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Assassinat de Cabral : Ce que Laama sait de la disparition de son beau-frère
Publié le mardi 13 avril 2021  |  la preuve
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Plus de 40 ans après la disparition d’Abdoul Karim Camara dit Cabral,le feuilleton est loin de connaître son épilogue. Suite aux témoignages de certains membres de la famille Camara lors des séances d’écoute de la Commission-vérité, justice et réconciliation (Cvjr), sur l’arrestation et la disparition de Cabral, sa belle-sœur, Lala Fatouma Koïta dite Laama, a décidé de briser le silence pour livrer sa version des faits.
Institutrice de 1962 à 1992, Lala Fatouma Koïta dite Laama, épouse de feu Saliou Camara, grand-frère d’Abdoul Karim Camara, s’est entretenu avec des hommes de médias sur les conditions de la disparition de son beau-frère.

Du haut de ses 76 ans, Lala Fatouma Koïta se souvient de la manière dont Cabral a été déniché de sa cachette comme si c’était hier.

Dans cette entrevue, notre interlocutrice indique qu’à la suite des débrayages des élèves et étudiants, le régime Moussa Traoré a traqué les meneurs, dont Abdoul Karim dit Cabral, issu d’une famille polygame (son père avait 4 femmes). C’est ainsi que, raconte-elle, la famille Camara a fait l’objet de sérieuses pressions. Un jour, se souvient-elle, le commissaire de la poudrière, actuel 2ème arrondissement, Baba Diallo, a demandé à mon mari, Saliou Camara, de l’aider à retrouver Cabral afin qu’il l’amène pour lui trouver des circonstances atténuantes. Puisquecelui-ci ignorait sa cachette, il n’y pouvait rien. Vers 2 heures du matin, martèle Laama, « ils sont venus arrêter à la maison l’un de ses frères, du nom de Madou Camara, avant de le conduire au 2èmearrondissent. Aussi, la mère de Cabral a été conduite au même commissariat. L’un de ses grands frères en service à Bougouni, venu à Bamako,été aussi arrêté pour la même cause. Ceux-ci ont été rejoints par tous les frères et sœurs de même mère. Sa sœur ainée, enceinte et sous la menace d’électrocution, a dénoncé Cabral. Elle a indiqué qu’il était chez leur cousin du nom de Kaba à Djicoroni Para. Les éléments du régime ont arrêté ce dernier, puis l’ont conduit au 2ème arrondissement. Sous la torture des agents, Kaba a à son tour avoué qu’il a transféré Cabral à Namakana, frontière Mali-Guinée, chez Kolo, le demi-frère de la marâtre de la mère de Cabral. Kolo a été lui aussi cueilli au marché par les agents du Général Moussa Traoré. Sous la torture des hommes en uniforme, il a indiqué que Cabral est chez lui à la maison. C’est ainsi qu’il a été arrêté et conduit au 2ème arrondissement. Ainsi, sa mère, ses frères et sœurs ont été libérés, a narré Lala Fatouma Koïta.

Partant, raconte l’instructrice à la retraite, après l’arrestation de Cabral, on l’a contraint à lire un communiqué où il appelle les élèves à reprendre les cours. Chose qu’il a faite. Le lundi, vers 11 heures, il a été conduit au camp Para. «En ma qualité d’instructrice, je suis partie à l’école. C’est là-bas qu’un collègue m’a informé du décès de Cabral. A mon retour à la maison, j’ai trouvé que la devanture était envahie par les élèves. Dans cette euphorie, Morimousso, la sœur de Kolo chez lequel a été arrêté Cabral, a menti publiquement que c’est mon mari Saliou qui a donné de l’argent aux policiers pour arrêter Cabral. Mon mari a enseigné Cabral jusqu’à la 8ème année ; il l’aimait autant que ses autres frères», témoigne Lala Fatouma Koïta. « Aussitôt informé, mon époux a décidé de se rendre au Comité militaire de libération nationale (Cmln) pour protester. Il a été pris à partie par un groupe d’élèves suite à la déclaration de Morimousso. Il a fallu l’intervention d’un élève qui connaissait bien mon époux pour convaincre les autres que Saliou n’y était pour rien dans cette affaire. Ainsi, ajoute l’oratrice, son mari a pu atteindre la devanture du QG du Cmln, où il a été éconduit manu militari.

Le début des ennuis pour Saliou et sa famille

Dans son récit, la belle-sœur de Cabral, Lala Fatouma Koïta dite Laama, raconte qu’à la suite de cette déclaration de Morimousso qu’elle juge calomnieuse, les militaires ont passé un mois devant la famille Camara. Aussi, son mari, ses enfants et elle-même ont fait l’objet de rejet et de tortures aussi bien dans le quartier que dans l’enceinte de la famille paternelle, où ils habitaient tous. « Je ne connais pas un de mes oncles qui ne m’a pas frappé pour cette affaire parce qu’on leur a fait croire que c’est mon père qui a payé les policiers pour arrêter son frère», chuchotait l’une des filles de Lala Fatoumata.

Dans cette atmosphère délétère, poursuit notre interlocutrice, « mon mari a demandé une mutation afin de pouvoir élever ses enfants dans la quiétude. Ainsi, il a été muté à Niafunké comme percepteur de trésor. A en croire l’oratrice, on était encore loin de la fin du martyr. Car, un camarade de Cabral muté aussi à Niafunké a raconté aux gens que c’est mon mari qui a livré Cabral au régime de Moussa Traoré. Une incitation qui a poussé une partie de la population à être à nouveau hostile à ma famille et moi. Même à l’école où je servais comme secrétaire après notre mutation, le Directeur d’école se montrait méchant envers moi. Il voulait m’interdire d’utiliser la chaise de l’école en me demandant d’apporter ma chaise de chez moi. Chose que j’ai refusée. Pour atténuer cette situation, mon mari a envoyé des correspondances au Synec à Bamako, à Sékou Ly, et à Tombouctou.

Pour mes filles, elles ont été contraintes d’abandonner l’école. Car, on leur demandait de faire des briques, un travail réservé aux garçons, pendant que les autres filles étaient destinées à la couture ». A la suite des correspondances de mon époux, ajoute Lala Fatouma, un enquêteur a séjourné dans la région de Tombouctou pour non seulement régler un conflit autour d’un lac entre Niafunké et Soumpy, mais aussi notre cas.« Lors de la réunion de ce dernier, au-delà de ce qu’on a fait subir à ma famille, j’ai étalé les mauvaises pratiques qui sont légion à l’école. Ainsi, le commandant de cercle a été muté, 7 enseignants mutés dans la brousse, mon mari aussi muté à Macina à sa demande, avec instruction de réintégrer mes enfants à l’école », a-t-elle raconté.

Oumar KONATE
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