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PAGT : l’éléphant blanc de Moctar Ouane
Publié le mardi 16 mars 2021  |  Azalaï-Express
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© aBamako.com par AS
Audience entre le président de la Transition et le nouveau Premier ministre
Bamako, le 28 septembre 2020 Le président de la Transition a rencontré le nouveau Premier ministre, en présence du vice-président, le colonel Assimi Goïta
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Six axes déclinés en 23 objectifs assortis de 275 que le Premier ministre se propose d’évaluer selon 291 indicateurs. C’est le contenu du document qu’il appelle Programme d’action gouvernementale pour la transition (Pagt), présenté ce vendredi devant le Conseil national de transition. Sauf que le chef du gouvernement de transition n’y a fait que cataloguer les défis qui se posent au Mali, et pour la relève desquels il n’a ni l’équipe, ni le temps, encore moins les ressources financières nécessaires.

« Une séance de construction de phrases et une gymnastique intellectuelle de haut niveau ». Voilà les termes par lesquels des observateurs avertis ont qualifié la présentation du Pagt du Premier ministre. Tout de blanc vêtu, coiffé d’un chapeau haoussa, Moctar Ouane s’est livré, ce 19 février 2021, à un exercice assez périlleux qui lui aurait été fatal en temps normal. Dans un vocabulaire digne d’un diplomate de son rang, le Premier ministre a tenté de convaincre le peuple du bien bien-fondé de sa compilation d’intentions pour conduire l’action gouvernementale pour la transition. Six grands axes allant du renfoncement de la sécurité à l’organisation d’élections générales, en passant par la refonte du système éducatif, la bonne gouvernance, les réformes politiques et institutionnelles. Un beau discours, sauf que ces axes ont beaucoup ressemblé à du déjà entendus par bon nombre de Maliens. Plutôt que de construire un plan d’actions reflétant les objectifs assignés à la transition, Moctar Ouane a élaboré un document dans lequel lui-même ne se retrouve point, tant les ambitions y annoncées sont loin d’être celles assignées à la transition.

Il trouve, lui-même, l’exercice inédit, mais le PM pense que cela entre dans le cadre du renouveau de la gouvernance qui impose une obligation de planification de l’action publique, ainsi que le double devoir de transparence dans la gestion des affaires de la cité et de redevabilité.

Pour ce faire, Moctar Ouane a oublié qu’il est à la tête d’une équipe composée majoritairement de novices. Il a affirmé que sa proposition se fonde sur la feuille de route édictée par le président Bah N’Daw. Seulement, l’on se demande si c’est ce dernier qui lui a inspiré l’ouverture de ces chantiers pharaoniques.

Comme s’il ne voit pas l’envergure de ses propositions qu’il trouve cohérentes avec un horizon précis, des objectifs définis, avec des moyens identifiés dans le respect du temps imparti et des équilibres macroéconomiques et financiers. Les observateurs sont tombés des nues. Car, nulle part dans sa déclaration, le chef du gouvernement n’a daigné communiquer ni un chronogramme de mise en œuvre de ses vœux pieux ni le coût de son Pagt. Les Maliens ont retenu deux choses de son discours : ‘’Bientôt le gouvernement va faire….. Nous allons solliciter les partenaires pour la mobilisation des ressources y afférentes’’. D’où le pessimisme des uns et des autres.

L’annonce de la couleur de l’éléphant

Ainsi, le premier axe de son plan d’action est consacré au renforcement de la sécurité sur l’ensemble du territoire national. Pour sa mise en œuvre, le PM propose comme actions prioritaires de : diligenter la relecture, l’appropriation et la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger ; accélérer le processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion des combattants dans le Nord et le Centre du pays ; Procéder à la dissolution effective de toutes les milices d’auto-défense ; redéployer les forces de défense et de sécurité sur l’ensemble du territoire national.

A la lecture des actions qu’il a annoncées, les Maliens se sont demandé s’ils vivent dans le même pays que Moctar Ouane. Parce que lui et son gouvernement sont très incohérents. Pendant qu’il reconnaît que ce sont les concertations nationales qui recommandent la relecture de l’Accord, son gouvernement fait tout le contraire. S’il y a un domaine dans lequel, il excelle depuis le début de la transition, c’est sa volonté manifeste et la rapidité par laquelle cet accord est appliqué. Comment le PM peut-il réviser un accord déjà appliqué ?

L’autre priorité pour laquelle il n’a ni les moyens encore moins la stratégie reste la dissolution des groupes armés. Avant lui, cette initiative avait été prise par le gouvernement. Mais elle n’a jamais pu être réalisée. Et pour cause, personne au Mali ne connaît leur nombre et leur répartition sur le territoire national. Aussi, pour les dissoudre, il va falloir que l’Etat reprenne sa place dans les zones désertées. Parce que c’est au nom de l’insécurité que ces groupes armés ont pris les armes.

Le deuxième axe du Pagt porte sur la promotion de la bonne gouvernance avec comme actions prioritaires : restaurer l’autorité et l’utilité sociale de l’État à travers la fourniture des services sociaux de base ; promouvoir la citoyenneté et le civisme à travers l’éducation et la culture ; renforcer la lutte contre l’impunité et accentuer la lutte contre la corruption ; rationaliser les dépenses publiques en réduisant le train de vie de l’État ; auditer la gestion des fonds alloués aux secteurs de la sécurité, de la défense et de la justice dans le cadre des lois d’orientation et de programmation.

Cet axe, jadis, galvanisait les Maliens. Aujourd’hui, il faut reconnaître que ça sonne creux dans leurs oreilles, tant ils ont été déçus par tous les régimes qui ont tenu le même discours. Et Moctar Ouane n’est pas rassurant là-dessus. Pour cause, la méthodologie annoncée pour réduire le train de vie de l’Etat est insignifiante. Moraliser l’utilisation des voitures de l’Etat. C’est ce que promet le PM. Les observateurs se demandent quel est l’impact réel de cette action alors qu’il est avéré que les deniers publics sont engloutis exclusivement dans les baux pour les services de l’Etat et les primes et indemnités faramineuses de certains agents. C’est là que devrait se situer la priorité lorsqu’on veut promouvoir la bonne gouvernance et arrêter l’hémorragie financière.

Le troisième axe du plan de Moctar Ouane s’articule autour de la Refonte du système éducatif. L’initiative est certes bonne, mais son efficacité rester à démontrer. Les priorités du PM sur la question sont au nombre de deux : négocier un moratoire avec les partenaires sociaux de l’éducation en mettant en place un cadre de concertation régulier ; engager une refonte du système éducatif. Sur la première, il faut croire qu’il prêche dans le désert. Car, l’Etat a maintes fois échoué sur le sujet avec les partenaires sociaux qui n’ont nullement confiance en lui. Pour cause, l’Etat respecte rarement ses engagements. Vouloir convaincre les syndicats de la bonne foi de l’Etat est un exercice dans lequel le PM risque de se retrouver seul autour de la table.

Engager une refonte du système éducatif. Cette action est aussi prioritaire, mais les Maliens se demandent si cela est le travail d’une transition d’engager des reformes d’un secteur aussi pourri que l’éducation. De 1962 à nos jours, ce sont surtout les différentes réformes expérimentées qui ont mis l’école malienne dans cet état de putréfaction. Là-dessus, il annonce la tenue d’un forum. Mais en 2007 déjà, le président ATT avait tenu un forum similaire. Mais recommandations dorment toujours dans les tiroirs du gouvernement. Comme quoi, ce ne sont pas les textes qui manquent dans ce pays, mais plutôt la volonté politique.

L’axe sur lequel le PM était vivement attendu concerne le point quatre de son document : les réformes politiques et institutionnelles. A ce sujet, il faut dire que Moctar Ouane peut être de bonne foi, mais ses ambitions sont démesurées. Il annonce quatre actions prioritaires: parachèvement du processus de réorganisation territoriale ; réforme du système électoral en prenant en compte les Maliens établis à l’extérieur ; élaboration et adoption d’une nouvelle constitution ; poursuite du chantier de la régionalisation. Si le parachèvement du processus de réorganisation territoriale semble être à sa portée, les autres sont loin d’être une partie de plaisir. Car, depuis l’avènement de la démocratie au Mali, aucun régime n’est parvenu à organiser un référendum en dehors de celui de 1992. Ce n’est certainement pas une transition de quelques mois qui arriverait à le faire. Pour ce cas comme celui de la régionalisation, nul besoin d’être le directeur national du Trésor pour comprendre que l’Etat n’a pas les moyens financiers pour y parvenir. Et pour ce faire, les partenaires techniques et financiers ne vont pas se bousculer pour signer des chèques à une transition qui ne leur inspire pas confiance.

Moctar Ouane veut une transition apaisée et inclusive. C’est pourquoi il annonce en cinquième axe de son plan l’adoption d’un pacte de stabilité sociale.

Ce, avec comme priorité d’organiser une conférence sociale et engager le débat sur les questions de société comme le rôle des autorités coutumières et religieuses, la question de la pratique de l’esclavage, ainsi que le statut de la femme ; relancer le dialogue avec les groupes radicaux maliens ; engager le dialogue entre les communautés et acteurs locaux en conflit ; créer les conditions favorisant le retour des déplacés et réfugiés ; accélérer le processus d’indemnisation des victimes depuis 1960.

A première vue, le PM est concret en termes de propositions, mais la matérialisation de ces annonces lui fera certainement pousser des cheveux blancs.

Gérer les revendications sociales de plus en plus nombreuses avec des acteurs multiformes n’est pas chose aisée. L’injustice sociale et les disparités dans le traitement des agents de l’Etat ne peuvent être absorbées comme par coup de baguette magique. D’ailleurs, les ressources pour corriger tout cela n’existent point. Sur sa deuxième priorité, sa volonté est partagée par la majorité des Maliens qui sont favorables à l’ouverture d’un dialogue avec les terroristes maliens. Cette question pourra être traitée rapidement s’il parvient à trouver les leviers nécessaires pour établir le pont. L’indemnisation des victimes depuis 1960, un vaste chantier qui lui coûtera du vinaigre, à n’en pas douter.

C’est le sixième et dernier axe du Pagt qui semble être intéressant. Là, Moctar Ouane fait des grandes annonces. L’organisation des élections générales avec comme priorités : élaborer un chronogramme pour les futures échéances électorales ; organiser les opérations référendaires et les élections générales. Si pour la première action prioritaire il y a déjà un brouillon qui circule, pour la seconde, il va devoir convaincre la classe politique qui, jusque-là, observe patiemment le bon moment pour se faire entendre.

Moctar Ouane sans le sou

Les Maliens ont été surpris que l’énoncé de ce vaste programme, aux allures d’un projet de campagne, ne repose sur rien de concret. Ils savent déjà que le temps imparti pour la durée de la transition ne permet point de réaliser toutes ces bonnes intentions du Premier ministre, mais leur surprise a été encore plus grande d’entendre ce dernier affirmer qu’il compte sur l’aide des partenaires techniques et financiers pour réaliser son Pagt. Cela revient à l’adage bambara qui dit : « Avaler une noix de coco en espérant sur l’anus d’autrui. »

Pour sûr, le Pagt de Moctar Ouane ressemble à un éléphant blanc qu’il veut vendre au peuple. En attendant de connaitre le sort que les membres du CNT vont lui réserver ce lundi, il doit comprendre que ses ambitions sont trop démesurées pour la durée d’une transition qui ne compte plus que 13 mois.

Dieu veille !

Harber MAIGA
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