En marge des obsèques du Maréchal du Tchad à N’Djamena, les chefs d’État des pays membres et le président français Emmanuel Macron ont eu des discussions. Nul doute qu’ils ont évoqué la situation du contingent tchadien déployé actuellement dans la zone des « trois frontières »
EHESP
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À N’Djamena au Tchad pour assister aux obsèques du Maréchal Idriss Déby Itno, le président français Emmanuel Macron et les dirigeants des pays du G5 Sahel ont eu une rencontre à l’hôtel des hôtes de la capitale tchadienne dans la soirée de jeudi, à la veille de la cérémonie funéraire.
La mort du Maréchal Idriss Déby Itno, champion dans la lutte contre le terrorisme dans l’espace sahélo-saharien est un coup dur pour les pays du Sahel et la France. Cette disparition brusque de celui que certains considéraient comme «le gendarme du Sahel» et qui venait de prendre la tête du G5 Sahel a provoqué une onde de choc dans ses pays membres et jeté un péril sur la lutte contre le terrorisme dans le Sahel. C’est pourquoi, le président français Emmanuel Macron a tenu à rencontrer les dirigeants des pays du G5 Sahel pour échanger sur l’avenir de leur alliance dans la lutte contre le terrorisme.
Le premier dirigeant à arriver sur le lieu de cette rencontre était le président de la Transition Bah N’Daw. Accueilli à l’entrée de la villa n° 45 de l’hôtel des hôtes par Emmanuel Macron, il sera suivi une vingtaine de minutes plus tard par les présidents nigérien Mohamed Bazoum et mauritanien Mohammed Ould Ghazouani arrivés ensemble. Ensuite, ils seront rejoints par Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’Union africaine. Et ainsi, place à une rencontre qui aura duré plus d’une heure d’horloge.
Même si aucun des dirigeants n’a souhaité s’adresser à la presse à l’issue des échanges, des sources diplomatiques confirment que les discussions ont porté sur l’avenir de la lutte contre le terrorisme au Sahel après la disparition brusque d’Idriss Déby Itno qui était l’un des acteurs majeurs dans la région.
Des sources assurent que le contingent tchadien, fort de 1.200 hommes, fraîchement déployé dans la zone des « trois frontières », ne rentrera pas au bercail. Les soldats tchadiens resteront pour épauler les militaires maliens, burkinabé, nigériens et français pour bouter les terroristes hors de cette zone qu’ils écument depuis des années, semant la mort sur leur passage. Les rencontres de N’Djamena entre les dirigeants de l’organisation sahélienne ont sans doute convaincu le nouveau pouvoir tchadien à poursuivre l’action de solidarité panafricaine entamée par le défunt maréchal.
Compte tenu de l’évolution de la situation, l’armée tchadienne n’aura pas besoin du renfort de ses soldats déployés dans notre pays aussi bien dans le cadre de la Minusma qu’au sein du G5 Sahel. Dans son intervention lors des obsèques du Maréchal Déby, le président français a affiché un soutien sans équivoque à la stabilité du pays.
«La France ne laissera personne menacer la stabilité du Tchad», a-t-il lancé. Un avertissement que les rebelles du FACT n’ont pas mis de temps à décrypter. C’est sans nul doute pourquoi ils se sont dit ouverts au cessez-le-feu tout en s’inscrivant dans une logique de dialogue inclusif réunissant toutes les forces vives de la nation tchadienne.
REALPOLITIK- La France et les pays du Sahel encouragent ce dialogue inclusif lorsqu’ils ont délégué les présidents de la Mauritanie et du Niger pour mener les discussions avec les forces vives tchadiennes, afin de mettre en place une transition paisible. Compte tenu du poids du Tchad dans les actions sécuritaires et de sa position géographique, une déstabilisation de ce pays serait une catastrophe et la porte ouverte aux menées des guerroyeurs de tout poil qui ne rêvent que d’installer un islam moyenâgeux dans l’espace sahélo-saharien.
Voilà pourquoi l’annonce de l’avènement du Conseil militaire de Transition n’a pas été accueillie par une pluie de condamnations de principe comme d’habitude. Les puristes des principes édictés par les organisations internationales pourraient crier au deux poids deux mesures. Mais dans le cas d’espèce, la realpolitik semble avoir été privilégiée sur les principes.
Il importe de rappeler que l’illustre disparu avait acquis ces dernières années, une stature de premier plan en positionnant sa redoutable armée à la pointe de la lutte contre le terrorisme. En témoigne la présence des troupes tchadiennes en première ligne aux côtés des soldats français et maliens au Nord du Mali en 2013, mais aussi dans la zone dite des « trois frontières » entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso où ils sont très redoutés par les groupes terroristes.
Lors du dernier sommet du G5 Sahel que son pays a abrité en février dernier où il était question d’intensifier la lutte contre le terrorisme au Sahel, le maréchal Déby avait décidé d’envoyer 1.200 soldats supplémentaires de son armée dans cette zone dite des trois frontières où les terroristes sont très actifs ces derniers temps.
Et pour concrétiser cette promesse, le 29 mars dernier, le commandant de la Force conjointe du G5 Sahel, le général Oumarou Namata accueillait ces combattants qui devaient ensuite faire la jonction avec 900 soldats de la Force conjointe et de Barkhane. Ce qui a d’ailleurs permis aux forces alliées de mener plusieurs opérations à succès dans le Gourma et le Liptako en détruisant les bases des terroristes et en y saisissant d’importants équipements.
Aussi, le Tchad, sous le leadership d’Idriss Déby est l’un des pays qui a le plus gros contingent de soldats au sein de la Minusma avec 1.400 éléments parmi les Casques bleus. Au-delà du Tchad, sa disparition brusque a suscité une vive émotion dans les pays du Sahel où de nombreux observateurs craignent un affaiblissement des actions contre les terroristes durant les jours et mois à venir, et donc une montée en flèche du terrorisme dans la région.
Car aujourd’hui, le Tchad est marqué par une instabilité et les nouvelles autorités pourraient concentrer leurs actions sur la défense de l’intégrité de leur territoire menacée par une rébellion armée et ainsi, réduire le nombre de soldats tchadiens engagés sur le front de la lutte contre le terrorisme au Sahel. Il y a donc péril en la demeure.
C’est pourquoi, Emmanuel Macron a rencontré les dirigeants des pays du G5-Sahel pour discuter de l’après-Déby, de l’avenir de la lutte contre le terrorisme après la mort de celui qui était perçu comme « la bête noire » des terroristes dans la région du Sahel. Auparavant, il avait rencontré les nouvelles autorités tchadiennes. Seul le président burkinabè Roch Marc Christian Kaboré dont le pays est aussi très touché par le terrorisme n’a pas pris part à cette rencontre car il n’était pas encore arrivé à N’Djamena.
Mais après la rencontre de jeudi soir, le président Macron et ses homologues du G5 Sahel se sont à nouveau retrouvés le vendredi matin avant les obsèques d’Idriss Déby, avec l’arrivée du burkinabè Roch March Christian Kaboré. Cette rencontre s’est poursuivie cette fois-ci avec le général Mahamat Idriss Déby, président du Conseil militaire de Transition. Et selon nos sources, il s’agissait de faire le point de la situation sécuritaire au Sahel, de la lutte contre le terrorisme et de discuter de l’après-Idriss Déby.