L’Etat malien se singularise par sa grande permissivité dans la gestion de la cité. La sortie ubuesque – à la limite provocatrice – de l’ex célèbre pensionnaire carcéral pendant presque 8 ans, le Général Amadou Aya Sanogo en l’occurrence, prouve à suffisance le pinacle de désinvolture et de laxisme au Mali.
En effet, l’auteur de la page la plus scandaleuse de l’histoire de la nation malienne n’entend pas rester en marge de la vie politique et militaire malgré tous les griefs à son égard. Dans une interview Tiken Jah Fakoly s’exprimait en ces termes « le Mali est ce pays où tout est possible ». Comment ne pas concéder à Tiken cette vérité qui crève l’œil ?
Si le coup d’Etat est un crime imprescriptible selon notre constitution, celui de 2012, qui a eu raison du régime d’Amadou Toumani Touré sous l’acclamation volage d’une frange de la population, ne résulta que d’évènements aussi pernicieux les uns que les autres : une dissension militaire meurtrière au sein de l’armée, l’assassinat de 21 bérets rouges, la perte des 3 régions du nord (Gao , Tombouctou , Kidal), la déstabilisation des institutions, le pillage des services publics , des abus en tous genres, etc.
Le manipulateur et leader de la junte militaire, qui a conduit le pays dans le précipice dont il peine à sortir, après avoir échappé à la justice par la bénédiction d’une loi dite d’entente nationale, a eu l’aplomb herculéen d’attirer les projecteurs sur sa controversée personne par le biais d’un discours qui fait caqueter plus d’un. Le 27 mars 2021, à Ségou, les sympathisants du modeste capitaine Sanogo propulsé en 2013 au grade de général 4 étoiles initiaient un meeting incongru à son honneur. Lors de son allocution, 3 points essentiels ont suscité l’effarement : d’une part dans son speech le général 4 étoiles a proclamé son pardon à tout le monde alors qu’il porte lui-même un lourd passif de victimes occasionnées par son coup d’Etat ; d’autre part il s’érige en fervent défenseur de l’armée dont il est aujourd’hui le plus haut gradé en oubliant peut être qu’il est la sombre figure qui rappelle la terrible guerre intestine qui a opposé bérets verts et bérets rouges au lendemain du renversement anticonstitutionnel du régime de 2012. Et, pour couronner le tout il invite les gens, comme par bravade, à prendre sa sortie médiatique comme ils le veulent.
Par ailleurs, si cette sortie inconsidérée laisse aphone beaucoup de personnes, les partisans du général Sanogo en avaient pourtant annoncé les couleurs à l’issue de son procès, le 15 mars passé, en assurant qu’il fera de la politique. Rien de surprenant dans un pays comme le nôtre où visiblement on franchit facilement le Rubicon, où le respect des textes est un luxe, où le degré d’impunité a atteint le summum, où la prise de parole sur la place publique est plus aisée que de se faire cuire un œuf.
N’ayons pas peur de le dire ni de le reconnaître au Mali, le pas de trop a été franchi dans le laisser-faire. Il a été malséant et même dangereux de permettre au général Sanogo de faire une sortie de cet acabit alors que les nombreuses blessures dont il est l’instigateur ou la cause ne sont pas cicatrisées.