Près de 700 milliards F CFA de dommages et intérêts réclamés
Ce lundi 26 avril 2021, la Société Cissé Technologie et l’Etat malien seront devant la Cour de justice de la Cédéao à Abuja dans le cadre d’un contentieux judiciaire qui continue de défrayer la chronique. Il fait suite à l’annulation de la procédure de l’appel d’offres du marché relatif à la fourniture de la carte d’identité biométrique sécurisée couplée à la carte de l’Assurance maladie obligatoire (Amo) personnalisée et l’exploitation des services associés pour le compte du ministère de la Sécurité et de la Protection civile. Cela a créé d’énormes difficultés au PDG de la Société Cissé Technologie, Mohamed Cissé, dans ses affaires. Voilà pourquoi, il a décidé d’assigner l’Etat malien devant cette juridiction commune de la Cédéao. Du coup, il réclame près de 700 milliards F CFA de dommages et intérêts à l’Etat malien. Il s’agit de 511 486 935 264 F CFA au titre des dépréciations de son fonds de commerce en raison de l’annulation dudit marché, 185 146 390 600 F CFA au titre du préjudice moral et 949 838 861 F CFA au titre de l’évaluation du préjudice matériel lié aux dépenses engagées par la Société Cissé Technologie en vue de l’exécution dudit marché.
rès attendu, le dossier judiciaire opposant la Société Cissé Technologie à l’Etat malien devrait être jugé, en principe, par la Cour de Justice de la CEDEAO, ce lundi 26 avril à Abuja. Et les avocats des deux camps se préparent déjà pour aller défendre leur client. Cette affaire avait défrayé la chronique dans le milieu des affaires. Pour le PDG de Cissé Technologie, c’était un coup monté par le défunt régime d’Ibrahim Boubacar Kéita, tombé par un coup d’Etat militaire, le 18 août 2020, pour mettre sa société en faillite.
Dans un contentieux, l’entreprise de Mohamed Cissé avait gagné un procès contre la Canam, qui a été condamnée à lui verser la somme de 500 millions F CFA. Dans ce nouveau dossier, ses avocats sont déjà préparés, déterminés et engagés pour gagner à la Cour de justice de la Cédéao. Malheureusement ils sont opposés à de grands cabinets d’avocats commis pour défendre les intérêts de l’Etat malien.
Toutefois, le hic est que l’Etat malien perd 70 à 80 % de ses procès.
Ce dossier judiciaire fait suite à l’annulation de la procédure d’appel d’offres dans le cadre du marché relatif à la fourniture de la carte nationale d’identité biométrique sécurisée Cédéao couplée à l’Assurance maladie obligatoire (Amo) personnalisée et l’exploitation des services associés pour le compte du ministère de la Sécurité et de la Protection civile. Voilà pourquoi, Cissé Technologie a décidé d’assigner l’Etat malien devant la Cour commune de justice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) dont le siège se trouve à Abuja, au Nigeria.
Motif de la plainte de Cissé Technologie : constatation de violations des droits de l’Homme et réparation de préjudices. Et le dossier a pris du temps avant d’être examiné par la Cour commune à cause de la pandémie de coronavirus ou Covid-19.
Aujourd’hui, la Société Cissé Technologie réclame la faramineuse somme de 697 583 164 725 F CFA. Il s’agit de 511 486 935 264 F CFA au titre des dépréciations de son fonds de commerce en raison de l’annulation dudit marché, 185 146 390 600 F CFA au titre du préjudice moral et 949 838 861 F CFA au titre de l’évaluation du préjudice matériel lié aux dépenses engagées par la Société Cissé Technologie, en vue de l’exécution du marché de la fourniture de la carte d’identité biométrique couplée à l’Amo.
Notons que cette affaire de marché avait débuté en 2016 par décret n°2016-0253/P-RM du 29 avril 2016 pris par le gouvernement en vue de légiférer sur la carte d’identité nationale sécurisée Cédéao couplée avec la carte d’Assurance maladie obligatoire (Amo). Quelques jours avant la promulgation de ce décret, l’Imprimerie nationale de France, précise une source proche du dossier, avait envoyé une correspondance au ministère de la Sécurité et de la Protection civile pour demander de prendre attache avec la Société Cissé Technologie. Cela dans le cadre de l’établissement desdites cartes. C’est dire que l’exclusivité donnée par l’Imprimerie nationale de France à la Société Cissé Technologie est une exclusivité de distribution et non de fabrication, précise notre source.
“Bien avant l’allocution d’un budget devant servir pour l’établissement desdites cartes, la Société Cissé Technologie a approché le ministère de la Sécurité et de la Protection civile afin de lui soumettre une proposition de carte d’identité nationale couplée avec l’Amo. Impressionnée, le département a finalement accepté de signer avec la Société un marché d’entente”, précise notre source.
En vue de l’exécution dudit marché, le directeur des finances et des matériels du ministère de la Sécurité et de la Protection civile d’alors a adressé, le 15 mai 2016, une demande d’autorisation de marché par entente directe à la direction générale des marchés publics et des délégations de services publics.
Cette autorisation, comme il fallait s’y attendre, a été refusée par la direction générale des marchés publics, le 16 mai 2016, justifiant que “la conclusion de marché d’entente directe pour ce type de prestation est contraire aux dispositions de l’article 58.2 du décret n°2015-0604/P-RM du 25 septembre 2015 portant code des marchés publics et délégations de services publics”.
La DGMP réservée dès le départ
Ce n’est pas tout. Dans la même correspondance, “la direction des marchés publics a indiqué procéder à une mise en concurrence des entreprises évoluant dans le domaine, par l’organisation d’un appel d’offres ouvert, ce, conformément au décret N°2015/0604/P-RM du 25 septembre 2015 portant Code des marchés publics”.
Voilà pourquoi, le département de la Sécurité et de la Protection civile a lancé, le 21 juin 2016, l’appel d’offres national ouvert relatif à la fourniture de carte nationale d’identité accouplée à la carte d’Assurance maladie personnalisée et l’exploitation des services associés. “L’appel d’offres bien qu’en apparence ouvert était en réalité restreint en ce sens que ce sont exactement les spécifications techniques proposées par la Société Cissé Technologie qui ont été prises comme références”, assure notre source.
Malgré tout, le rapport de dépouillement a été transmis, le 28 juillet 2016, au directeur général des marchés publics. Cela sans “les offres originales des différents candidats, la preuve de la publication de l’appel d’offres et l’attribution provisoire du marché à la Société Cissé Technologie pour approbation”.
Très étonné et surpris, le directeur général des marchés publics a, dans une correspondance en date du 1er août 2016, demandé au directeur des finances et du matériel du département les différentes pièces manquantes de l’appel d’offres.
Le 2 août, elle a fait parvenir les offres des soumissionnaires et la preuve de la publication de l’appel d’offres.
Au regard des pièces fournies et le montant de l’offre du soumissionnaire retenu qui était conséquemment plus élevé que celui des autres soumissionnaires, précise notre source, le directeur des marchés publics a fait des observations sur le rapport de dépouillement, suivant correspondance en date du 9 août 2016.
Notons que le représentant de la direction des marchés publics avait objecté sur la durée du contrat de prestation de 10 ans. Ce qui est contraire, selon notre source, au code des marchés publics qui fixe la limite de 1 à 5 années au maximum pour ce type de contrat de prestation. Ensuite, il a trouvé que le coût unitaire des cartes, estimé à 13 000 F CFA l’unité, était relativement hors de portée du Malien moyen. “Ce qui rendrait sa commercialisation impossible sauf à l’Etat du Mali de les subventionner”, dit-il.
Autre grief. Le représentant de la direction des marchés publics a également constaté qu’en “dehors des droits d’exclusivité, aucune pièce du dossier de la Société Cissé Technologie ne démontre sa capacité technique à exécuter ce marché”. En réalité, souligne notre source, “la Société Cissé Technologie n’a pas apporté la preuve de ses capacités techniques”, avant d’ajouter que : “La sous-traitance du marché public est interdite tant qu’elle n’a pas été expressément acceptée par le maître d’ouvrage”.
Malgré tout, la DFM du département ne partagera pas cet avis de la direction des marchés publics. C’est pourquoi, elle a introduit un recours non juridictionnel devant le Comité de règlement des différends, qui a ordonné la poursuite de la procédure de l’appel d’offres, le 23 août 2016. Au même moment, la direction des marchés publics avait aussi saisi la Section administrative de la Cour suprême d’une demande en annulation, mais s’est finalement désistée afin de rentrer en négociation avec Cissé Technologie.
Du coup, cet appel d’offres a créé un incident entre le ministère de l’Economie et des Finances et celui de la Sécurité et de la Protection civile. Ce qui a surtout nécessité l’intervention du Premier ministre d’alors. Il a pris le dossier en main afin de trouver une solution idoine.
Coup de tonnerre
Le 18 octobre 2016, le cabinet du Premier ministre a demandé aux deux départements ministériels de trouver un terrain convenable tenant compte des intérêts de l’Etat. C’est ainsi que le département de l’Economie et des Finances avait fait des propositions afin de sauvegarder les intérêts du Mali.
“Dans le cadre des négociations, le ministère de l’Economie et des Finances a rappelé au département de la Sécurité que les premières cartes seront gratuites pour les citoyens. Ce qui aura une très forte incidence sur le budget national qui était fortement déficitaire. Au constat de ce qu’aucune proposition consensuelle n’a pu être trouvée, le Premier ministre a instruit aux ministres de la Sécurité, de l’Economie et des Finances et la Solidarité et l’Action humanitaire de procéder à l’annulation dudit marché”, précise notre source.
Voilà pourquoi, encore, “le directeur des finances et du matériel du département de la Sécurité a saisi la direction des marchés publics à l’effet pour cette autorité de se prononcer sur la légalité de l’annulation du marché provisoirement attribué à la Société Cissé Technologie”.
Le dossier a pris une autre tournure, le 9 octobre 2017, suite à la décision du directeur général des marchés publics de valider la procédure d’annulation. Et le PDG de la Société Cissé Technologie a été informé, 24 heures après, soit le 10 octobre 2017, de l’annulation de la procédure de passation du marché.
Très remonté par cette décision unilatérale, le PDG de la Société, Mohamed Cissé, était dans l’obligation de saisir la justice afin qu’il puisse être remis dans ses droits. Il a assigné l’Etat malien devant la Cour de justice de la Cédéao d’une demande en constatation de “violation des droits de l’Homme et réparation de préjudice”.
“Il n’y a aucune atteinte à l’égalité des concurrents dans le cadre d’un marché public en ce sens où c’est au contraire la Société Cissé Technologie qui voulait forcer les autorités à lui proposer un marché d’entente directe au détriment des autres entreprises maliennes œuvrant dans le domaine.
Qu’il convient dès lors de discuter de la recevabilité du recours pour violation des droits de l’Homme”, conclut notre source.