Le nouveau président malien Ibrahim Boubacar Keïta a nommé le banquier Oumar Tatam Ly comme Premier ministre jeudi, au lendemain de son investiture qui tourne la page de 18 mois de crise politico-militaire ayant divisé et meurtri le pays.
Jusqu’à récemment, M. Ly, 49 ans, était conseiller spécial du gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), l’institut d’émission monétaire des huit pays formant l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa).
Selon une source jointe jeudi par l’AFP à la BCEAO, qui a son siège à Dakar, il "a été déchargé de ses fonctions il y a quelques jours".
Il succède à Diango Cissoko, un administrateur civil qui a été Premier ministre du gouvernement de transition de décembre 2012 jusqu’au début de cette semaine. M. Ly doit entamer les consultations dans les prochaines heures pour former son gouvernement.
Né le 28 novembre 1963 à Paris, agrégé d’histoire et diplômé en économie,
Oumar Tatam Ly - surnommé Thierno Ly par ses proches - est le fils d’Ibrahima Ly, homme de lettres aujourd’hui décédé, militant de gauche engagé et notamment auteur de deux retentissants livres: "Toiles d’araignées" et "Les noctuelles vivent de larmes".
Sa mère est Madina Tall Ly, diplomate qui fut ambassadeur sous le régime du président malien Alpha Oumar Konaré (1992-2002).
Après ses études, il a travaillé à la Banque mondiale, puis à la présidence malienne de 1992 à 1994, année où il a ensuite intégré la BCEAO, y engrangeant près de 20 ans d’expérience à divers postes.
Son entourage assure qu’il n’est membre d’aucun parti politique mais il a participé à l’élaboration du volet économique du programme du candidat Ibrahim Boubacar Keïta, qui a brigué la présidence pour le compte du Rassemblement pour le Mali (RPM), un des principaux partis politiques maliens.
"Temps de réconciliation, de refondation et de reconstruction"
Ibrahim Boubacar Keïta a été élu le 11 août et a prêté serment mercredi, après une passation des pouvoirs avec le président de transition, Dioncounda Traoré.
Dans son discours, M. Keïta a énoncé plusieurs priorités pour son mandat de cinq ans, indiquant que "la plus pressante" à ses yeux est "la réconciliation nationale" après la crise politico-militaire qui a déchiré ce pays de quelque 15 millions d’habitants.
Cette crise avait débuté en janvier 2012 dans le Nord par une offensive de rebelles touareg, supplantés rapidement par des groupes criminels et islamistes armés liés à Al-Qaïda qui ont pris le contrôle de cette vaste région une semaine après un coup d’Etat militaire qui, le 22 mars 2012, a renversé le président Amadou Toumani Touré.
Les jihadistes ont ensuite laminé la rébellion touareg et l’armée malienne, commettant d’innombrables exactions avant d’être en grande partie chassés, à partir de janvier 2013, par une intervention militaire franco-africaine toujours en cours. Le conflit a ravivé les tensions entre communautés touareg, arabes et noires, et provoqué le déplacement d’environ 500.000 personnes.
En dépit de craintes sécuritaires, le pays a organisé sans incidents majeurs la présidentielle, globalement bien jugée par les observateurs nationaux et internationaux et saluée par de nombreux Etats et organisations.
S’il peut compter sur la communauté internationale qui a promis en mai une aide massive de 3,2 milliards d’euros au pays, Ibrahim Boubacar Keïta devra s’atteler à une lourde tâche.
Dans son dernier message à la Nation en tant que président intérimaire, mardi soir, Dioncounda Traoré avait affirmé que M. Keïta "est, par la force des choses, le président d’un temps de défis complexes et multiformes, le président d’un temps de réconciliation, de refondation et de reconstruction".
"La demande sera grande quand l’offre, elle, restera hélas modeste, du fait des moyens réduits de notre pays mais aussi du fait des nouveaux besoins créés par notre crise", avait-il ajouté, en exhortant les Maliens à apporter leur soutien à la nouvelle équipe.