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Ingérence dans les affaires africaines : Pourquoi les coups d’État au Mali sont-ils condamnés et ailleurs, ils sont acceptés et soutenus ?
Publié le lundi 26 avril 2021  |  L’Inter de Bamako
17ème
© Présidence par DR
17ème Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement des pays membres du CILSS
Bamako, le 14 avril 2015 Le président Idriss Deby accueilli par le président Ibrahim Boubacar Keita à la veille de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement des pays membres du CILSS
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En matière de coups d’État, le Mali vit une situation exceptionnelle en Afrique. Chaque fois que les militaires maliens interviennent dans la vie politique en renversant le président en place, le coup de force est condamné avec vigueur et les auteurs sont menacés de poursuites ainsi que le pays d’embargo. Alors que sous d’autres cieux, les putschistes bénéficient de tous les soutiens de la communauté dite internationale. Et ce qui vient de se passer au Tchad, au lendemain de la mort du maréchal président Idriss Deby Itno, laisse pantois tout observateur de la scène politique internationale. La France, qui est le premier pays à condamner les coups d’Etat sur le continent africain, dit, par la voix de son président Emmanule Macron, soutenir le coup d’État au Tchad. Est- ce à dire que le peuple malien et son armée sont moins que rien aux yeux de la communauté internationale ?
Depuis l’instauration de la démocratie importée sur le continent africain dans les années 1990, les pseudo- démocrates, adossés aux experts occidentaux, sont parvenus à inscrire dans les Constitutions de certains pays africains que le coup d’État est imprescriptible et que pour accéder au pouvoir, il faut passer par la voie des urnes. Requinqués en bloc par des Constitutions qui ne prennent nullement en compte les intérêts fondamentaux des peuples africains, les vrais faux démocrates se sont donnés à cœur joie à la dilapidation des ressources nationales: les détournements de deniers publics ont conduit à la faiblesse de l’État et à une désorganisation des structures sociales des États africains. À cela s’ajoute le comportement insolent et méprisant des nouveaux riches du système de prédation instauré par une démocratie nauséabonde au bénéfice des intérêts capitalistes.

Cette gestion calamiteuse des affaires publiques a fini par rattraper ceux qui magnifiaient la démocratie comme étant le seul système au monde qui pouvait garantir une vie meilleure aux Africains qui n’avaient jusque-là connu que des régimes de partis uniques dirigés d’une main de fer par des militaires qui, avec l’aide des puissances impérialistes, avaient renversé les pères des indépendances africaines. Et ce nouveau retour des militaires sur la scène politique, malgré la mise en place des institutions démocratiques, n’est ni plus ni moins que l’échec des soi- disant démocrates à donner un nouveau souffle aux peuples africains après tant d’années de gestion dictatoriale.

Au Mali, en moins de trente ans de gestion démocratique, le pays a connu deux (02) coups d’État. Le premier opéré, en 2012 et le second, en 2020. Ils se justifiaient tous par l’incapacité des tenants du pouvoir à faire face aux demandes sociales, à leur manque de vision et d’anticipation sur les événements. Mais le paradoxe est que ces deux (02) coups de force, bénéficiant du soutien populaire, ont été condamnés par les organisations africaines et internationales. Les auteurs ont été menacés de poursuites judicaires, de gel de comptes, d’interdiction de voyager et on est même allé à décréter un embargo contre le Mali pour faire fléchir le capitaine Amadou Haya Sanogo et ses compagnons qui avaient chassé du pouvoir le président Amadou Toumani Touré (ATT), le 22 mars 2012. Rebelote en 2020. Les militaires du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) parachèvent l’œuvre du peuple malien en mettant fin au régime d’Ibrahim Boubacar Keïta, le 18 août 2020. Les condamnations et actions ont fusé de toutes parts, obligeant les militaires à accepter une transition civile de dix-huit (18) mois.

En 2012, au même moment où l’épée de Damoclès était suspendue au dessus de la tête des militaires du Comité nationale pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’État (CNRDRE), la Centrafrique vient de connaître le même sort que le Mali, en mars 2013. Une rébellion dirigée par Michel Djotodia rentre à Bangui et prend le pouvoir. Le coup d’État est condamné par principe et du bout des lèvres par les mêmes organisations internationales qui tiraient à boulets rouges sur le capitaine Sanogo pour qu’il abandonne le pouvoir. Contrairement au Mali, on a procédé à aucun retour à l’ordre constitutionnel.

Le chef rebelle Djotodia, après quelques mois d’exercice du pouvoir, cède sa place à une transition civile dirigée Mme Cathérine Samba Panza, une femme de main de la France coloniale. Même scène en Guinée Bissau, en avril 2012. Le président démocratiquement élu est renversé par des militaires. Aucun discours hostile aux putschistes. D’ailleurs, la transition a été encadrée par la même CEDEAO qui avait décrété un embargo contre le Mali pour asphyxier le peuple malien au profit d’une classe politique manipulée par la France contre les intérêts supérieurs de leur propre pays.

Et coup de théâtre. Au Tchad, quelques heures après l’annonce officielle de la mort du président Idriss Deby Itno, tué au combat en défendant l’intégrité territoire de son pays contre les rebelles du Forces pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), un Comité militaire de transition (CMT) s’empare du pouvoir, lundi 18 avril, à N’Djamena et est dirigé par le fils du maréchal défunt Mahamat Idriss Itno, un général de corps d’armée et commandant de la garde présidentielle. En dehors de certains partis politiques tchadiens et de la société civile, aucune condamnation de la part des organisations internationales qui ont voulu mettre le feu au Mali, en 2012 et en 2020. Elles ont accepté le fait accompli. Et avec le soutien déclaré de la France à ce coup d’État, elles se sont toutes alignées derrière la position de ce pays pour soutenir le Conseil militaire de transition (CMT) à diriger la transition de dix-mois (18) au Tchad.

Il est clair que les relations internationales sont guidées par des intérêts stratégiques des puissances néocoloniales. Cette position de la France de Macron ne contredit pas la déclaration du Général De Gaule qui disait en substance que: «La France n’a pas d’ami, mais elle a des intérêts’’. En plus de cela, tous les coups d’État dont les auteurs ne sont pas parrainés par la France sont condamnés par ce pays qui voit ses intérêts menacés par des hommes dont elle connaît aucune orientation politique et intention envers elle. C’est le cas des deux (02) coups d’État intervenus au Mali, en 2012 et 2020. Le capitaine Sanogo ne pouvait être combattu que par des forces négatives parce que certains dirigeants des partis, mouvements et associations politiques qui soutenaient le coup d’État du 22 mars 2012 avaient clairement affiché leur volonté de rompre avec la France. Idem pour celui de 2020. La rupture avec la France était aussi au devant de la lutte politique contre le régime d’Ibrahim Boubacar Kéita, accusé de ‘‘vendre’’ le Mali au pays de Macron.

Il nous revient de dire que le peuple malien et son armée sont moins que rien aux yeux de la communauté dite internationale. Cela se comprend aisément dans la mesure où les vrais faux démocrates ont détruit le capital humain et avec lui la diplomatie malienne qui rayonnait de mille feux sous le premier président du Mali, Modibo Keïta. Et pour restaurer cette belle époque où le Mali était envié de tous par le comportement digne de ses responsables, il faut une prise de conscience sans laquelle nous resterons la risée mondiale.

Yoro SOW

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