En prononçant ces mots, Cheick savait très bien que personne ne le croirait parmi ceux qui l’écoutaient. Lui-même le savait, il l’avait dit au maître de la maison mais celui-ci l’avait forcé à se justifier pour son irruption fracassante dans son salon.
C’était il y a deux ans de cela. Abdou ayant décroché une bourse d’études, trouva son ami Cheick et lui confia la garde de son foyer. Il l’accepta avec enthousiasme. Cela ne saurait être autrement entre les deux enseignants qui témoignent d’une grande amitié. Depuis leur tendre enfance, les deux amis avaient tout partagé. Joies et peines, le tout dans un climat de solidarité exemplaire. A chaque fois que l’un faisait face à une situation difficile, l’autre lui venait en aide sans calcul aucun. Une fois, Cheick avait eu un baptême au moment où il se trouvait hors du pays pour une mission de plusieurs jours. C’était Abdou qui avait tout assuré, comme si c’était son enfant à lui. Au retour de Cheick, il voulut restituer à Abdou ce qu’il avait investi dans la cérémonie. Abdou refusa, allant jusqu’à reprocher à son ami son manque de considération pour leur amitié.
C’était sous ce climat de confiance mutuelle qu’Abdou quitta son foyer pour deux années d’études dans une université française. Il était certain que derrière lui, rien de mal ne pouvait arriver à sa petite famille sous les soins de Cheick son ami intime.
Et cela allait très certainement se passer ainsi sans cette intrusion immorale d’Issa, un autre collègue de Cheick et d’Abdou. En effet, ce lundi vers 22 heures, se rendant chez son ami pour une visite de routine, quand il aperçut la moto d’Issa garée à la porte de la maison de son ami. Cheick se rapprocha tout doucement et s’introduit dans la maison sans s’annoncer. Tout était calme, ce qui inquiéta et souleva des soupçons chez Cheick qui se mit à marcher sur la pointe des pieds jusqu’à atteindre une des fenêtres de la concession. Il hasarda un coup d’œil ; ce qu’il découvrit le laissa pantois. Issa et la femme de son ami étaient seuls au salon, assis dans le grand canapé, les bras dessus dessous. Après un temps, ils se relevèrent et regagnèrent une chambre dans le fond.
Le lendemain, Cheick envoya un coup de fil de très bonne heure à Miriam, la femme de son ami. Il lui annonça qu’il lui rendrait visite à minuit. Elle fut surprise et voulut savoir les raisons de ce rendez-vous de noctambule. Cheick ne lui fournit aucune explication. Il attendit tard la nuit, prétexta une réunion de syndicat auprès de sa femme et rejoignit la femme de son ami. Il trouva les deux enfants endormis, ce qui lui facilita la tâche. Il prit place dans le canapé et Miriam lui servit un jus à boire. Il vida deux verres d’un trait et dit :
« J’étais passé ici hier vers 22 heures mais tu étais occupée avec Issa ». La femme sursauta, bredouilla des mots inaudibles et fondit en larmes. Elle se leva de là où elle était et rejoignit Cheick dans le canapé. Elle dégageait des senteurs enivrantes des parfums les mieux choisis. Tout en pleurnichant, elle se rapprochait de Cheick et finit même par s’asseoir sur ses jambes. Cheick ne se déroba pas. Au contraire, il fut envahi par une vague indescriptible de désir. Ce qui devait arriver, arriva cette nuit-là. Et, depuis, Issa et Cheick se relayaient allégrement chez la femme de leur ami.
Ce dimanche 18 mars 2019, Cheick arriva en premier chez Miriam. Surprise ! Dans le salon, il entendait des voix, celle de Miriam et d’un homme. Il se rapprocha et colla l’oreille ; c’était la voix de Abdou son ami. Depuis quand était-il rentré ? Pourquoi ne l’avoir pas prévenu de son arrivée ? Ni lui ni sa femme. Cheick était à cette réflexion quand il sentit une présence derrière lui. C’était Issa. Dans un élan fulgurant, Issa posa ses mains sur les fesses de Cheick et le poussa de toutes ses forces. Il prit la fuite. Dans le salon, Cheick était assis au milieu. Abdou et sa femme l’observaient comme s’il était tombé du ciel. Abdou s’en inquiéta : « qu’est ce qui ne va pas Cheick ? ». Encore assis et les yeux écarquillés à démesure, Cheick débita : « Tu ne me croiras pas mais… on, m’a poussé. »