Lorsque la composition du nouveau gouvernement tombera, probablement ce week end, les Maliens relâcheront leur souffle, de soulagement, ou lanceront une bordée de jurons (et de lamentations) pour marquer leur dépit.
Les premiers, qui auront mal vécu le casting du gouvernement inaugural de la Transition, largement composé d’inconnus et de militaires (trop nombreux, au goût de la très grande majorité des citoyens), trouveront dans cette seconde équipe gouvernementale les signes d’une volonté de rectification (positive) et de changement.
Alors que les seconds, les rats de salons ministériels, laudateurs impénitents, davantage attentifs à leurs intérêts particuliers qu’à ceux-plus généraux-de la majorité, ne retiendront de la nouvelle donne exécutive que la perte de leurs privilèges.
Ils seront nombreux et très malheureux, »les obligés des obligés » de la junte, qui ne s’est pas gênée, lors du lancement très symbolique de la Transition, d’imposer des ministres, parfaits inconnus du public et même des observateurs très avertis de la vie politico-administrative du pays.
Cette présentation, très optimiste, du proche avenir politique du Mali, est plutôt aléatoire.
Sa réalisation suppose que la reconduction de Moctar Ouane au poste de Premier ministre corresponde à la fois à un témoignage de ses compétences et à un élargissement de sa marge de manœuvre.
Nous ne doutons pas des qualités de manager du Premier ministre, lui-même pouvant justement se prévaloir d’une longue et avérée expérience de gestion des affaires publiques et internationales.
Le choix des hommes crucial
Pour se donner des coudées encore plus franches, le Chef du Gouvernement devra, par contre, faire montre de plus de résolution que par le passé, face à une junte qui voudra, certainement, protéger et préserver ses privilèges et prébendes.
Avec le soutien du président de la Transition (qui s’engage aussi pour l’histoire), Moctar Ouane est condamné à mettre un point d’honneur à former un gouvernement crédible et rassurant pour la plus large frange de la population malienne.
Le choix des hommes est évidemment crucial. Et, pour les neuf mois restants d’une transition dont on attend encore l’essentiel, l’appel à des hommes compétents, réactifs et responsables doit être très ferme, audible et clair.
Après avoir retenu du gouvernement sortant des ministres ayant fait preuve de réelles capacités d’interprétation et de gestion des exigences de la transition, le Premier ministre devra engager une partie serrée avec les formations politiques, sollicitées pour conférer plus d’inclusivité (et de crédibilité) à cette seconde et cruciale étape de la marche vers la nouvelle république.
Les partis politiques de l’ex-opposition à IBK ont, depuis la chute de ce dernier, le goût amer de la frustration consécutive à leur mise à l’écart des affaires de l’Etat, alors qu’ils avaient entretenu l’espoir d’y jouer un rôle clé.
Avec cette seconde chance qui leur est offerte, n’auront-ils pas les yeux plus gros que le ventre, en ayant des prétentions plutôt élevées?
L’exigence de compétence, de références de qualité et d’engagement sera, dans ces discussions (négociations), le principal atout du Premier ministre, qui ne manquera pas de souligner que l’inclusivité n’est ni la porte ouverte au tout venant ni une quelconque caution à la banalité, encore moins un partage de gâteau, dont les Maliens sont friands, depuis les errements d’un certain IBK.
Une partie de jeu d’échec musclée
Face à une junte chevillée à ses privilèges, c’est une partie de jeu d’échec musclée (que les puristes nous pardonnent cette incongruité) que Moctar Ouane va mener pour faire valoir sa vision et ses choix.
Hormis le ministère de la Sécurité, les Colonels devraient se rendre à l’évidence qu’ils détoneront dans un attelage gouvernemental appelé à entamer, avec célérité, discernement et efficacité, la dernière ligne droite devant aboutir aux réformes incontournables, susceptibles de projeter le Mali vers une autre république, débarrassée des scories d’une démocratie trentenaire ayant contribué à façonner et à conduire au pouvoir un homme politique, dont les légèretés ont plongé le pays dans un gouffre dont il aura du mal à s’extirper.
Moctar Ouane voit s’offrir à lui, aujourd’hui, la chance de conduire et réussir cette mission de rédemption.
Les Maliens, dans leur très grande majorité, ne souhaitent pas autre chose. Ils en ont apporté la preuve en s’opposant, par le sacrifice de leur vie, à la soldatesque vouée à la protection et la survie du régime défunt.
En cas de nécessité, les populations sauront se remobiliser pour se débarrasser de tout ce qui symbolise un anachronisme pouvant constituer un facteur de régression pour des institutions républicaines, dont la mission fondamentale consiste à ancrer nos pratiques démocratiques dans la qualité et la pérennité, pour un développement cohérent et durable.
Mise en orbite du renouveau du Mali
Afin que cette dernière mission ne prenne pour lui la posture d’un pensum, le Chef de l’exécutif doit se pénétrer d’une seule vision, celle de la nécessaire mise en orbite du renouveau du Mali.
Une mission que ne saurait entraver la junte, au risque de s’exposer aux foudres de la communauté internationale, qui s’est profondément investie auprès de notre pays afin de le replacer au diapason des nations civilisées, c’est-à-dire dotées d’institutions républicaines référentielles.
Cette bataille est aujourd’hui au cœur de la survie de l’Etat malien. Moctar Ouane a le devoir de s’élever à la hauteur de ces enjeux. Bah N’Daw doit soutenir à fond son Premier ministre.
Tous les deux mériteront ainsi des honneurs du nouveau Mali.