A la suite du décès d’Idriss Déby Itno, le président du Tchad, un Conseil militaire a dissout l’Assemblée nationale et confisqué la direction de l’Etat tchadien. Dirigé par le fils aîné du président défunt, cette junte militaire de quinze généraux a promis une « transition de 18 mois » et publié une Charte de la Transition. Une Charte qui confère les pleins pouvoirs au président du Conseil militaire qui va nommer les membres de chacun des organes de la transition (le Conseil militaire de Transition, le Conseil National de Transition et le Gouvernement de Transition).
Cette succession dynastique est logiquement récusée par l’ensemble des partis politiques d’opposition et des organisations de la société civile. Ceux-ci sont favorables à l’application des dispositions constitutionnelles pour gérer la transition politique au Tchad. Dans une déclaration commune, publiée au lendemain du putsch militaire, ils ont ainsi fait part de leur rejet de la Charte de la Transition. Ils demandent un grand dialogue national pour revenir au plus vite à un ordre constitutionnel normal. Cependant, la Communauté internationale cautionne ouvertement le putsch militaire.
Présent à N’Djamena pour les obsèques du président Idriss Déby, le président français s’est réuni avec ceux du Sahel ainsi qu’avec le président du Comité militaire de Transition du Tchad. Cette réunion a débouché sur un soutien commun au processus de Transition militaire en cours. De même Macron, pour davantage montrer son réel mépris pour les dispositions constitutionnelles du Tchad, n’a daigné rencontrer ni membre de l’opposition, ni membre de la société civile.
D’ailleurs la France n’a nullement besoin que le système démocratique fonctionne bien dans ses anciennes colonies. Au Tchad, elle dispose d’une base militaire dans le cadre de la mission Barkhane. En realpolitik, elle mise certainement sur la junte qui a confisqué le pouvoir démocratique et qui pourrait garantir ses intérêts égoïstes. Sans compter que la France justifierait sa position par le besoin d’éviter impérativement la décomposition du pays et l’installation de bandes armées dans la sous-région sahélienne plutôt que de permettre l’instauration d’une véritable démocratie. Cette attitude injuste et incompréhensible de Paris cadre bien avec le silence de la Communauté internationale qui semble elle aussi s’accommoder du statu quo.
Pourtant, à l’instar de tout pays régi par un système démocratique, le Tchad possédait sa Constitution qui stipule en son article 81 que: « En cas de vacance de présidence de la République, pour quelque cause que ce soit ou d’empêchement définitif constaté par la Cour suprême saisie par le Gouvernement et statuant à la majorité absolue de ses membres, les attributions du président de la République, à l’exception des pouvoirs prévus aux articles 85, 88, 95 et 96, sont provisoirement exercées par le président de l’Assemblée nationale et, en cas d’empêchement de ce dernier, par le vice-président. Dans tous les cas, il est procédé à de nouvelles élections présidentielles quarante-cinq (45) jours au moins et quatre-vingt-dix (90) jours au plus, après l’ouverture de la vacance ».
C’est cette Loi Fondamentale qui devrait normalement régir la Transition tchadienne. Ce fut le cas au Togo ou au Gabon. Les deux « princes héritiers » ont été contraints par la France et cette même Communauté internationale, de respecter la transition démocratique dans leurs pays avant d’accéder au trône à la faveur d’une succession dynastique. Car le principe de la Communauté internationale (ONU, UA) était de condamner systématiquement tout putsch militaire sur le continent noir.
Par ce principe, la junte militaire qui avait pris le pouvoir au Mali, après des mois d’insurrection populaire, n’avait-elle pas été sommée, sous peine de sanctions économiques et institutionnelles, de remettre le pouvoir transitionnel à une équipe civile ? Les Organisations internationales (Union africaine, CEDEAO, UEMOA et ONU) n’avaient-elles pas suspendu le Mali de leurs instances jusqu’à ce que le pouvoir soit remis à une transition militaro-civile ? Or, c’est loin d’être le cas pour le Tchad. N’est-ce pas un « deux poids, deux mesures » de la Communauté internationale pour traiter les putschistes selon qu’il s’agisse du Tchad ou du Mali ?