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« Nous ne pardonnerons jamais à la France » : la colère et le désarroi des veuves de militaires maliens
Publié le mercredi 31 mars 2021  |  lacroix
Obsèques
© aBamako.com par A S
Obsèques des militaires décédés à la suite de l`attaque de Nara
Kati, le 06 Septembre 2020, se sont déroulées les obsèques des militaires décédés à la suite de l`attaque de Nara.
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Alors que le décompte de soldats tués ne cesse de croître, des familles pointent des doigts accusateurs vers la France. L’armée malienne, de son côté, ne fait pas grand-chose pour leur venir en aide.

À Kati, ville garnison, à 15 km de Bamako, elles sont une quarantaine, regroupées dans un grand salon autour de Djeneba Keita, présidente de la Fédération des veuves de militaires du Mali. En cet après-midi du 22 mars, une de leurs membres a perdu son filleul lors de l’attaque de Tessit, le 15 mars, qui a fait 33 morts.

Une fédération de 619 veuves

Ces rencontres servent de thérapies de groupe. Un environnement dans lequel ces femmes qui partagent la douleur de la perte d’un mari, d’un enfant, les deux pour certaines, laissent éclater leur colère. Elles se rassemblent dès qu’elles le peuvent. Depuis le début de la crise, elles disent avoir recensé 1 017 décès de militaires maliens. Autant de drames pour cette fédération de 619 veuves.

« Toutes les veuves ne sont pas avec nous », tient à préciser Djeneba Keita. Fille, veuve et mère de militaires, elle œuvre pour ces femmes qui voient en elle le sauveur. Toutes ont été priées de quitter le camp militaire de Kati à la fin des quatre mois et dix jours de veuvage consécutifs au décès de leur mari. Elles sont depuis en location et peinent à payer le loyer. « Comment le pourrions-nous ? avec des pensions qui oscillent entre 12 000 FCFA (18 €) et moins de 50 000 FCFA (76 €) par mois », se désole la présidente.



Elles survivent grâce à des donations d’ONG ou d’anonymes. Récemment, un donateur leur a offert 150 lots de terrain à titre d’habitation. Mais chacune d’elles doit encore payer 2 500 FCFA (3,82 €), pour régler des formalités administratives. Les difficultés à réunir cette somme les renvoient à leur réalité faite de précarité et de rage.

La France, bouc émissaire…

À une heure de grande écoute, un spot publicitaire en soutien aux FAMa (Forces armées maliennes) affirme qu’il est versé à la famille du militaire décédé en opération une indemnité égale à dix ans de salaire du grade immédiatement supérieur et ce, dans les trois mois suivant le décès. « Faux ! », s’emportent les veuves. Seules 13 familles sur plus d’un millier ont eu droit à cette indemnité, disent-elles. Sollicitée, l’armée n’a pas souhaité réagir.

Leur rage, ces femmes la dirigent surtout contre la France, coupable selon elles de complicité dans les morts de soldats maliens. « Nous ne pardonnerons jamais à la France », lance l’une d’elles. Septuagénaire, elle a perdu son fils au front, mais ne l’a appris que six mois plus tard. La France « veut déstabiliser le Mali, tuer ses jeunes soldats, afin de profiter de ses richesses », une théorie déjà bien répandue dans certains milieux, dont elles ont fait un dogme.

Conscientes que la France ne « saurait partir » maintenant, elles veulent agir pour mettre fin à la « saignée ». Selon la présidente de la Fédération, les veuves envisagent de manifester nues devant l’ambassade de France, symbolique ultime de leur désarroi. Selon une croyance populaire, les malédictions de femmes manifestant dans le plus simple appareil trouvent toujours écho favorable.

…et des maris volages

Mais si la France est la seule sur le banc des accusés, elle n’est pas la seule cible du ressentiment de ces veuves. Elles en ont aussi à l’encontre des maris volages et des autorités maliennes. « Je m’entendais très bien avec mon mari, mais trois jours après son décès, un enfant venu de Kidal (nord) s’est présenté devant moi comme étant le fils naturel de mon défunt époux », se remémore Djeneba Keita, non sans amertume.

Elle apprendra, quelque temps plus tard, qu’il en avait un ­deuxième, à Tombouctou, au nord du pays. Selon des thèses qu’elles tiennent pour vraies, ces enfants nés hors mariages, abandonnés par leur père du sud « veulent obtenir vengeance ». Une soif vengeresse qui aurait comme terreau fertile la faiblesse des dirigeants maliens vis-à-vis de la France.

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Enquête des Nations unies sur une attaque française au Mali


Ce que dit l’enquête de l’ONU. Elle confirme « la tenue d’une célébration de mariage qui a rassemblé sur le lieu de la frappe une centaine de civils parmi lesquels se trouvaient cinq personnes armées, membres présumés de la Katiba Serma », affiliée au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, alliance djihadiste elle-même affiliée à Al-Qaida. Au moins 22 personnes ont été tuées, dont trois des membres présumés de la Katiba Serma ; 19 sur le coup, 3 au cours de leur évacuation.

Ce que dit le ministère français des armées. Il « réaffirme avec force » que « le 3 janvier, les forces armées françaises ont effectué une frappe aérienne ciblant un groupe armé terroriste identifié comme tel » près de Bounti. Il « émet de nombreuses réserves quant à la méthodologie retenue » par l’ONU et « ne peut considérer que ce rapport apporte une quelconque preuve contredisant les faits tels que décrits par les forces armées françaises ».
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