Alors que nous sommes à la veille de l’investiture du nouveau président de la République, les supputations et les conjectures vont bon train sur le nom du prochain premier Ministre.
En attendant de connaître le nom du premier collaborateur du président de la République qui sera connu dans les prochaines heures, il convient d’interroger l’expérience récente du voisin sénégalais avec l’échec, suivi du limogeage de son premier Ministre Abdoul Mbaye pour en tirer les leçons nécessaires.
En effet, au lendemain de son élection, le nouveau président Macky Sall avait subi une grande pression d’une partie de son entourage pour nommer un premier Ministre technocrate présenté comme la meilleure solution pouvant apporter un souffle « moderne » dans la conduite des affaires publiques, une solution, disait on dans l’entourage du nouveau Chef de l’Etat Sénégalais, préférable au profil classique de politiques considérés comme dépassés et contre-productifs.
A peine moins de deux ans après l’arrivée de M. Sall au pouvoir, le résultat est politiquement catastrophique: le fringant et technocrate Abdoul Mbaye s’est révélé incapable d’atteindre une infime partie des objectifs politiques, économiques et sociaux qui lui étaient assignés. Ce fut le désenchantement total. Le technocrate PM s’est dévoilé être un piètre politique. Son manque connaissance des rouages administratifs, les difficultés qu’il a éprouvé dans les relations sociales, les déficits de connaissance qu’il a des hommes et des réseaux ont fini par plomber le bilan à mi-parcours de la deuxième alternance sénégalaise.
Bien que bardé de diplômes et issu d’une « grande famille », le premier premier Ministre de Macky Sall qui vient d’être limogé a voulu user de ce qu’il appelle le « langage de vérité » en n’hésitant pas à culpabiliser le citoyen sur la question des inondations (« c’est de votre faute si cela arrive ! » dira-t-il un jour aux populations en visitant la banlieue dakaroise inondée) ou en affirmant haut et fort que l’Etat est impuissant pour juguler la flambée des prix des denrées à l’aide d’argumentes trop technocratiques aux yeux des citoyens.
Voilà le type de comportement aux antipodes de la gestion politique de la cité qui a failli rendre caduque le deuxième mandat auquel aspire son ex-patron.
Ce rappel de l’actualité politique récente de ce pays voisin est utile pour souligner l’importance pour nos pays si complexes et en construction d’avoir à leur tête des dirigeants à la fois techniquement compétents, politiquement engagés et socialement disponibles. Des dirigeants captables de sentir et de connaitre intimement les attentes réelles de leur peuple, leur psychologie avec une posture d’humilité.
Le paradoxe dans tout cela, c’est que très souvent en Afrique, on demande aux politiques «techniquement compétents et engagés» d’aller au front pour conquérir le pouvoir mais une fois la victoire acquise, on les marginalise au profit de cadres dit technocrates, et mieux, en les taxant d’hommes dépassés et incapables. Tout cela pour les empêcher à gérer le pouvoir qu’ils ont conquis de haute lutte au profit d’autres qui n’ont jamais été aperçus dans le combat de terrain. C’est trop facile et dangereux.
Autrement, il serait plus commode pour le commun des cadres de rester confortablement dans son coin pour compter les coups de l’arène politique avec une moue dédaigneuse et méprisante pour ensuite venir bousculer les combattants après la victoire sans efforts et sans risques. C’est le summum de l’imposture.
L’histoire politique du Mali nous rappelle malheureusement que chaque fois que le PM a été embauché à partir de l’étranger, le bilan a été catastrophique pour le Chef de l’Etat. C’est le cas de Younoussi Touré, Ahmed Ag Amani et le spectaculaire Cheick Modibo Diarra, qui ont tous pris le vol aller-retour sans conforter leur mandat.
Or les règles démocratiques encore consacrées dans les grands pays imposent au Président élu de designer un homme politiquement engagé pour diriger le Gouvernement. Mieux n’est-il pas exigé à ce Chef de gouvernement d’avoir lui-même une implantation politique et électorale irréfutables ?
Le président IBK sait certainement mieux que quiconque les attentes politiques attachées à la fonction du Premier Ministre. Cependant il était de notre devoir citoyen d’engager la réflexion sur les risques liés à la nomination au poste de premier Ministre d’un technocrate sans emprise politique.