A moins de considérer qu’une « afghanistanisation » soit une fin en soi et un résultat enviable, il est difficile d’échapper à l’impression d’un échec.
Plus de 346.000 refugiés et déplacés maliens, d’après les dernières estimations des Nations-unies. De hauts gradés de l’armée ont troqué leur treillis contre le sabre des djihadistes. Leurs noms sont égarés dans les limbes de la violence. Et les accointances entre les groupes extrémistes religieux et les groupes armés ne souffrent plus de l’ombre de doute. Les rapports des renseignements français, américains et les preuves accablantes accumulées par le gouvernement nigérien en font foi. Groupes armés le matin, signataires des accords de paix, djihadistes la nuit, combattant aux côtés d’Iyad Ag Ghali, d’Amadou Koufa ou des commandos de l’Etat islamique au Sahel. Tous sont accueillis dans les capitales de certains pays voisins et du Golfe, pas dans les hôtels 5 étoiles, mais dans de luxueuses villas à l’abri des regards indiscrets. Es-ce ces pays ne craignent pas de dérouler sous leurs pieds des tapis rouges ? Le jeu en vaut-il la chandelle? Quid de l’hypocrisie de l’Organisation des Nations-Unies qui ne rappelle ni à l’ordre les Etats voyous ni édicte des sanctions à leur encontre. Ses casques bleus sensés protégés les populations civiles ont cédé aux facilités de l’inaction.
Le Mali, pays déchiré en miettes, a mal à son unité nationale. L’Etat n’est pas un. Un Etat a le monopole de la violence. Or le pays vit une situation où les groupes armés et djihadistes contrôlent 80% du territoire national. Les razzias avec leur cortège de pluie de sang, de larmes ont engendré des groupes d’autodéfense en rajoutant aux multitudes de conflits et d’intérêts. Cette instabilité profite davantage à Al Qaeda et à l’Etat islamique, agace de plus en plus les populations. Celles-ci ont du mal à vivre ensemble avec un jeu d’ingérence internationale. Les Maliens veulent être souverains, donc ne supportent pas la présence des troupes étrangères assimilée à une occupation qui leur rappelle la sombre période coloniale.
Dans ces conditions, on voit mal comment le Mali pourrait rapidement sortir de ce péril. Certes Bah N’Daw hérite d’un pays à l’agonie. Le président de la transition ne veut pas se priver de la forte recommandation du Dialogue national inclusif (DNI) d’ouvrir un couloir de négociations avec les groupes extrémistes locaux. Iyad Ag Ghali, le chef d’Ane sardine a fait allégeance à Al Qaeda. Et Amadou Kouffa a lié son sort à Iyad Ag Ghali. Par peur de représailles des nébuleuses organisations terroristes, il est peu probable qu’ils s’asseyent autour d’une table de négociations. D’ailleurs, l’expérience tentée en Irak, Afghanistan indique clairement les limites de ce genre d’entreprise. Iyad et son protégé Koufa ne sont pas dans une prédisposition de couper le pont avec Al Qaeda. Même si par miracle ils adoptent une telle démarche, la France hostile à tout dialogue avec les groupes djihadistes pourrait torpiller les efforts de paix en lançant à leurs trousses une horde de commandos et un tapis de bombes.
A moins de considérer qu’une « afghanistanisation » soit une fin en soi et un résultat enviable, il est difficile d’échapper à l’impression d’un échec.