Depuis un certain temps, la plupart des taxis Anpe-BRS se font rares dans la circulation bamakoise. Pourtant, il y a seulement trois ans, les différents partenaires de ce projet exprimaient avec une relative fierté leur joie lors du lancement de l’opération. A ce jour, force est de constater que ce projet a connu un échec cuisant, brisant du coup l’espoir de la jeunesse malienne qui y voyait une aubaine pour l’emploi.
Dans le souci de renouveler le parc de taxis de certaines villes du Mali et de créer de l’auto emploi au Mali, la Coopérative des chauffeurs de taxi du Mali (Cctm), en partenariat avec l’Agence nationale pour l’emploi (Anpe) et la Banque régionale de solidarité (BRS) a mis en place en 2009 l’opération taxis qui consistait en la mise à disposition des membres de ladite coopérative, régulièrement inscrits à l’Anpe, des véhicules neufs contre le dépôt d’un fonds de garantie. Mais cette initiative, si elle était salutaire au départ, est en train de se gripper au regard du nombre élevé des véhicules garés dans différents parcs auto de la ville de Bamako, parce qu’ils ont été facilement usés.
Les raisons du désastre
Nous avons rencontré les différentes parties prenantes pour en savoir plus sur les tenants et aboutissants de la situation de ce projet. Il s’agissait notamment des chauffeurs, de la BRS et de l’Anpe. Tous sont unanimes sur l’échec du projet. Mais à qui la faute ?
Dans un premier temps, les chauffeurs et conducteurs bénéficiaires de l’opération accusent les membres de la Coopérative de manque de transparence dans la gestion de l’opération et de déficit d’entretien des véhicules qui, disent-ils, ne sont pas adaptés au système malien. Pire, les chauffeurs pointent du doigt l’abus dont la coopérative a fait montre en retirant de manière arbitraire des taxis des mains des bénéficiaires après seulement quelques jours de retard dans le paiement des recettes. Autre grief des chauffeurs, c’est le fait que les véhicules sont immobilisés pour certains pendant plus de quatre mois, sans aucune compensation pour le titulaire.
Même s’ils sont nombreux à travailler désormais avec la coopérative, les chauffeurs estiment toutefois qu’au regard des conditions «minables» dans lesquelles ils travaillent, ils ne verront jamais le bout du tunnel.
Selon le président en exercice, Aboubacar Keita, l’échec de ce projet a été consommé bien avant son arrivée à la tête de cette structure. Selon lui, le problème se trouvait au niveau de la réparation des voitures avec les concessionnaires qui, non seulement, n’étaient pas à la hauteur pour faire ce travail, mais aussi surévaluaient les factures. «Imaginez qu’un simple entretien faisait 200 000 FCFA. Alors que nous sommes actuellement avec un garagiste qui fait le travail avec un prix abordable », déplore t-il. Pour vérifier ces accusations, nous avons contacté l’ancien président de la Coopérative des chauffeurs, Alou Guissé. Malheureusement ce dernier n’a pas voulu se prononcer sur le projet, sous prétexte qu’il n’est plus aux commandes.
M. Keita explique par ailleurs que les véhicules n’avaient pas de pièces de rechange et que la garantie qui les liait au concessionnaire les obligeait à s’approvisionner chez ce dernier qui les leur cédait à des prix exorbitants. Pour remettre le train en marche, la Coopérative a ainsi décidé de chercher un nouveau partenaire pour la réparation des véhicules défectueux. Car, à en croire le Président Keïta, la BRS n’est plus dans la dynamique de relancer le projet.
La méfiance de la BRS
Face à l’échec du projet, la Banque régionale de solidarité (BRS), partenaire financier de l’opération, entendrait se rétracter. Les dirigeants de cette Banque estiment qu’ils sont confrontés à un déficit de payement de la part des chauffeurs. Aux dires de Balayla Keïta, responsable de la BRS chargé de la gestion de l’opération taxis, l’opération est entachée d’une très grande défaillance. «Nous avons constaté une très grande défaillance dans la mesure où les remboursements ne sont pas respectés.
Nous accusons des retards de paiement de la part des chauffeurs. Après les audits nous avons décidé de geler les comptes. Ce qui signifie que la Banque n’est plus dans cette dynamique de relancer l’opération», regrette-t-il. Et M. Keïta de préciser que l’échec de ce projet est sans doute lié à la mauvaise volonté des chauffeurs de taxis qui penseraient que les véhicules sont pour l’Etat.
L ’Anpe comme relais
Pour sa part, le responsable du Département de la formation et de la promotion de l’emploi de l’Anpe, Sambala Sow, explique que seulement 36% des véhicules sont en circulation. Ce qui signifie, selon lui, que les 60% sont au garage. Il a ensuite dénoncé le mauvais comportement du concessionnaire.
«La coopérative a eu un problème avec le concessionnaire Yattassaye qui avait une garantie avec la Coopérative au moment de la livraison des véhicules. Les pièces qu’on trouvait au marché à 5 000 FCFA, Yattassaye les vendait à 50 000 FCFA. Ce qui fait que le projet ne pouvait pas aller loin», dit-il. En outre, Sambala Sow a laissé entendre que certains chauffeurs y ont leur part de responsabilité. Ainsi, il dira qu’après avoir fait l’état des véhicules, ils ont demandé aux chauffeurs d’aller faire la facture pour les réparations. « Ils ont procédé à des surfacturations moyennant le prix d’un nouveau véhicule».
Pour la relance du projet, M. Sow fera savoir que l’Anpe est prête à donner un fonds pour remettre sur pied l’opération. Mais à condition, dit-il, que la Coopérative dégage la situation de chaque chauffeur afin de ne pas être confrontée à des difficultés. «Nous avons fait le rapport de 57 véhicules repartis en 3 catégories.
Il y a 7 véhicules dont le devis ne dépasse pas 50 000 FCFA. Comme deuxième catégorie, il y a 25 véhicules dont le devis ne dépasse pas 500 000 FCFA. Et enfin, il y a 13 véhicules dont le devis ne dépasse pas 1 million FCFA. Après concertation, l’Anpe a décidé de financer la réparation des véhicules dont le devis est de l’ordre de 500 000 FCFA à moins de 50 000 FCA. Donc, ce qui fait que désormais 32 véhicules seront en circulation dans les jours qui suivent», affirme Sambala Sow.
Ibrahim M.GUEYE et Mariam Ben BARKA, stagiaire