La persévérance, l’instinct de compétition et la foi en son destin se sont avérés payants cette fois-ci pour Ibrahim Boubacar Kéita. Arrivé très largement en tête du premier tour de l’élection présidentielle du 28 juillet dernier, il a tout simplement triomphé au deuxième tour du scrutin en raflant 77,62 des suffrages. Il devient ainsi le troisième président démocratiquement élu de la IIIè République. L’ancien Premier ministre et ancien président de l’Assemblée nationale revient de loin. Il avait été candidat pour la première fois en 2002 avant de remettre cela en 2007.
Ibrahim Boubacar Keïta est né le 29 janvier 1945 à Koutiala. Il obtient son BEPC en 1962, puis son baccalauréat option “Philo Lettres Classiques” en 1965 au lycée Terrasson des Fougères (actuel lycée Askia Mohamed). Il poursuit ses études supérieures hors du Mali en s’inscrivant ensuite successivement à la faculté des Lettres de l’Université de Dakar, à la faculté des Lettres de Paris Sorbonne et à l’Institut d’histoire des relations internationales contemporaines (IHRIC).
Ce cursus universitaire lui permet d’obtenir une propédeutique classique, une maîtrise d’histoire et de sciences politiques et un DEA en politique internationale et en relations internationales. Ibrahim Boubacar Keïta choisira tout d’abord de séjourner en France où il sera successivement chargé des recherches au CNRS de Paris et chargé d’enseignement sur les systèmes politiques du Tiers-monde à Paris Tolbiac. Il revient au Mali comme conseiller technique principal du Fonds européen de développement avant de prendre la direction de l’antenne de l’ONG « Terre des hommes France » dont l’action couvrait le Mali, le Niger et le Burkina Faso.
Quand se lève le vent des exigences démocratiques, le futur patron du RPM est sur le pont. Ibrahim Boubacar Kéita milite activement dans le Mouvement démocratique jusqu’à la chute de Moussa Traoré et rejoint après les élections de 1992 la présidence de la République où il sera tout à la fois le conseiller et le porte-parole de Alpha Oumar Konaré. IBK ne fera qu’un court passage dans ces fonctions et sera nommé ensuite ambassadeur pour la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Niger et le Burkina avec résidence à Abidjan. Il restera à ce poste jusqu’en novembre 1993, avant d’être rappelé pour occuper le poste de ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement dirigé par Me Abdoulaye Sékou Sow. Sa conduite de la diplomatie malienne sera des plus brèves. Un brutal échauffement de la situation sociale entraînera le départ de Me Sow et l’arrivée de IBK à la Primature le 4 février 1994.
IBK restera chef du gouvernement jusqu’en février 2000, établissant ainsi un record de longévité qui sera certainement difficile à égaler, à plus forte raison battre. De IBK Premier ministre, l’opinion publique malienne retiendra surtout l’image d’un dirigeant à poigne qui fit énormément pour le rétablissement de l’autorité de l’Etat aussi bien face aux troubles sociaux que dans le traitement de la question du Nord du Mali. Cette fermeté, de l’avis de beaucoup, était la bienvenue au moment où notre démocratie était encore fragile. Sur un tout autre plan, le poids politique de Ibrahim Boubacar Kéita s’est renforcé avec son accession à la présidence de l’Adema PASJ en 1994 sous la poussée d’une base qui avait entièrement adhéré à son style abrasif.
Confronté à une fronde au sein du parti blanc et rouge, IBK démissionne avec fracas en octobre 2000 en indiquant qu’il préférait quitter un parti que son évolution éloignait de plus en plus de ses valeurs antérieures. Le 30 juin 2001, il crée le Rassemblement pour le Mali (RPM) dont il est depuis lors le président. Candidat à l’élection présidentielle de 2002, il est éliminé au premier tour, devancé par l’ancien chef d’Etat, Amadou Toumani Touré et Soumaïla Cissé qui défendait alors les couleurs de l’ADEMA.
IBK fait contre mauvaise fortune bon cœur en acceptant les résultats du premier tour, même s’il trouve que celui-ci a constitué « un feuilleton lamentable et honteux ». Le vaincu et d’autres membres de l’opposition en appellent à voter pour ATT au second tour, choix selon eux préférable à celui de mettre leurs militants dans la rue, ou encore celui de prôner un boycott. IBK prend cependant soin de préciser que leur appui à ATT n’équivaut pas à un chèque en blanc et qu’ils sauraient se montrer « exigeants et intransigeants ». En 1997 IBK se présente à la députation en Commune IV du district de Bamako. Il passe triomphalement dès le premier tour pour ensuite être élu président de l’Assemblée nationale. Toujours en 2002, il est désigné député de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest). La même année, il prend la présidence de l’Union des parlementaires africaine.
En 2007, le président du RPM est à nouveau candidat à la présidence de la République. Il recueille 19,08% des voix contre 70,89% à ATT déclaré vainqueur dès le premier tour. L’après résultat est plutôt houleux. Le RPM et 15 autres partis regroupés dans le Front pour la République et pour la démocratie, contestent les chiffres donnés par l’administration et le patron du RPM estime les élections du 29 avril ont donné lieu à une mascarade et constituaient une insulte au peuple malien. Il appelle au « sens de l’Etat » du président ATT pour que le scrutin soit repris avec un fichier électoral audité et mis à jour.
L’élection législative lui réussit mieux puis qu’il est réélu député en août 2007 en Commune IV. Mais dans le même temps, le score du RPM ne permet pas à son leader de garder la présidence de l’Assemblée nationale. Son élection à la magistrature suprême est le couronnement d’une longue et riche carrière politique et porte la marque d’un destin singulier.