Déposé par les siens, Issa Kaou Djim change de disque et de mentor. En brouille avec l’imam Mahmoud Dicko qu’il accuse d’avoir piloté de haute main la cabale montée contre lui, il se dit prêt à quitter le navire CMAS et à encourager la candidature de l’actuel vice-président de la transition, le colonel Assimi Goïta à la prochaine présidentielle.
Un pas supplémentaire vient d’être franchi dans l’escalade verbale. Issa Kaou Djim, qui a encaissé des coups, a pris l’initiative d’en distribuer. Dans son viseur son beau-père Mahmoud Dicko, du reste parrain de la coordination des mouvements et associations le soutenant, coupable à ses yeux de se murer dans un silence qui en a dit long sur le rôle déterminant qu’il a joué dans la fronde le visant. « Qui ne dit rien consent. Qui tire les ficelles ? L’imam ! » A –t-il lâché sans fards ni poudre aux yeux.
Guerre par procuration
Et pour convaincre qu’il ne s’agit de simples propos lancés en l’air, Issa Kaou Djim a soutenu l’avoir côtoyé pendant deux décennies, donc « connait ses méthodes ». En clair, le beau-père s’est gardé de mener une guerre frontale contre son gendre, mais l’a fait par procuration en aiguillonnant ses adversaires de l’intérieur.
La CMAS a ressemblé à un château proche où s’est instruit un procès en destitution contre le Coordinateur général qui n’a jamais été cité à comparaître. Une tornade de chefs d’accusations s’abattait sur Issa Kaou Djim : « agissements incongrus, maladresses et désintérêts à ciel ouvert vis-à-vis de l’imam Mahmoud Dicko, violation du préambule du statut et règlement intérieur» en parrainant et en faisant la promotion d’une plateforme malveillante. En outre, le mis en cause, est fortement soupçonné de poursuivre des desseins inavoués en scellant « des nouvelles alliances malencontreuses, incompréhensibles et revanchardes » qui ont achevé de convaincre ses camarades de son « incapacité et irresponsabilité » dont une des manifestations concrètes serait son inertie face « aux démissions en cascades » enregistrées au sein des instances de base ces derniers temps ». Lesquelles démissions seraient aussi imputables à des traits de caractère, notamment « son manque de courtoisie, ses déclarations improvisées et incessantes » dont certaines sont de nature à discréditer l’organisation. « Nous lui reprochons la gestion clanique, son manque de restitution des décisions au sein du M5 RFP et on ignore comment il a été nommé membre du Conseil national de transition (CNT) ».
Deal passé avec la junte ?
En froid avec Mahmoud Dicko, Issa Kaou Djim est dans une posture intenable. L’arbitrage sollicité de son mentor dans la crise née de son débarquement sans ménagement n’est jamais venu. Et ses prises de position répétées en faveur des militaires ont chiffonné le parrain qui y a pris ses distances à travers un «Manifeste » rendu public, et ont enflé la polémique sur un présumé deal passé avec la junte. Un jugement qui est conforté par son aveu d’œuvrer dans le sens d’une candidature du vice-président de la transition, le colonel Assimi Goïta, à la prochaine présidentielle. Quitte à conduire à cette fin une bataille au Conseil national de la transition habiliter à modifier la Chartre de la transition qui l’en empêche.
Imprévisible jusqu’au bout des ongles, Issa Kaou Djim a tellement varié dans le sillon qu’il s’est tracé qu’il est devenu méconnaissable. Ses récentes sorties médiatiques avaient laissé perplexe les observateurs. Tenez ! Tantôt favorable à l’opération de démolition des habitations construites sur l’emprise de la zone aéroportuaire, tantôt incitant les victimes à se pourvoir devant les juridictions. On peut multiplier à l’envie des exemples de ce type. Cet activisme brouillon a entraîné une perte de lisibilité du mouvement se traduisant par des vagues de départs.
Devant les canons de ses multiples adversaires, la lance de Djim ne faisait pas le poids. Pour la première fois, depuis le déclenchement de la crise, il a manifesté sa volonté de quitter le navire pourvu « qu’on y mette la forme ». En somme, il quémande une sortie honorable afin de l’épargner d’une humiliation qu’il ne mérite après avoir tout donné à la CMAS.
L’imam avait lancé le mouvement en dénonçant la «gouvernance catastrophique » et « une corruption à ciel ouvert » lors d’un rassemblement considéré comme manifestant les visées politiques de ce tenant d’un islam rigoriste. Président jusqu’en avril du Haut conseil islamique, Mahmoud Dicko a entretenu des relations aigres-douces avec le président Ibrahim Boubacar Keïta.
Natif de Tombouctou et formé notamment en Arabie Saoudite, il s’est engagé dans des efforts de médiation en faveur de la résolution la crise du Septentrion malien tombé aux mains des djihadistes en 2012 et s’était illustré par la fronde contre le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga qui a fini par jeter l’éponge le 18 avril.
Georges François Traoré