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Opération Barkhane : « La France ne s’enlise pas au Sahel », selon un rapport parlementaire
Publié le mercredi 14 avril 2021  |  Le Progres
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© aBamako.com par DR
Opération Serval: mission de l`armée française au Mali
11 janvier 2013 : adresse du colonel Paul Geze, chef de corps du 21ème RIMa à ses marsouins avant leur déploiement.
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Avec 5250 hommes, c’est la principale opération extérieure de l’armée française. D’ici quelques mois, elle pourrait être redimensionnée et même changer de nom pour accélérer la transmission aux armées africaines. Deux députés présentent un rapport parlementaire ce mercredi.

« Il n’y a aucune solution sans Barkhane » et « un retrait complet à court terme apparait peu probable ». C’est ce que préconise un rapport parlementaire présenté ce mercredi par les co-rapporteures Mme Sereine Mauborgne (LaREM, Var) et Mme Nathalie Serre (LR, Rhône), qui ont mené 30 auditions et effectué un déplacement au Sahel auprès des forces françaises en novembre 2020.

"Bilan incontestablement positif"

Leur rapport de 120 pages conforte l’OPEX française avec « un bilan incontestablement positif ». C’est désormais la plus longue depuis la Seconde guerre mondiale et la plus couteuse en matériel. Concernant le bilan humain : on déplore depuis 2013, avec le lancement de l’opération Serval (qui deviendra Barkhane en 2014), 57 soldats français tués dont 51 « morts au combat ».

Le bilan concernant les civils ne cesse de grimper : 2020 a ainsi été l’année la plus meurtrière avec 2300 morts au Niger, Burkina Faso et au Mali, chiffre multiplié par sept par rapport à l’année 2017. Dans cette zone, le nombre de réfugiés a lui aussi été multiplié par sept entre 2018 et 2020.


La base de Gao où vivent plus d'un millier de soldats français de Barkhane Photo d'archives XF
Quatre mois encore dans cette configuration

La force compte actuellement 5250 personnels pour mettre en place le renfort (« surge »), décidé à l’issue du sommet de Pau en 2020. Il sera maintenu, selon les rapporteuses, « au moins pour quatre mois, afin d’accompagner la montée en puissance de la force Takuba et de nos partenaires sahéliens dans la zone des trois frontières ».

Lors du sommet du G5 Sahel en janvier dernier, les cinq pays de la bande sahélo-saharienne (Mali, Niger, Burkina Faso, Mauritanie, Tchad) ont apporté leur soutien à la présence militaire française. Le général Oumarou Namata, commandant la force conjointe G5 Sahel, a publiquement déclaré combien un départ de la force Barkhane serait « prématuré et hasardeux pour le G5 Sahel », souligne le rapport. « Barkhane ne pourrait pas encore rester deux ans », exprimait dans nos colonnes en janvier Michel Goya, ancien colonel et spécialiste des conflits armés, contributeur important à ce rapport.

Plus globalement, selon les parlementaires : "Il est évident qu’en cas de départ de Barkhane, l’ensemble de l’édifice construit en faveur de la stabilisation s’effondrerait au détriment premier des populations locales". Par ailleurs, mesdames Mauborgne et Serre estiment que « le sentiment prétendument ''anti-français'' est d’une bien moindre vigueur que voudraient le faire croire certaines voix ». Pour preuve, disent-elles : « la faible mobilisation lors des manifestations organisées (au Mali) dans le but de dénoncer la présence française ».

"Un socle robuste dans la lutte contre le terrorisme'"

Barkhane est décrit comme « un socle robuste de la lutte contre le terrorisme » au Sahel. « Le risque de voir l’Europe frappée depuis le Sahel est manifeste », relève le rapport, tout en concédant qu’à l’heure actuelle, la principale menace trouve encore sa source au Levant. AQMI aurait particulièrement « la volonté de commettre des attentats depuis le Sahel ». Les partenaires internationaux seraient ainsi convaincus « que la lutte contre le terrorisme au Sahel est un enjeu majeur qui dépasse les frontières sahéliennes ».

Selon le rapport, « L’armée française contribuerait aussi à la défense de la France et de l’Europe, car l’Europe ne peut être stable si l’Afrique de l’ouest ne l’est pas ». Le document pointe également, dans les pays du G5 Sahel, les « failles de l’Etat, il est jugé « défaillant, voire prédateur –c’est-à-dire non protecteur- pour les populations locales ».


Base Gao Photo d'archives xavier FRERE.JPG
Depuis la crise malienne de 2012, les groupes terroristes ont élargi « leur espace d’influence ». menace terroriste diversifiée et reconstituée autour de deux grandes nébuleuses : Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) et RVIM (ou GSIM pour Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, affilié à AQMI (Al Qaida au Maghreb islamique.

« La stabilisation du Sahel prendra de nombreuses années et l’honneur de la France serait de rester engagée auprès d’Etats et de population amies aussi longtemps qu’il le faudra », jugent les parlementaires.

"Opération méconnue" et "guerre informationnelle"

Le rapport estime aussi que Barkhane reste une « opération méconnue des Français, tant sur le théâtre que sur le territoire national, par les Français ». L’impact sur le moral des troupes est important, à travers « une remise en cause médiatique, voire politique, du bien-fondé de l’engagement français en BSS ».

Plus globalement, le rapport s’interroge sur ce qu’on appelle aujourd’hui « la guerre informationnelle », et dans ce cadre-là, « la bataille du récit est loin d’être remportée par la France ». Il y est notamment fait référence aux frappes aériennes de Bounti, au Mali, le 3 janvier. Deux thèses s’affrontent : celle de l’armée française qui affirme avoir tuer des djihadistes, celle de civils appuyé par la Minusma qui maintient que c’est un mariage qui a été ciblé.

Dans cette guerre de communication, les rapporteuses soutiennent la version militaire française : « Nous sommes convaincues de la rigueur avec laquelle l’armée française conduit ses frappes et de la robustesse du processus de ciblage qu’elles suivent ». Mme Mauborgne et Serre se disent également convaincues que « ni la ministre, ni le chef d’Etat major, ni leurs porte-paroles n’ont menti dans la description des événements ». Elles évoquent même une possible « instrumentalisation » de la division des droits de l’homme et de la protection de la Minusma.

La France toujours opposée aux "négociations avec les terroristes"

Sur les rails, Takuba « un succès pour la France » monte en puissance, avec l’appui de soldats européens (Estoniens, Tchèques, Suédois), cette task force compte aujourd’hui 600 personnes dont 300 Français.

Le rapport met l'accent sur les "causes profondes de l’insécurité, l’enjeu du développement", notant que la "coalition pour le Sahel" ressemble à "une usine à gaz » : « Annoncée au sommet de Pau en janvier 2020, elle ne sera réellement effective que 18 mois plus tard, au moment de l’installation définitive de son secrétariat à Bruxelles ».

Sur l'avenir politique au Sahel, la position française a été encore été rappelée par le président Macron ces derniers mois. « Il est exclu d’entamer des négociations avec les terroristes », rappelle le rapport. Il réclame aussi "une clarification des acteurs présents (Minusma, notamment)" et dans le même temps "une amplification de l’action de certains acteurs. Mais « malgré sa montée en puissance, la force conjointe reste fragile ».

Concernant le climat politique dans les pays du Sahel, deux pays (Niger et Tchad) ont récemment conforté leurs présidents -sans pour autant exclure une fragile stabilité- et le Mali entrera en campagne présidentielle en 2022 après la fin de la période de transition assurée par la junte militaire. D’ici cette échéance majeure, beaucoup de choses peuvent encore évoluer.

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