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Abdoulaye Idrissa Maïga : «Il faut revoir les contenus des trois dernières décennies à la lumière de la pratique»
Publié le jeudi 6 mai 2021  |  L’Essor
Cérémonie
© aBamako.com par AS
Cérémonie de lancement de la plateforme ``Un Mali d’avenir``
Bamako, le 20 mars 2021. le Centre International de conférence de Bamako a abrité la Cérémonie de lancement de la plateforme ``Un Mali d’avenir`` sous la présidence de l’ancien Premier ministre, Abdoulaye Idrissa Maiga.
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Des sujets aussi importants que la mise en place du Comité d’orientation stratégique, la publication du chronogramme du referendum et des élections générales sont évoqués par l’ancien Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga dans l’interview ci-dessous. Actualité oblige, la question de la réorganisation territoriale y est aussi abordée




L’Essor : L’ancien président tchadien Idriss Déby Itno vient de tirer sa révérence. à quoi devrait-on s’attendre en termes de lutte contre le terrorisme et de stabilisation dans le Sahel, suite à cette brutale disparition ?

Abdoulaye Idrissa Maïga : Triste nouvelle que la mort du président Idriss Déby Itno qui s’en est allé brutalement. Je m’incline devant la mémoire de ce combattant héroïque qui aura marqué son temps. Son engagement pour le Tchad est indiscutable. Un engagement à hauteur de sa détermination à enrayer les menaces liées au terrorisme et aux mouvements rebelles. Idriss Déby Itno aura été un exemple dont le Sahel devra s’inspirer en matière de lutte contre le terrorisme. Il a su magnifier la solidarité dans un élan à nul autre pareil. Les décideurs du Sahel doivent savoir compter d’abord sur eux-mêmes au plan régional, en assurant une coordination efficace entre les composantes armées en présence sur le terrain.

Ceci dit, je note toutefois un silence accablant sur la nécessité d’une enquête sérieuse concernant la mort brutale d’un président en fonction. Sous d’autres cieux, l’on ne se contenterait pas d’un tel flou. Qui a déjà dit dans l’histoire que « l’effort humain vers la clarté et le droit n’est jamais perdu. » oui, c’est Jean Jaurès et il a raison. L’Union africaine et le G5 Sahel devraient non seulement s’en inspirer, mais aller aussi dans ce sens.

L’Essor : Pouvez-vous nous livrer votre lecture sur la situation socio-politique du pays, sept mois après le démarrage de la Transition découlant des événements du 18 août 2020 ?

Abdoulaye Idrissa Maïga : La situation est difficile et encore préoccupante eu égard au degré d’instabilité du territoire national et à la recrudescence de l’insécurité. Regardez bien la carte des risques sécuritaires au Mali (vision du Centre africain d’étude et de recherche-action pour la paix, édition avril 2021). Elle illustre parfaitement le champ d’extension de la menace terroriste à travers tout le pays. C’est le signe que la situation comporte de fortes incertitudes. Pourquoi le dialogue est toujours indispensable ; de même sont aussi nécessaires des assises inclusives et sérieuses sur les questions majeures telles la révision constitutionnelle, la réforme du système électoral, l’audit des comptes économiques et budgétaires du Mali sur la période 2000-2021, la stabilisation du Mali.

La Transition reste une période d’exception marquée à la fois par l’incertitude, le doute, les impatiences et surtout le manque de confiance. Le manque de confiance jure d’avec l’impondérable temps de latence qu’on appelle période d’observation ; six mois passés, cette période prend fin. Comprenez, dès lors, qu’il est venu maintenant le temps des dossiers (bons ou mauvais) qu’il faut délivrer au grand public pour plus de pertinence et pas seulement d’inclusivité. C’est à ce prix que le défi de la Transition en soi, pourra être relevé dans l’intérêt même du bien commun.

L’Essor : La création récente du Comité d’orientation stratégique sur les réformes politiques et institutionnelles comprenant des forces socio-politiques du pays n’est-elle pas un signe de bonne volonté des autorités de rendre plus inclusive la transition ?

Abdoulaye Idrissa Maïga : Ce n’est pas une question de volonté, mais plutôt un des moyens pour transcender les divergences aux fins de capter, je l’espère bien, l’aptitude active des Maliens dans une quête de solutions et de capacités. C’est aussi certainement une mesure de réajustement ou d’ajustement. En tous les cas, cette décision aurait dû être prise beaucoup plus tôt. C’est en cela que ça pouvait être compréhensible et efficace. Mais enfin, mieux vaut tard que jamais, même si le moment où on prend la décision importe beaucoup.

Au sujet des réformes, l’effort doit être orienté vers celles qui contribueraient davantage à la résolution de graves problèmes, à la racine des dysfonctionnements que le pays connaît. Cependant, l’horizon temporel est limité. Pour autant, l’élaboration d’un mémoire historique portant état de la Nation sur la période 2000-2020 aiderait utilement au cadrage des réformes et à en fixer les jalons.Ceci dit, les réformes sont nécessaires et utiles ; tout dépend du contenu que l’on y mettra. Je loue les qualités du secrétaire permanent du Comité d’orientation stratégique que les Maliens sauront apprécier à la tâche. Nul doute.

L’Essor : Le chronogramme des élections générales et du referendum constitutionnel vient d’être dévoilé par le gouvernement. N’y a-t-il pas là, selon vous, des raisons d’espérer sur un retour rapide à l’ordre constitutionnel normal dans notre pays ?

Abdoulaye Idrissa Maïga : Ce chronogramme n’est pas une fin en soi. C’est purement indicatif. L’essentiel maintenant, c’est de statuer sur la faisabilité. Ce chronogramme, en l’état, aurait pu être publié il y a six mois (début novembre 2020). Il n’est pas parfait autrement dit, il doit être plus parlant et mieux élaboré pour rassurer la communauté nationale.

Je reste convaincu que la bonne foi serait de considérer jusqu’à preuve du contraire, la faisabilité des élections dans un environnement sécurisé apte au déploiement des représentants de l’État, sans lesquels on ne saurait parler d’élections. Outre les séquences normatives qui ne peuvent être mises entre parenthèse, je suis par ailleurs convaincu de la nécessité d’envisager les communales, seules, au niveau local en 2021 et de dissocier en 2022, l’élection présidentielle et les législatives.

L’Essor : La démocratie au Mali semble avoir un problème après deux ruptures de l’ordre constitutionnel en moins de dix ans. Quels contenus devra-t-on donner aux futures réformes politiques et institutionnelles pour davantage consolider notre système démocratique ?

Abdoulaye Idrissa Maïga : Que la santé de la démocratie ait été sérieusement mise en danger par des pratiques hasardeuses, par ce que j’appelle la désinvolture, par des mœurs peu amènes, cela ne saurait remettre en cause l’esprit de la démocratie ; encore moins la République qui déserte dès lors qu’il y a rupture de confiance entre les citoyens et les institutions chargées de la protection des droits et libertés.

Le système démocratique malien ne saura se consolider sans l’esprit de la démocratie et sans les valeurs de la République. Réparer utilement les institutions suppose la caution du citoyen, donc sa confiance réinvestie en l’État. Cela induit aussi la sanction chaque fois que nécessaire.

Alors oui, après deux ruptures de l’ordre constitutionnel, le devoir de chacun et de tous est d’avoir les rapports des plus étroits avec la probité, le travail et le dévouement. Revoir les contenus à la lumière de la pratique des trois dernières décennies et de la critique sociale. Aussi, faut-il vaincre par l’esprit, l’exemplarité, le courage en purgeant les dossiers de corruption et de délinquance financière sur la période de 2000 à 2021 ; de même que les crimes de sang sur la séquence 2012-2021. Cela est essentiel pour garantir la pertinence des réformes à venir.

Alors oui, le système démocratique malien pourra et devra se renforcer par l’éthique des acteurs socio-politiques et économiques. Dans cette veine, les actes s’accorderont avec les idées de façon conséquente. Que les citoyens et les gouvernants, face à la justice, soient logés à la même enseigne. C’est un vaste chantier que L’Essor et l’ORTM pourraient investir utilement ne serait-ce qu’en facilitant le débat d’idées sur la situation sécuritaire réelle de notre pays, son impact sur les échéances à venir, autant sur les prérogatives et pouvoirs de la Cour constitutionnelle qui, de mon humble avis, devrait renforcer sa faculté d’empêcher la fraude dans le périmètre d’une chambre en charge de tout le contentieux électoral, laissant le soin de la proclamation des résultats à l’organe unique de gestion des élections.

L’Essor : Le processus de réorganisation territoriale proposé serait-il un moyen propice pour poser les jalons d’une refondation réussie ?

Abdoulaye Idrissa Maïga: Je ne le pense pas, car il importe de comprendre que le processus de la réorganisation territoriale était déjà très mal engagé dès l’abord en mars 2012. L’on a fait fi à plusieurs niveaux des contraintes techniques et des considérations d’ordre sociologique. Je note alors les difficultés d’approche et de mise en œuvre qui sont réelles ; lesquelles doivent trouver leur solution dans une approche participative et par des mécanismes d’ajustement.

La sagesse commande de donner du temps au temps pour appréhender tous les contours socio-économiques. Autrement dit, il faut véritablement approfondir la réflexion au moyen de la mobilisation des vrais acteurs de la vie socio-économique locale.

Il est bon que ces acteurs soient représentatifs des zones concernées. Pour ce faire, il faut se hâter lentement afin de préserver les équilibres entre les communautés, et les différentes parties du territoire national. à mon avis, c’est une telle démarche qui pourrait renforcer la crédibilité et la légitimité de l’état. Dans le contexte actuel, il y a d’autres priorités plus importantes que ce processus de réorganisation qui, mal conduit, pourrait davantage fragiliser l’État.

Propos recueillis par
Massa SIDIBÉ

Source : L’ESSOR
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