Suite à l’arrestation de l’opposant politique Ousmane Sonko pour ‘’troubles à l’ordre public’’ et ‘’participation à une manifestation non autorisée’’, Dakar et plusieurs villes du Sénégal ont été, jusqu’au moment où nous mettions sous presse, le théâtre d’intenses manifestations. Lesquelles ont occasionné quatre morts, de nombreux blessés et des dégâts matériels considérables. Les partisans de Sonko ne cessent de dénoncer une cabale politico-judiciaire destinée à l’écarter de la course à la présidentielle.
Pour le ministre de l’Intérieur en revanche, il s’agit d’un ‘’contentieux judiciaire qui implique deux citoyens sénégalais’’ (à l’origine, Ousmane Sonko est accusé d’avoir abusé d’une jeune masseuse).
Aussi condamne-t-il ‘’les actes de nature terroriste’’, les saccages, pillages et dégradations de bâtiments publics et bien privés et menace les émeutiers de sanctions judiciaires. Conscients que la fébrilité de la gouvernance de leur pays risque de le plonger dans une instabilité politique ils sont nombreux, les leaders politiques et de la Société civile du Sénégal qui demandent au pouvoir de ‘’revenir à la raison avant qu’il ne soit trop tard’’.
Dans une lettre ouverte, la plateforme de la Société civile ‘’Jammi Rewmi’’ se dit ‘’préoccupée’’ par les tensions socio-politiques qui prennent de plus en plus ‘’des allures inquiétantes’’. D’autant qu’une ‘’…affaire privée qui est censée concerner deux citoyens soulève un rapport de forces dangereux entre le pouvoir et l’opposition’’. Aussi met-elle le pouvoir en garde contre une telle situation qui peut engendrer des conséquences irréversibles sur la démocratie, l’Etat de droit et les conditions de vie du peuple sénégalais. En vérité, l’affaire judiciaire ‘’Sonko’’, qu’on le veuille ou pas, a désormais basculé en affaire politique.
Ce politicien émergent arrivé, contre toute attente, troisième à la présidentielle sénégalaise de 2019 a rapporté plus de 15% des suffrages de ses compatriotes. Il incarne aussi l’idéal politique d’une grande partie de la jeunesse sénégalaise. Au lieu de proférer des menaces, les autorités sénégalaises devraient plutôt lâcher du lest afin de calmer le climat quasi-insurrectionnel en cours.
Au risque de voir l’affaire Sonko produire un effet boomerang. Le président Macky Sall, apparemment allergique à toute opposition à son régime, sera-t-il imperturbable dans ses résolutions ? En recevant des politiciens ayant rejoint la majorité en avril 2015, le ‘’Raïs’’ sénégalais promettait devant la presse de “réduire son opposition à sa plus simple expression.”.
Six ans plus tard, avec l’affaire Sonko, cette promesse n’est-elle pas en passe d’être tenue ? Quoi qu’il en soit, les principaux opposants au président du Sénégal ont toujours eu maille à partir avec la justice s’ils ne rejoignent pas le camp de la majorité présidentielle. Avant Ousmane Sonko, les opposants Karim Wade et Khalifa Sall sont tous passés par la case prison.
Mais Idrissa Seck, arrivé deuxième à la présidentielle de 2019, est devenu un de ses principaux alliés. Il préside actuellement le Conseil économique social et environnemental en qualité – désormais – de 3ème personnalité de l’Etat !