Le magnat du bâtiment et des travaux publics (BTP) malien, Seydou M. Coulibaly, fondateur de Cira (une entreprise qui a le quasi-monopole des marchés de contrôle des travaux publics de l’Etat au Mali) vient de franchir le Rubicon : en lançant un mouvement politique, dénommé Benkan, censé le projeter sur la plus haute marche de la République à l’occasion de la présidentielle prévue en 2022 à la fin de la Transition.
De plus en plus, l’exercice du pouvoir suprême fascine les milliardaires de par le monde. Mais, si au Bénin, Patrice Talon, président en exercice de ce pays du golfe de Guinée, s’est imposé presqu’au grand dam de son prédécesseur, Yayi Boni, nos riches comme Crésus, prétendants à la présidence de la République, n’ont pas toujours eu la bénédiction de leurs concitoyens. Qui plus est, le Bénin n’est pas le Mali. Pas plus que Talon n’est pas Coulibaly. Comme pour dire que comparaison n’est pas raison.
Evidemment, pour une raison ou une autre, les Moïse Katumbi en République démocratique du Congo (RDC), Ross Pérot aux Etats-Unis (dans les années 1990) et même le Malien Mamadou Maribatrou Diaby (paix à son âme), opposé au 1er tour de la présidentielle de 1997 à Alpha Oumar Konaré, alors candidat à sa propre succession, bien que prospères en affaires, n’ont pu convaincre les électeurs de leurs pays respectifs à voter pour eux.
Quand bien même, en Afrique, une certaine opinion croit savoir que les milliardaires au pouvoir sont capables de mieux gérer les maigres ressources de l’Etat car, estime-t-on, ils sont à l’abri du besoin, le soleil de gens très riches au pouvoir n’a pas beaucoup brillé sur le continent. Seydou M. Coulibaly brisera-t-il le signe indien en 2022 ?
Le lancement du mouvement sur lequel il compte pour s’installer sur les hauteurs de Koulouba est en tout cas effectif depuis le week-end dernier.
D’ores et déjà, on soupçonne des leaders religieux et autres faiseurs de roi dans ce pays depuis quelques temps de pousser à la roue l’ambition de l’homme d’être le président élu du Mali.
Des faiblesses notoires
Incontestablement, Seydou M. Coulibaly est très riche, mais il en faut plus pour gagner un scrutin présidentiel plus que jamais ouvert, “transparent et propre”, selon la promesse du président de la Transition, le colonel-major à la retraite Bah N’Daw, lors de son discours d’investiture le 25 septembre 2020.
Et si la disparition inattendue en tout début de l’année de Soumaïla Cissé égalise quelque peu les chances des protagonistes les plus en vue, les résultats de la présidentielle 2018 indiquent quand même qu’un Aliou Boubacar Diallo (arrivé en 3e position après IBK et Soumi Champion) reste le prétendant le plus sérieux en 2022.
Son parti, l’Alliance démocratique pour la paix (ADP/Maliba), a aussi confirmé sa montée en puissance lors des dernières législatives, en se classant quatrième force politique du pays. Comment un novice politique pourrait s’imposer de but en blanc face à cette force montante et au nez et à la barbe de dinosaures de la politique comme le RPM (l’ex-parti au pouvoir), l’URD, etc. ?
On soupçonne l’Adéma/PSJ de vouloir tendre la perche à l’homme qui militerait depuis quelques jours dans un comité du parti de l’Abeille au sein duquel il devrait compter sur le soutien du président Tiémoko Sangaré, même si ce dernier fait face présentement à un vent de contestation.
Le patron de Cira a-t-il l’onction de la junte quand on sait que la Transition que celle-ci contrôle reste somme toute le seul maître à bord des élections à venir ? Les jeunes, qui constituent le plus grand réservoir électoral, sont-ils avec lui ? Quelle audience peut-il faire valoir auprès des femmes ?
Une chose est sûre : Seydou M. Coulibaly, ressortissant de la ville de Markala, n’est pas en odeur de sainteté avec les populations locales, qui disent vertement ne pas sentir sa richesse alors qu’il pouvait, à leur entendement, construire des ponts et des routes pour la Commune, désenclaver la zone ; installer des infrastructures sociales de base, offrir de l’emploi aux jeunes.Ce manque d’engouement de sa ville natale pour sa plus que probable candidature ne serait pas le seul handicap de l’homme. Ces concurrents du BTP, tapis dans l’ombre et à la barbe desquels il a raflé moult marchés de l’Etat, pourraient lui rendre la monnaie de sa pièce, en dressant des barrières visant à contrarier éventuellement son destin national.
Des révélations croustillantes, voire fatales sur ses accointances avec Karim Kéïta (le fils du président déchu) et Aminata Kéita (l’ex-première Dame) et même l’ancien président de la République renversé seraient immanquablement faites.
Alors illusions démesurées pour le patron de Cira ? Le temps nous édifiera là-dessus !