Emmanuel Macron constate que les engagements à l’étranger peuvent être difficiles à démêler.
Des foules de Maliens se rassemblent dans les rues de Bamako alors que l’odeur des plaquettes de polyester brûlées se répand dans l’air. Un autre drapeau français a été mis à feu. Ailleurs, un tricolore orné d’une tête de mort est tenu en hauteur, flanqué de panneaux indiquant « France, sortez ».
Si seulement la France savait comment faire.
En 2013, lorsque le président François Hollande a lancé la plus grande opération militaire étrangère de la France au Mali depuis la guerre d’Algérie, l’objectif était de mettre en déroute les djihadistes dans le nord du pays.
Cela devait prendre quelques semaines. Huit ans plus tard, avec l’escalade du conflit, la fin n’est pas en vue. Les combats se sont étendus au Mali et aux pays voisins, le Burkina Faso et le Niger, un champ de bataille quatre fois plus grand que la France elle-même. L’année dernière a été la plus sanglante à ce jour, avec quelque 6 200 morts.
La guerre dans le désert du Sahel – juste au sud du Sahara – a été appelée l’Afghanistan de la France. Emmanuel Macron, l’homme qui a décrit sa génération comme étant celle pour laquelle « les crimes de la colonisation sont incontestables », est sous pression pour trouver la bonne stratégie de sortie de cette guerre héritée.
Pourtant, à la même époque l’année dernière, la France a en fait accru sa présence dans la région, augmentant son déploiement au Sahel de 600 à 5 100 hommes, dans le cadre de ce qu’elle appelle l’opération Barkhane.
Il y a quelques semaines, lors d’un sommet avec les dirigeants des pays touchés par les combats, Macron devait annoncer le retrait de ces forces supplémentaires. Au lieu de cela, il a déclaré que la France n’avait pas de plans immédiats pour ajuster sa présence dans la région.
Bien qu’il y ait eu quelques victoires significatives – l’année dernière, les Français ont tué le chef d’Al-Qaïda au Maghreb islamique, Abdelmalek Droukdel – Macron subit la pression des dirigeants de la région pour ne pas retirer ses forces à un moment où les djihadistes restent maîtres de vastes étendues de territoire.
Quelques heures seulement avant l’ouverture du sommet, l’explosion d’une bombe artisanale dans le centre du Mali a tué deux soldats, portant le total des pertes maliennes, onusiennes et françaises à 29 en seulement deux mois de 2021.
« Pour l’instant, les forces locales ne semblent pas pouvoir se suffire à elles-mêmes », déclare Elie Tenenbaum, chercheur à l’Institut français des relations internationales. « Elles sont minées par une corruption endémique, l’incompétence des hauts gradés et les carences matérielles – elles ont encore fortement besoin de l’aide française et étrangère ».
Mais M. Macron a déclaré qu’il n’avait pas l’intention de mener une « guerre infinie » au Sahel et a appelé les pays de l’UE à soutenir davantage l’opération, à la fois pour l’aider à mener la campagne et pour lui donner une couverture internationale.
Les vingt dernières années d’interventions occidentales au Moyen-Orient et en Afrique ont marqué l’establishment politique en France, tout comme aux États-Unis, au Royaume-Uni et ailleurs. Jacques Chirac a refusé les appels de George W Bush et Tony Blair à se joindre à eux dans leur guerre contre Saddam Hussein en Irak en 2003.
En revanche, Nicolas Sarkozy a préconisé avec enthousiasme une intervention militaire en Libye en 2011. Il a persuadé David Cameron de se joindre à lui, mais pas Barack Obama. Ces deux aventures ont en commun d’avoir échoué.
Si la France veut éviter un sort similaire au Sahel, la réponse réside autant dans la diplomatie et l’aide au développement international que dans la stratégie militaire. « Si l’objectif de surface de la France est une campagne anti-terroriste, son objectif sous-jacent est aussi de soutenir la sécurité de ces gouvernements et de permettre leur stabilisation », explique Benjamin Petrini, chercheur à l’Institut international d’études stratégiques.
L’Afrique francophone et la francophonie au sens large ont une importance durable dans la politique française et dans le sentiment d’identité et d’importance du pays. Toutefois, l’armée française – présente dans la région depuis la fin du XIXe siècle – doit maintenant garder un profil bas.
Le ressentiment croissant dans ces pays à l’égard de l’ancienne puissance coloniale risque de pousser davantage de personnes dans les bras des djihadistes. L’énigme est qu’ils doivent rester assez longtemps pour assurer une certaine stabilité, mais plus longtemps ils le font, plus l’agitation est grande pour qu’ils partent.
L’élection présidentielle étant prévue dans un an, le parti de Macron se méfiera de plus en plus de la façon dont cette guerre prolongée pourrait se jouer dans une campagne électorale. Si le soutien à l’opération était élevé au départ, il a progressivement diminué à mesure que les forces françaises se sont impliquées. Des sondages récents montrent qu’une faible majorité de la population est désormais opposée à l’opération.
Pour Macron, les opérations militaires ont tendance à jouer un rôle marginal dans le débat public national. Moins utile, son taux d’approbation reste faible. Comme le dit Tenenbaum, « je ne pense pas que le public français aura besoin d’aller au Sahel pour trouver des raisons de le critiquer ».