Affectueusement appelé Yatt, de son vrai nom Seydou Yattara, notre héros de la semaine est originaire de Gao. Après le Sonni AC, il a joué au Djoliba puis au Stade malien de Bamako. Il est l’un des rares joueurs à transférer dans un club à partir de l’équipe nationale. Dans la plupart des cas, c’est le contraire qui se produit. Il a joué les jubilés de Moussa Traoré dit Gigla, de Cheick Fanta Mady Diallo et d’Idrissa Maïga dit Métiou. Avec 70 sélections en équipe nationale, il s’est distingué par sa constance. Aujourd’hui, il occupe le poste de directeur technique du Sonni AC de Gao. Malgré cette reconnaissance de son ancien club, l’homme est au chômage. Le projet d’insertion des anciens joueurs initié par le président ATT en 2004 dont il a bénéficié les premières retombées est à l’agonie. Depuis un an et demi à l’instar des autres, Yatt n’a pas reçu de salaire. Cette situation lui brise le moral, parce qu’il refuse de comprendre que l’Etat agisse ainsi vis-à-vis des joueurs qui ont défendu le drapeau national sans condition, avec des primes dérisoires. Son saut dans la rubrique “Que sont-ils devenus ?” a été rendu possible grâce à Ousmane Farota, un fidèle lecteur de la rubrique. Qui est Seydou Yattara? Comment il s’est retrouvé à Bamako pour ensuite y laisser son empreinte ? Sa carrière ? Sa retraite ? L’enfant de Gao malgré sa situation peu reluisante nous a entretenus.
De la carrière de Seydou Yattara, nous retenons deux rencontres face au Liberia en éliminatoires de la Can d’Alger 1990.
Au match aller, les Aigles se sont imposés un but à zéro (but de Mamadi Cissé dit Tostao). Le deuxième but, marqué par Yatt, est refusé par la volonté de l’arbitre central à limiter les dégâts devant le président Samuel Doe. Très en colère, il prend un carton jaune pour protestation violente. A Bamako, son équation à résoudre était l’anéantissement de Georges Weah. Il a tellement fait de son cas un problème personnel, qu’il lui arrivait de faire une traversée diagonale pour tenir main forte au latéral gauche.
Seydou Yattara était un joueur engagé. Son efficacité jamais défaillante, sa façon de jouer prouvaient à suffisance qu’il ne jouait que pour vaincre. Ce qui fait qu’un carton rouge le rappelait souvent à l’ordre.
Seydou Yattara était un latéral droit moderne, qui jouait aussi dans l’axe, chaque que fois le coach Karounga Kéïta dit Kéké voulait donner un autre visage à son équipe. Il se singularisait par ses percées offensives durant les quatre-vingt-dix minutes. Il ne baissait jamais de rythme et autant il s’infiltrait sur le flanc droit, autant il revenait dans sa zone de défense pour s’imposer à son adversaire. A l’époque si la technologie était aussi avancée, on l’aurait soupçonné de dopage.
Il n’en était pour rien, seulement, Seydou Yattara était un athlète polyvalent : cent mètres, deux cent mètres et quatre fois cent relais. En 1984, à l’issue de la Coupe de l’UDPM avec la région de Gao, il occupe la deuxième place aux cent mètres, la troisième place aux deux cents mètres dans le classement général. Après cette compétition, il reste à Bamako sur conseil de son ami, qui lui propose de prendre part à la Coupe corporative.
Son logeur, un douanier, était un dirigeant du Djoliba. Une raison de plus pour qu’il évolue avec l’équipe des soldats de l’économie. Sa première sélection en équipe nationale est consécutive à cette Coupe corpo. L’entraîneur Kidian Diallo qui supervisait les différents matches était à la recherche de joueurs pour constituer un effectif de qualité. C’est ainsi qu’il convoquera Yatt au ministère des Sports pour lui notifier sa sélection. Pour la circonstance, il lui a demandé de rejoindre l’équipe à l’hôtel Terminus, en prélude aux éliminatoires de la Can-1986, le tournoi Amilcar Cabral et la Coupe Cédéao.
C’est pendant cette préparation des Aigles, que les dirigeants du Djoliba AC l’ont approché pour le transférer dans la famille rouge. Il a accepté leurs propositions. Les raisons ? “Dans l’adolescence tous les enfants supportent un club souvent par passion. Durant cette période c’est le Djoliba qui m’a marqué. Ce qui fait que j’ai grandi avec son admiration dans mon cœur. C’est plus qu’un rêve pour tout enfant de l’intérieur de jouer dans un grand club. Et quand l’occasion s’est présentée pendant que j’étais à l’internat, je n’ai pas hésité”.
C’est dans la chambre partagée par Lassine Soumaoro (paix à son âme) et Idrissa Traoré dit Poker que Yattara a signé sa licence le 3 octobre 1984. Chacun des deux monuments du football malien voulait qu’il soit à côté de lui. Au Djoliba, avec ses atouts offensifs, il s’impose comme un élément important du bastion défensif de 1984 à 1987. Il a remporté deux titres de champion (1985, 1986). A un moment donné, Seydou Yattara a transféré au Stade malien de Bamako, car le niveau de détérioration de ses relations avec Abdoulaye Traoré, frôlait le clash.
Aller-retour
Chez les Blancs de Bamako, il confirmera sa constance aussi bien qu’en équipe nationale, avec laquelle il a participé à quatre coupes Cabral 1985 (Gambie), 1986 (Sénégal) 1987 (Guinée Conakry), 1988 (Guinée-Bissau), les éliminatoires des Can de 1986 et 1988, la Coupe Cédéao. A quelques jours de la Coupe Cabral jouée à Bamako et remportée par les Aigles, il est déclaré forfait pour raison de blessure. Avec le Stade, Seydou Yattara a remporté une Coupe du Mali (1988) et un titre de champion (1989). En 1989 il est retourné au Djoliba pour ensuite regagner sa ville natale, Gao.
Il murissait l’idée de partir en Côte d’ivoire pour tenter une nouvelle aventure. Le temps de finir la saison 1991-1992, malheureusement il écopera d’une suspension de dix-huit mois, pour avoir violemment agressé l’arbitre de la rencontre Sonni AC-Djoliba AC. Cette suspension compliquera la tâche pour lui, quand il s’est agi de signer un contrat à l’AS Bouaké en Côte d’Ivoire. La Femafoot n’a pas daigné délivrer la lettre de sortie, attestant que Yattara était un joueur libre.
Au bout d’une saison morte, il se résignera à rentrer au pays. Prochain point de chute : l’AS Mandé de la Commune IV pour mettre définitivement un terme à sa carrière à la fin de la saison 1993-1994. Pour des raisons de famille il était contraint de rentrer à Gao pour s’occuper de sa vieille mère.
Dans la Cité des Askia, Seydou Yattara ne chômera pas, il est chargé de faire monter le Sonni AC en première division. Pari qu’il gagnera en 1996. L’équipe locale n’a pas pu supporter les réalités de l’élite du football malien. Elle chutera en 1998. Le salut de Yatt viendra du projet de l’ancien président de la république, feu Amadou Toumani Touré. Lequel consistait à confier des centres de formation aux anciens joueurs, moyennant un salaire forfaitaire par mois. Aujourd’hui, ce bon projet est à l’article de la mort. Cela fait un an et demi que les salaires sont suspendus, pour des raisons qu’aucun ancien joueur ne pourra expliquer.
A la lumière de sa riche carrière, Seydou Yattara parle de ses souvenirs. “Pour mes bons souvenirs, je retiens deux matches : le premier contre la Guinée en 1985 au tournoi Cabral de Banjul, où j’ai marqué un but, comme ce fut le cas aussi contre le Libéria à Monrovia où l’arbitre a refusé mon but. Le carton rouge que j’ai pris en demi-finale toujours en Gambie, et qui a fait perdre le Mali. Cela m’a beaucoup choqué, même s’il est imputable à une fougue de la jeunesse, la défaite du Djoliba en 1986 contre le Stade malien de Bamako en finale de la Coupe du Mali sont mes mauvais souvenirs”.
Seydou Yattara est marié et père de huit enfants. Dans la vie il n’aime que le football, et déteste la trahison.