Ce 13 avril 1975, sous la houlette d’un Cheick Diallo étincellent, les Aigles infligent un cinglant 3-1 au Black star et mettent fin à une disette de 14 ans face à cette sélection. Un événement historique raconté dans ces lignes par le reporter de L’Essor, Gaoussou Drabo
Mali-Ghana 3-1 : les limites d’une victoire
Première réaction et toute naturelle : satisfaction et soulagement. Le maléfice, jeté il y a de cela 14 ans, semble enfin avoir été brisé, et à un moment décisif. Faut-il voir l’amorce d’un redressement irrésistible dans notre football national ? Ce serait se précipiter un peu trop vite aux conclusions et oublier une autre tradition qui, elle, est autrement tenace. Depuis plusieurs années, les Aigles du Mali bâtissent l’essentiel de leurs succès, non pas sur un jeu collectif irréprochable, mais sur le talent de quelques solistes, sur la présence d’hommes appelés à forcer le destin.
Ce système nous a réussi en de multiples occasions, mais ne nous a pas évité certains déboires. Dimanche dernier (dimanche 13 avril 1975, ndlr), la victoire de l’équipe malienne a été la combinaison des éclairs de génie d’«hommes providentiels» et de la bonne volonté ainsi que de la détermination de leurs coéquipiers. Un mélange détonnant qui peut tout aussi bien dynamiter la défense adverse que nous exploser à la figure. La première éventualité dans ce cas bien précis s’est produite. Souhaitons qu’elle connaisse une réédition le 27 avril prochain (27 avril 1975 pour la manche retour, ndlr).
UNE MI-TEMPS ÉQUILIBRÉE-D’emblée, les Aigles semblaient vouloir extérioriser la confiance qu’ils affichaient. Fanta Mady Kéita se lançait dans une offensive en solitaire, passait en beauté deux adversaires et centrait dans la surface de réparation. Le cafouillage qui s’en suivit se terminait sans dommages pour le «Black star» (surnom de la sélection ghanéenne, ndlr) qui répliquait deux minutes plus tard. Mais un dégagement raté du défenseur central, Aly Ouattara permettait à Kwasi Owusu de décrocher un tir très appuyé. Le Onze malien renouait alors avec ses péchés mignons, surtout les passes ratées ou adressées latéralement. Au cours de cette période de flottement, les Ghanéens bénéficièrent de deux corners. A la 13è minute, Moctar Sidibé enlevait littéralement une balle au dessus de la tête d’Owusu.
Le milieu de terrain malien demeurait inconsistant, Poker (Idrissa Traoré, ndlr) restant cantonné aux alentours des 18 mètres. Tamboura, crispé et tâtonnant, portait inutilement la balle ou adressait des passes au petit bonheur la chance. C’est ainsi que Cheick Diallo, Fanta-Mady Keïta et Drissa Konaté «Driballon» repliaient très souvent pour chercher le cuir et amorcer leurs attaques. L’essentiel des combinaisons offensives d’ailleurs se réalisait entre les trois joueurs pré-cités. Zito (Mamadou Koné, ndlr) quant à lui, mis sous l’éteignoir à l’aile-droite par Asumadu se déportait au centre puis à l’aile gauche où il tenta sa chance avec un égal insuccès.
A la 16è minute un rapide échange de balles entre Fanta-Mady Kéita, Cheick Diallo et Driballon semait le désarroi au sein des défenseurs ghanéens. Puis un coup franc intelligemment tiré par Cheick Diallo frappait la transversale juste au-dessus de la lucarne (30è minute). Peu après une belle ouverture de Cheick Diallo lançait Zito qui, réagissant à contretemps, ratait le contrôle du ballon. Aux exploits individuels-plus ou moins heureux des Maliens -le «Black Star» opposait un jeu beaucoup plus collectif. A voir évoluer le team ghanéen au cours de ces minutes l’on comprenait la déclaration de leur capitaine Kwasi Owusu assurant que son équipe retournerait à Accra avec une victoire.
Le Ghana était impressionnant de sang-froid. Optant pour une cadence peu élevée, il démontrait un style de jeu très dépouillé. Le demi Eshun accomplissait d’inlassables aller-retour approvisionnant son attaque par des passes au millimètre. Et si Yaw Sam à l’aile droite, se montrait assez discret, par contre les défenseurs centraux du Mali étaient soumis à rude épreuve par les frères Owusu dont l’entente relevait plutôt de la complicité. Poker faisait à la 25è minute un sauvetage in extrémis, retirant à Dan Owusu une balle que celui-ci s’apprêtait à reprendre après que son frère lui a adressé de la tête une passe idéale. Le Ghana rata l’occasion de mener à la 29è minute. Dan Owusu, infiltré dans les 18 mètres faisait une passe en retrait prenant à contre-pied la défense malienne, Kwasi Owusu, démarqué héritait de la balle et seul face à Moctar Sidibé, cognait comme un sourd bûcheron dans le cuir qu’il expédiait dans les nuages.
La première période s’achevait sur une séquence significative. Cheick Diallo, parti en contre-attaque, était stoppé par Dan Uppong. Ce dernier assurait un centre à Eshun, lequel appuyé par Dan Uwusu, se lançait dans un une-deux enrayé par le coup de sifflet de M. N’Diaye marquant la pause. Un exemple-illustrant les conceptions tactiques des deux équipes.
MISSION ACCOMPLIE POUR CHEICK DIALLO ET FANTA-MADY KÉITA-Quelques minutes après la reprise (51è), l’assurance du Black Star était sérieusement ébranlée. Dribalon, après un petit pont effectué sur Oppong, se déportait à l’aile gauche et centrait. La balle repoussée par la défense ghanéenne revenait entre ses pieds, il adressait un second centre cette fois en direction de Cheick Diallo. Ce dernier ratait la reprise de la tête, Eshun accouru en renfort, ne pouvait freiner son élan et au terme d’une courte glissade, envoyait le cuir dans ses propres filets.
La sélection nationale a réalisé une deuxième période parfaite face au Black star
Les Aigles libérés par ce but assez heureux haussèrent le rythme de la partie. Mais Cheick Diallo, tout comme Fanta-Mady Kéita se montrait très individualiste. Et la seule occasion nette d’aggraver le score restait un coup-franc dont trois attaquants maliens manquaient la reprise. Le Ghana également devenait plus fébrile. Eshun faillit se racheter, tirant dangereusement au but à la 55è minute.
Boubou Camara remplaçait Zito (un changement qui s’imposait depuis la première période) et d’entrée de jeu, réussissait deux percées assez dangereuses. Driballon se multipliait à l’aile gauche et au centre. Sur l’un de ses centres, la balle manquée par Fanta-Mady Kéita, était reprise victorieusement de la tête par Cheick Diallo (70è minute, 2-0). Le même joueur allait remplir pleinement son contrat à la 79è minute.
Une passe de Tamboura le trouvait entre deux adversaires : un amorti de la poitrine, un démarrage en puissance, un tir croisé assez violent que le keeper Baker ne parvenait pas à bloquer, une arrivée en trombe et une reprise en force qui allait faire trembler les filets (3-0). Avec une avance aussi confortable, les joueurs maliens évoluaient avec une aisance technique beaucoup plus grande. Mais aussi avec un relâchement d’attention compréhensible, or le Black Star avait prouvé même au cours des minutes où il fut le plus balloté qu’il ne renonçait pas. Eshun, Joe Sam et Owusu avaient tiré à plusieurs reprises la sonnette d’alarme. A la 87è minute Yaw Sam centrait sur un coup franc. Owusu surgissait entre deux défenseurs maliens et plaçait une tête imparable (3-1). Cheick Diallo fit une dernière tentative pour rétablir l’écart des trois buts, mais il fut stoppé sans ménagements.