Le Général Amadou Haya Sanogo et coaccusés sont désormais libres et exonérés de tous les crimes qu’ils ont commis. Ainsi en a décidé la cour, hier lundi 15 mars 2021, qui a invoqué la loi d’entente nationale adoptée en 2019 au nom de la réconciliation, et qui offre l’amnistie ou la grâce aux auteurs de certains crimes perpétrés pendant la crise de 2012. La cour a également invoqué un accord de dédommagement conclu entre l’État et les parties civiles. Avec cette loi, prévue dans le cadre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation, issu du processus d’Alger, c’est désormais bonjour l’impunité et les coups d’Etat !
Ainsi cette loi, en son Article 2, annonce la couleur en ces termes :« Visant à concrétiser la politique de la restauration de la paix et de la réconciliation nationale, socle de la stabilité et du développement de la Nation, la présente loi a pour objet : l’exonération des poursuites pénales engagées ou envisagées contre les personnes ayant commis ou ayant été complices des faits visés à l’article 3 ci-dessous ; l’adoption de mesures de reconnaissance et de réparation en faveur des victimes des douloureux évènements survenus dans le contexte visé à l’article 3 ci-dessous ; l’adoption d’un programme de réinsertion des personnes qui ont été des victimes collatérales dans les évènements visés à l’article 3 ci-dessous ».
Et l’Article 3, on note : « Les dispositions de la présente loi s’appliquent aux faits pouvant être qualifiés de crimes ou délits, prévus et punis par le Code pénal malien, les lois pénales spéciales et les conventions et textes internationaux ratifiés par le Mali en matière de protection et de promotion des Droits de l’Homme, survenus dans le cadre des évènements liés à la crise née en 2012 et qui ont gravement porté atteinte à l’unité nationale, à l’intégrité territoriale et la cohésion sociale », tandis qu’à l’Article 4, il est dit que « Sont exclus du champ d’application de la présente loi, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les viols, les conventions internationales et africaines relatives aux Droits de l’Homme et au Droit International Humanitaire et tout autre crime réputé imprescriptible ».
Invoquer cette loi pour laisser des gens qui ont tué plus d’une vingtaine de bérets rouges est un véritable sacrilège ! En effet, ce qui était pendant tout ce temps attendu pour être grand un moment de vérité s’est finalement révélé être une simple séance de formalité pour vider ce dossier une bonne fois pour toute. Ce qui ne surprend guère, car les couleurs avaient déjà été annoncées par les avocats de Sanogo et coaccusés, qui ont évoqué le fait que la cour va certainement entériner un arrangement entre les accusés et les parties civiles. Un accord d’indemnisation, négocié sous IBK, a donc été avalisé la cour.
Dès lors, on avait compris que le vin était tiré, et qu’il ne resterait plus qu’à le boire au cours de ce qui ne fut finalement qu’un semblant de procès ! La libération de Sanogo et co-accusés en janvier 2020 avait pourtant suscité beaucoup de commentaires et récriminations de la part des citoyens, mais aussi des défenseurs de droits de l’homme, à l’image de Ousmane Diallo, chercheur à l’Amnesty International chargé de l’Afrique de l’Ouest, qui avait qualifié la liberté provisoire accordée au chef de l’ex-junte et à ses compagnons d’un nouveau coup aux familles des 21 parachutistes assassinés, « bien que cette décision soit conforme aux droits de la défense… ».
«Cette libération provisoire du général Amadou Haya Sanogo met en doute l’engagement des autorités à rendre justice et vérité aux familles des 21 soldats assassinés…. Cela fait près de huit ans que les corps des soldats ont été découverts dans une fosse commune, et la justice reste insaisissable. Le procès de Sanogo et de ses coaccusés devait reprendre plus tôt ce mois-ci (ndlr : janvier 2020), mais a de nouveau été reporté à la dernière minute. Maintenant, les familles des victimes ont reçu un nouveau coup avec la nouvelle que Sanogo se promènera en liberté en attendant le début de son procès », avait-il déclaré.
Il avait en outre indiqué que « l’impunité et le déni de justice pour les victimes ne pourront que nourrir la discorde nationale par la perpétuation de violations des droits de l’homme… Nous exhortons les autorités maliennes à veiller à ce que toutes les violations graves des droits de l’homme fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites, et à respecter le droit des victimes à la vérité et à la justice et le droit de l’accusé à un procès équitable», convaincu que tout retard dans le procès prolonge non seulement l’attente des familles de victime, mais viole également le droit des accusés d’être jugés dans un délai raisonnable ».
Le sieur Ousmane Diallo, tout comme la dame Amina Soumaré et d’autres victimes du coup d’Etat de 2012 n’ont donc pas été entendus dans leur exhortation aux autorités maliennes de veiller à ce que toutes les violations graves des droits de l’homme fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites, et de respecter le droit des victimes à la vérité et à la justice, car au finish, c’est bienl’impunité et le déni de justice pour les victimes qui ont prévalu !