AQMI, un groupe à l’allure d’une force armée nationale de par sa zone d’influence, son organisation, son modus operandi, son budget de fonction et le nombre de combattants.
Jusqu’en 2003, la lutte armée du GSPC était limitée seulement en Algérie, mais suite aux succès des forces de défense et de sécurité algérienne, elle a été repoussée vers le sud dans les zones les moins peuplées de la vaste frontière de l’Algérie avec le Mali, la Mauritanie et le Niger. Après, il étendit sa présence au nord du Mali.
À la base, le GIA avait neuf régions ; c’est dans la région du centre après le rapprochement avec AQMI que la base de celle-ci fut implantée. La région du sud constitue la base principale de l’organisation. Elle couvre toute la zone sahélo-saharienne qui comprend le Mali, le Niger, la Mauritanie, l’Algérie, le Burkina Faso, où l’organisation disposerait de cellules. Selon certaines sources, elle étendrait son influence au Sénégal où certaines filières islamiques apporteraient un soutien logistique.
Avec l’extension d’AQMI au Sahel, l’organisation en plus de l’attaque sur les forces de l’ordre des différents États de la région fragilisés par l’instabilité et l’immense étendue des frontières échappant à tout contrôle, s’adonna à des prises d’otage. Ce phénomène qui est de plus en plus courant par les groupes terroristes armés est assorti de la demande d’une somme faramineuse comme rançon. La prise d’otage devenait ainsi l’activité la plus lucrative, car l’otage qui n’est plus considéré comme un être humain, est réduit à sa valeur marchande. L’affaire des otages place la bande sahélo-saharienne sur le devant de la scène médiatique. Les émirs Abderrazak El-Para surnommé « Ben Laden du Sahara » et Mokhtar Belmokhtar, devenaient alors les acteurs principaux de l’enlèvement de trente-deux touristes européens (seize Allemands, dix Autrichiens, quatre Suisses, un Suédois et un Hollandais). La pression de la diplomatie européenne exercée sur l’Algérie permet à celle-ci de conduire une opération militaire aboutissant à la libération de la moitié des otages enlevés en mai 2003. Le reste du groupe a été libéré moyennant le paiement d’une rançon allant jusqu’à six millions d’euros. En complément à cette activité criminelle nettement génératrice de revenus, AQMI faisait prospérer son occupation son activité initiale et illicite qui est le trafic de drogue, d’armes, de migrants, de cigarettes et de blanchiment d’argent. Le revenu de ces activités leur permet de financer l’évolution de l’organisation, l’achat d’armes, l’entretien des camps, le paiement de combattants, le moyen de communication et le pécule pour la motivation des combattants.
La structure organisationnelle d’AQMI
AQMI de sa création à nos jours demeure une organisation bien structurée malgré les pertes qu’il a enregistrées dans son rang. Cette organisation est d’ordre militaire, économique, financier et social. Pour bien étendre leur domination au Sahel dont il contrôle une bonne partie et qui échappe considérablement au contrôle des gouvernements nigériens, maliens, burkinabé, AQMI a reparti ses combattants en brigades bien organisées qu’il nomme Katibas. Militairement la Katiba est la cheville ouvrière de toutes les opérations armées menées contre les forces de l’ordre. Il existe une hiérarchisation bien organisée à l’intérieur de chaque brigade et un fonctionnement bien ordonné faisant d’AQMI une organisation terroriste très puissante. Plusieurs nationalités combattent : Maliens, Algériens, Mauritaniens, Burkinabés, guinéens, nigériens, Nigérians et même des combattants afghans et pakistanais ont été aperçus dans leur rang en 2012 pendant l’occupation des régions de Tombouctou, Gao et Kidal. Chaque brigade ou Katiba est dirigée par un chef charismatique.
Avant d’être chassé par une coalition d’armée dirigée par les forces de l’opération Serval lancée le 11 janvier 2013, AQMI était composé de cinq Katibas toutes actives qui sont :
-Al-Ansar, commandée par Hamada Ag Hama alias Abdelkrim Taleb, originaire d’In Khalil, il est le touareg le plus connu d’AQMI, il est un parent d’Iyad Ag Ghali. Cette Katiba est composée essentiellement de touaregs maliens et nigériens. Elle serait également l’auteur de l’enlèvement des Français François Philippe Verdon et Serge Lazarevic. Hamada Ag Hama a été tué par les forces spéciales françaises le 20 mai 2015.
-Al-Mouthalimin, commandée par Mokhtar Belmokhtar qui est un combattant qui avait rejoint les moudjahidines en Afghanistan avant de retourner en Algérie son pays natal pour fonder la brigade du martyr affiliée au Groupe Islamique armée (GIA). Il est considéré comme la vedette de la bande, car ayant allumé la flamme islamique dans le Sahel, préparant l’arrivée d’AQMI dans la zone. Il avait été ultérieurement nommé émir de la Zone sud (ex-9e zone) avant d’être déployé au nord du Mali. En 2012, il crée son propre mouvement : les signataires du sang. En août 2013, le groupe fusionne avec le Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) pour former Al-Mourabitoune qui est impliqué dans plusieurs attentats armés contre les forces de défense et de sécurité. Il fait l’objet d’un mandat d’arrêt international pour avoir créé un groupe international terroriste et y avoir appartenu.
-Tarik Ibn Ziyad, commandée par Mohammed Ghedir dit Abdelhammid Abou Zeid tué le 23 février 2013 lors d’affrontement dans le massif des Ifoghas. Il sera succédé par Saïd Abou Moughatil dit Said El-Djazaïri, spécialiste des transmissions, il n’occupait avant qu’un poste de subalterne. Ce rude combattant aurait piloté en septembre 2010 le rapt des français sur le site minier d’Airlit au Niger.
-Al Fourghan, Cette Katiba était commandée par Djamel Okacha alias Yahia Abou elHammam qui succéda à Nabil Makhloufi tué dans un accident de voiture. Il a assisté à la création du GSPC en 1998. Il prend la direction du Sahara en 2003. C’était un fidèle de Droukdal. Il dirigea plusieurs opérations en Mauritanie comme l’attaque du poste militaire de Lemgheity en 2005, l’assassinat d’un humanitaire américain à Nouakchott en juin 2009 ou encore l’attentat contre l’ambassade de France en août de la même année. À noter qu’Abou Hammam était une pièce centrale d’Al-Qaida au Sahel, il était aussi l’homme de confiance de Abou Zeid le plus teigneux de tous. Djamel fut tué le 21 février 2019. Il faut souligner qu’avant même d’être tué, il a été remplacé à la tête de cette katiba par Mohamed Lemine Ould El Hassen dit Abdallah Al-Chingeutti, tué en 2013 au cours de l’opération Serval. Ce dernier a été remplacé par Aderrahmanedit Talha al- Mauritani. Il est l’un des premiers mauritaniens à avoir rejoint AQMI en 2006 et s’y être fait remarquer par son fanatisme au sein de la police islamique.
-Yousssef Ibn Tachfin, cette Katiba fut créée tardivement en novembre 2012 et commandée par Abou Abdel Hakim Al Ghairawany.
Ces katiba disposent d’un moyen militaire solide capable de faire face aux armées régulières des États du Sahel. Elles disposent d’un effectif de plus de 1000 hommes.
Moussa Kamara, Spécialiste en droit de l’Homme,Chercheur sur la lutte