Le Mali vit une double crise sans pareille depuis plusieurs mois. La Cedeao qui s’est invitée au chevet de ce pays voici, elle, a trouvé la solution a adéquate à la crise de ce pays. Pour mieux comprendre le «problème malien», Le Nouveau Courrier a rencontré un des acteurs-clé de la vie politique dans ce pays, en l’occurrence le docteur Oumar Mariko, secrétaire général du parti Sadi (solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance), par ailleurs vice-président de l’Assemblée nationale et tête de file de la mobilisation populaire pro Cnddre (junte au pouvoir). Il livre ici la face cachée de la double crise que vit son pays et l’implication de certains pays de la Cedeao, notamment la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. Avec la fameuse histoire de mercenaires livrés par ces deux pays pour déstabiliser la junte militaire au pouvoir. Entretien !(…)
Comment vous interprétez le jeu de la Cedeao dans la crise malienne ?
Ce qui nous a surpris, meurtris et scandalisés c’est l’attitude de nos frères africains de la Cedeao, notamment les dirigeants, les chefs d’Etat de la Cedeao. J’avoue que je cherche toujours à comprendre leur attitude. Je n’ai pas envie d’aller dans les explications faciles qui consistent à dire qu’en réalité, ils s’agitent pour eux-mêmes. La réaction de la Côte d’Ivoire d’Alassane Dramane Ouattara a été une réaction hors proportion, illégale et illégitime. Parce que lorsqu’un évènement de cette nature arrive dans un pays agressé, divisé, et qu’avant le coup d’Etat on n’a entendu ni Alassane Dramane Ouattara ni la Cedeao déplorer ce qui se passe au nord Mali, la logique voudraient qu’ils n’affichent pas arrogance et suffisance. Et s’illustrent par une attitude condescendante. A un moment donné, les rebelles ont proclamé l’indépendance de l’Azawad sur le terrain, et ATT est allé pour avoir le soutien de l’Union africaine (Ua). La Cedeao ne s’est pas manifesté outre-mesure. Et immédiatement quand survient le coup d’Etat, voilà la Côte d’Ivoire qui ferme ses frontières, la Bceao qui ferme ses portes. Une sanction qui n’existe nulle part dans les textes de la Cedeao tombe sur le Mali : l’embargo. J’ai entre les mains le document qui parle du règlement des conflits et de la rupture de la démocratie dans la sous-région. Nulle part il n’est dit que la Cedeao doit prendre des mesures de rétorsion comme l’embargo contre un pays. Je pense que c’est une sanction qui a été prise en dehors des textes réglementaires de la Cedeao.
Je ne comprends pas personnellement jusqu’à ce jour, pourquoi Alassane Ouattara s’est fait le chantre d’une telle politique contre la république du Mali, contre le peuple du Mali.
Disons que c’est un peu la suite de la recette utilisée en Côte d’Ivoire durant la guerre post-électorale… Notamment la fermeture de la Bceao. Peut-on penser à une nouvelle doctrine ?
Vous savez, c’est une nouvelle doctrine qu’on nous amène et qui est en dehors des textes qui régissent les Institutions sous-régionales. On ne peut pas vouloir donner un modèle à d’autres, lorsqu’on ne respecte pas soi-même les textes qui régissent les Institutions qu’on dirige. Les textes de la Cedeao ou de la Bceao ne sont pas des textes de répression. Cette nouvelle mode de sanctions et d’embargo de toutes sortes, à mon avis, va briser la fraternité institutionnelle entre les pays africains si on n’y prend garde. Si on nous met la pression de cette manière-là, qu’est-ce que cela nous coûte de quitter demain la Cedeao ? Je pense que quand il y a de telles situations dans un pays les gens doivent s’asseoir et discuter. Et c’est pourquoi, j’étais partisan de la proposition du président Laurent Gbagbo qui souhaitait le recomptage des voix. Parce que je me disais qu’il y a deux choses qu’on peut percevoir dans sa proposition. Soit ce monsieur n’a réellement pas perdu les élections, soit il n’a pas conscience qu’il a perdu les élections. Mais si le décompte à nouveau des voix pouvant permettre qu’un seul Ivoirien ne meure, je pense qu’il fallait accepter cette méthode-là. Mais on l’a refusée et on a baigné la Côte d’Ivoire dans le sang humain. Donc, je dis que nous devons tirer les leçons de tout cela en Afrique. Lorsqu’un conflit éclate, il faut écouter toutes les parties. Ça n’a pas été le cas dans la crise malienne. Ils n’ont pas instauré de dialogue. Ils sont venus voir les militaires et ils leur ont sorti leur texte pour les condamner. Et bien sûr, ils leur ont demandé de plier bagages. La Côte d’Ivoire est allée plus loin avant même les réunions de la Cedeao.
Voulez-vous dire que la Côte d’Ivoire a fermé ses frontières avant les décisions de la Cedeao ?
Absolument ! La Côte d’Ivoire avait fermé sa frontière avant même que la Cedeao n’ait décidée quoi que ce soit. On ne sait plus vraiment si la Cedeao est africaine ou si c’est la Cedeao de la France, de l’Union européenne ou des Nations Unies. Je crois que leur pratique prouve que c’est plutôt ça. Quand les émissaires de la Cedeao sont arrivés au Mali, lorsqu’ils étaient à court d’arguments au cours des échanges, ils disaient que ce sont les Nations Unies qui ne veulent pas ça, c’est l’Union européenne ou la France qui ne veut pas de ceci ou de cela. Et à chaque fois quand ils évoquaient des dispositions constitutionnelles et qu’on leur démontrait les limites de cette constitution-là, ils avaient toujours la même phrase : «C’est le contexte international qui nous demande de vous imposer ceci ou cela, etc.». Même l’instrument qu’est la CEDEAO est au service de la France, de l’Ue et des Nations unies. Finalement, les chefs d’Etat deviennent des marionnettes.