Boubacar Diallo dit Boll a intégré l’armée malienne en 1992. Parce que l’Usfas dans sa politique de développement sportive avait lancé une campagne de recrutement pour étoffer son effectif. Sinon auparavant il était le feu follet de l’AS Réal de Bamako. Son nom déjà fait penser à ce jeunot rouquin sprinteur sur le couloir droit des Scorpions et de l’équipe nationale. Cela fait des années qu’il est tombé dans l’anonymat. Après sa retraite footballistique, Boll s’est occupé de son emploi. Nous l’avons retrouvé pour meubler les pages historiques de la rubrique “Que sont-ils devenus ?” Cependant, il pose deux problématiques : la gestion faite des anciens joueurs et le non suivi des catégories d’âge. Selon Boll, ces anciens joueurs ont mouillé le maillot pour l’Etat dans des conditions parfois difficiles. Leur talent et les expériences acquises constituent des banques de données afin qu’ils soient opérationnels pour animer le football malien. C’est à dire que l’Etat malien, à défaut de la pension tant souhaitée, peut former les anciens joueurs pour ensuite les redéployer sur le terrain. Aujourd’hui, il est regrettable que certains peinent à subvenir à leurs besoins vitaux. Deuxièmement souci de Boll : le respect de la progression normale des jeunes. S’ils évoluent ensemble sans rupture, le résultat aboutirait à un exploit comme ce fût le cas de la génération de Seydoublen, Mamadou Diarra dit Djilla, Sega Sissoko, Sadio Baba Cissé, Mamadou Dissa, etc.
Les derniers temps les dirigeants de l’AS Réal ont confié la barre navire à deux anciens du club : Amadou Pathé Vieux Diallo et Souleymane Sangaré. Est-ce la réparation d’une injustice ? Est-ce une tentative de sauvetage des meubles ? Est-ce une décision par défaut des dirigeants réalistes ? Boll un ancien joueur des Scorpions est mieux placé pour répondre à ces questions.
“Il m’est difficile de commenter une décision des dirigeants, mais j’apprécie beaucoup que le club soit coaché par les enfants de la famille. J’ai appris que le nouvel encadrement technique fait du bon travail. Seulement je précise ce qui doit être le slogan ou le mot d’ordre : un chef – une mission – les moyens. Il s’agit de donner le maximum de temps à Vieux Diallo pour apprécier sa touche, en analysant au même moment les performances du club. De retour du service, j’ai fait un tour au terrain d’entraînement, la présence d’autres anciens joueurs et la motivation des supporters m’ont rassuré. J’ai conclu que le Réal sortira vainqueur des nouvelles initiatives”.
Des défenseurs nous ont confirmé qu’ils passaient une nuit blanche à la veille d’un match contre l’AS Réal de Bamako. Comment résoudre l’équation de Boubacar Diallo dit Boll, le virevoltant ailier des Scorpions ? Et quelle que soit la forme d’un latéral, il est anéanti dès le premier quart d’heure. Les incursions de Boll, ses appels de balle et sprint incessants sur le couloir droit essoufflaient infailliblement son adversaire, qui subissait le match ou acceptait de prendre un carton.
Cela nous rappelle le match aller des éliminatoires de la Can “Sénégal 1992”, qui a opposé les Lions Indomptables du Cameroun aux Aigles du Mali (0-0) à Yaoundé. Ce jour le véloce latéral camerounais Stephan Tataw a pris un carton jaune sur Boll, qu’il ne parvenait plus à stopper dans ses appels de balle. Pour éviter le carton rouge, synonyme de KO et surtout que Cyril Makanaky a été expulsé dès la dix-septième minute, l’entraîneur camerounais décida de remplacer son défenseur en deuxième mi-temps. C’est à la suite de ce match que les dirigeants de Toulon, une équipe du championnat français, sont venus à Bamako pour proposer un contrat à Boubacar Diallo. Salif Kéita, son mentor, s’y opposa catégoriquement. Pourquoi ?
Esprit cartésien
“La réaction de Salif n’était pas égoïste ou méchante. Il s’est plutôt battu pour mes intérêts. Les Français ont proposé 20 millions de F CFA pour trois ans. Son refus s’expliquait par l’analyse de son propre cas quand il jouait à l’AS Saint-Etienne. En son temps, il n’a pas pu transférer dans les grands clubs qui lui ont fait des propositions intéressantes parce que les clauses contractuelles ne permettaient pas son transfert, en dehors de l’acceptation à l’amiable de son club. Voilà pourquoi Domingo s’est opposé. Les uns et les autres ont mal interprété et m’ont poussé à la rébellion. J’ai compris dans le sens qu’il voulait du bien pour ma personne. Les dirigeants français ont tout fait auprès de Salif afin qu’il accepte leurs propositions, mais il est demeuré intraitable. Les choses sont restées ainsi”.
Boubacar Diallo dit Boll était un ailier dynamique qui ne centrait jamais dans le vide. Sous la houlette du “Géomètre” Sory Ibrahim Touré dit Binkè, il animait l’attaque réaliste en compagnie de Diadié Dicko et Abdoulaye Traoré dit Kokadjè. Sa complicité et sa complémentarité avec Binkè contribuaient à assurer cette animation.
Les yeux fermés, le premier plaçait sur orbite le deuxième par des passes ou ouvertures millimétrées. Les deux sont des amis d’enfance, qui s’entraînaient ensemble dans les rues, qui ont intégré le centre de formation du Réal en 1981. Salif Kéita dit Domingo, natif du quartier Ouolofobougou, était leur idole, surtout qu’il a joué à l’AS Réal. C’est le culte du premier Ballon d’or africain qui a guidé leurs pas vers les noirs et blancs.
A l’époque celui-ci était dans une logique de politique de jeunes. Il misait beaucoup sur la couche juvénile du Réal. Domingo était convaincu d’une réalité : tous les jeunes qui ont eu leur chance se sont imposés, à l’image de Vieux Diallo, Adama Fofana dit Agni. L’entraîneur Idrissa Touré dit Nany continua à donner les mêmes opportunités à la génération de Binkè, soit sous la forme d’une simple convocation sans les mettre sur la feuille de match, soit des bouts de matches.
Chaque vendredi, pour la dernière séance d’entraînement, il remplaçait Driballon, Benny, Baraka par les jeunes comme Malick Tandjigora, Abdoulaye Traoré dit Kokadjè et Boubacar Diallo dit Boll. Lesquels ont forcé l’admiration, mais le chemin n’était pas sans obstacles avec le corollaire qu’il est difficile de déclasser un des éléments de la “Dream Team” des Scorpions.
Le tournant
Boll ne s’est pas découragé, mais sa première déception fut la défaite du Réal en finale de la Coupe du Mali contre le Sigui en 1987. Parce que les juniors dont il faisait partie ont arraché un match nul à Kayes en championnat national. Et de retour l’encadrement porta son choix sur les grands. Deuxième déception : l’échec de la politique de jeunes de Salif. Domingo, selon Boll, voulait écarter les anciens au profit des jeunes. Ce qui n’a pas été du goût d’une partie des dirigeants réalistes, un désaccord qui le poussa à créer le Centre Salif Kéita.
Au début de la saison 1987-1988 Boubacar Diallo dit Boll est appelé en équipe nationale. Son père qui apprit cette nouvelle par le canal des enfants du quartier l’appela pour lui passer un message. “Mon père me demanda devant ma mère si je pourrais tenir. A défaut il avisera la Fédération de mon incapacité. Mais je m’entêtais à jouer, et qu’un échec s’en suive, il me chassera de chez lui sans état d’âme. Je l’ai rassuré, et Dieu merci tout s’est passé. Mes parents étaient fiers de leur enfant”.
Cette première expérience de Boll avec les Aigles B fera de lui un titulaire incontestable de l’équipe nationale senior, sous le règne de l’entraîneur Kidian Diallo. A l’AS Réal aussi il s’imposa et forma un duo avec Binkè pour mener l’attaque des Scorpions par ses incursions sur des ouvertures de son complice. Boll remporta deux Coupes du Mali (1989 et 1991). Le 25 août 1992, il s’engagea dans l’armée, car il a eu le dégoût du football. Qu’est ce qui s’est passé ? Au match retour des éliminatoires de la Can de Dakar 1992, les Lions Indomptables du Cameroun ont battu les Aigles à Bamako (0-2). Une rencontre interrompue à cause des incidents, où tous les joueurs ont été conduits à Kati, dans un camp militaire. Une mauvaise langue interpréta cet état de fait à la maman de Boll, et ajouta même que les joueurs ont été transférés dans la ville garnison pour être tués.
Une telle information créera logiquement la panique chez toute mère de famille. Aux environs de 23 h, Boll est retourné à la maison et sa mère lui demandera de faire un choix entre elle et le football. A partir de ce jour, il réfléchira pendant plusieurs heures avant de se raviser à intégrer l’armée. Puisqu’il avait juré de ne jamais jouer contre son club de cœur, le Réal, et de respecter les injonctions de sa mère, Boll ne manquera pas d’alibi pour éviter de jouer avec l’Usfas. Il ne participera qu’au seul tournoi militaire, et cela à la demande de son grand frère Siaka Sangaré, en son temps président de l’Usfas.
Après la formation, Boll a rencontré le président Alpha Oumar Konaré (un grand frère), qui le présenta à Soumeylou Boubèye Maïga, avec mention de s’occuper de son cas. Ainsi promis, ainsi fait l’ancien international des Scorpions est affecté à la direction générale de la Sécurité d’Etat pour servir à l’antenne des Aéroports du Mali. Un poste qu’il ne quittera qu’après le départ de Boubèye. Il a été marginalisé, méprisé au motif qu’il serait un pion de l’ancien directeur des services de renseignements. Son salut viendra du Délégué général des élections, le général Siaka Sangaré. Celui ci-lui fit appel pour assurer sa sécurité. Et depuis 2009 il est l’aide de camp de l’homme qu’il considère comme un grand frère.
Sa carrière est aussi liée aux bons souvenirs : le match amical qui a opposé l’AS Réal à une équipe russe où il a marqué un but d’anthologie sur une ouverture de Binké, et ce match au stade Surulere du Nigeria en Coupe Cédéao en 1991. Blessé, il a tenu à continuer la partie pour ensuite tomber en syncope sur le terrain.
Boll est marié avec des enfants, dans la vie il aime football, les jeux de scrabbles. Il déteste l’hypocrisie.