement pour raison de Covid-19» qui devrait intervenir le 10 juin 2020. Mais cette date ayant été prorogée par les autorités marocaines, j’ai demandé à S.E.M. l’Ambassadeur de régulariser ma situation, puisque les moyens ont été mis à la disposition de l’Ambassade pour ce faire depuis bien longtemps.
A ce niveau, je voudrais relever que tout au long de cette épreuve, j’ai régulièrement échangé avec S.E.M. l’Ambassadeur sur cette question d’équipement de mon logement. A titre d’exemple, le 12 juin 2020, j’ai demandé à S.E.M. l’Ambassadeur de permettre qu’après le confinement, je parte au magasin avec l’Agent Comptable pour faire mon choix dans la mesure de l’enveloppe puisque le mandat est établi à mon nom.
Mais sans avoir été contactée pour aller au magasin avec l’Agent Comptable, le samedi 20 juin 2020, j’étais en ville lorsque ma fille restée à la maison m’a informée que le chauffeur de l’Ambassade est venu pour une livraison d’équipements pour lesquels je n’avais pas été associée ni à l’achat ni informée de la livraison. Je n’ai donc pas accepté ces équipements car j’estime que l’avis de l’agent est indispensable dans le cadre de l’acquisition de ses équipements ne serait-ce que pour l’expression des besoins.
A cette occasion, l’Agent Comptable (qui avait demandé au chauffeur de livrer ces équipements chez moi) ayant été informée par celui-ci de mon refus de les accepter lui avait dans un premier temps instruit de les «déposer devant ma porte dans la rue» avant de s’aviser pour le faire retourner et les reprendre.
Depuis lors (20 juin 2020) et jusqu’au jour de l’incident, je n’avais toujours pas reçu les équipements nécessaires ni été remboursée du montant engagé dans le préfinancement des équipements, malgré la disponibilité des fonds. Donc j’avais en moi une frustration contenue du fait que mes droits les plus élémentaires étaient en train d’être refusés.
L’allocation de mon époux bloquée
Comme indiqué ci-haut, je suis arrivée au Maroc en janvier 2020 en compagnie de mon époux, dont la présence a été marquée par une attestation dont copie jointe à la présente. Il a dû retourner au Mali le 15 février 2020 pour régler des affaires au niveau de la famille et il a été bloqué là-bas pour raison de COVID-19.
Ayant noté que depuis lors nous n’avons toujours pas perçu son allocation, je me suis renseignée informellement auprès de la DRH et j’ai ainsi eu la confirmation que les fonds y afférents ont été envoyés à l’Ambassade depuis le mois de mai 2020, pour le paiement de l’allocation de mon époux jusqu’en juillet 2020. Et jusqu’à la date de l’incident, le 22 juillet 2020, mon époux n’avait aucun paiement sur ces allocations.
A la suite de cette réaction de ma part, Son Excellence Monsieur le SEGAL a écrit à S.E.M. l’Ambassadeur l’instruisant que ces allocations soient payées au bénéficiaire.
Faisant suite à cette lettre, S.E.M. l’Ambassadeur nous a demandé de lui indiquer un compte bancaire au Maroc sur lequel ces fonds devraient être versés. Nous avons indiqué ce compte bancaire à Son Excellence depuis le 3 août 2020 à travers une procuration donnée par mon époux et nous attendons toujours à cette date la confirmation du versement des fonds.
Je ne cherche pas à justifier ce qui s’est passé parce que je l’ai aussi regretté. Je m’en veux de n’avoir pas pu me retenir comme je l’avais toujours fait. Et j’ai présenté – directement et par personnes interposées – mes excuses à l’intéressée. Je suis surprise que je sois visée par une plainte pour blessures ayant entraîné 30 jours d’incapacité de travail alors qu’elle était à son bureau le lendemain de l’altercation.
Je m’en remets à Dieu et à la Justice de mon pays. Même si j’ai toutes les raisons d’être frustrée par l’instruction qui a été faite de ce dossier, je fais confiance à la justice de mon pays car convaincue que nous avons encore de nombreux magistrats capables de dire le droit quoi que cela puisse leur coûter» !