Le Mali sombre depuis de longues années dans le chaos de la cécité de ceux qui l’ont gouverné, en cherchant leur place au soleil. La classe politique est en cause et indexée, parce qu’aucun de ses ténors n’a pu, à son passage, convaincre le pays de sa bonne intelligence de la charge confiée pour, de son image, susciter un quelconque espoir. Au contraire, ces grands messieurs et dames qui ont formé ici et là des partis et regroupements politiques, ou qui y militent en bonne place, pour accéder aux hautes responsabilités de l’Etat, manquent de culture pour honorer les fonctions, par eux, convoitées. La culture générale, oui ! Certains se montrent à bon niveau. Mais, quant à la culture politique, on ne distingue que des apprentis, et cela se prouve aisément à l’analyse.
Le grand mal dont nous souffrons depuis des décennies, au-delà des problèmes innombrables qui se posent à la nation et restent irrésolus, c’est surtout l’éclipse de leadership, qui annonce le réveil des forces du mal. Nous n’avons pas de vrais leaders, un homme, ou une femme, à la bonne étoile, capable de guider son peuple pour le sauver. Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus.
C’est bien la raison pour laquelle, le peuple confus s’en remet à ces ombres et lueurs de messie, de messager ; des religieux qui ont vite compris la vacuité des prétendants au pouvoir temporel, et s’adjugent le beau rôle de “prophète des égarés”, sous le titre onctueux d’autorité morale. Allez donc écoutez les propos de l’Imam sur le crédit des responsables du M5-RFP. Il ne leur a pas caché la piètre opinion qu’il se fait d’eux, puisqu’il leur a dit sans ambages qu’ils ne lui inspiraient pas confiance, et n’ont pas, d’après lui, l’étoffe de gens à qui l’on peut confier le destin du Mali. Le divorce est consommé.
Par la force de la médiocrité politique de ses animateurs, le M5-RFP se présente comme une force acéphale, dépourvue de conscience, et c’est bien dommage. Comment expliquer, et qu’est-ce que le peuple malien doit comprendre, à voir un Mountaga Tall, une Madame Sy Kadiatou Sow, un Modibo Sidibé et un Salikou Sanogo, alignés derrière Choguel Kokala Maïga, dans une lutte commune soi-disant pour le Mali ? Et, qui est leur adversaire ? Les autorités de la Transition : des cadres en rupture avec le système honni qui a mené le pays à la déchéance, investis pour assurer un revirement soutenable du pays vers un nouvel horizon.
Il se trouve des braillards, loin d’être de bons élèves dénombre de certains ministres sortants, qui osent parler d’incompétence et qualifier l’exécutif d’amateurisme. Des insinuations à faire croire aux simples d’esprit que la Transition serait coupable de la déliquescence de l’État. Tandis que ceux d’entre eux qui comptent parmi les fossoyeurs de la république, y compris des clients notoires de la justice aux forfaitures connues, en quête d’une nouvelle virginité, se font passés pour des vertueux, qu’ils sont loin d’être. Où va-t-on ?
Comment les acteurs du fameux mouvement démocratique de 1991 en viennent-ils, subitement, à se ranger derrière l’héritier attitré du parti du « lion debout », leur adversaire (presqu’ennemi déclaré) de toujours, camouflé dans une peau de tigre… ?Le temps a-t-il absous le clivage idéologique profond, et fait disparaître l’antagonisme de cette opposition de conscience ?
Même si des membres lui contestent le statut de président du M5, est-il, pour le moins, concevable que Choguel en soit le porte-parole, en présence de militants intransigeants de la trempe de Cheick Oumar Sissoko, un des pères de notre démocratie ; de Mme Sy Kadiatou Sow ; ou de Hamadou Amion Guindo ? Et, on ose parler dans ce melting-pot, composé de prédateurs et de nostalgiques de la tyrannie, d’un combat pour des valeurs, pour la démocratie, pour refonder l’État ? De qui se moque-t-on ? Qui, parmi eux, est donc l’apostat qui a renoncé à ses valeurs référentielles ?
Nos Toto politiciens n’ont jamais su ce qu’était un engagement politique vrai. Pas qu’ils soient bêtes. Seulement, ils n’ont pas compris qu’il s’agit d’une lutte opiniâtre pour des idéaux, avec une vision claire du but à atteindre, des principes pour se battre et des convictions fortes partagées avec des compagnons pour bâtir une société, à édifier sur des valeurs fondamentales. Mais, depuis le multipartisme intégral, qu’est-ce qui ne nous a pas été donné de voir. Le tableau est triste et lamentable :
des gens de moules différents qui s’assemblent au hasard de rencontres et de quelques déclarations de circonstance, et finissent toujours par s’entredéchirer pour des raisons inavouables ;
desdits démocrates “sincères” qui prétendent combattre un système qu’ils insultent et, une fois aux affaires, viennent faire pire dans la mauvaise gestion ;
des patriotes autoproclamés qui ameutent le peuple contre les abus et gabegie d’un régime et, quand arrive leur tour, ils se font les poches, se partageant des milliards ;
des adversaires irréductibles, ou supposés tels, qui, lors des élections, n’hésitent point à nouer des alliances contre nature, en s’associant sur des listes communes, pour se faire élire. Quel délire !
C’est le rassemblement de ce théâtre politique, mal inspiré et de mauvais goût, qui n’a pas fini de faire le nécessaire ménage en son sein pour dégager les opportunistes connus et indélicats fichés, dont la moralité douteuse déteint et souille le combat à l’origine du M5-RFP, qui doit faire un bien utile examen de conscience.
Ceux qui ont été dans les anciens régimes et qui savent ce qui leur est reproché et dont ils ne sont pas blanchis devraient avoir la décence de ne pas se mettre en première ligne. Il se trouve que dans cette logique, le cas Choguel pose problème ; car il est indéniable qu’il a mis son savoir-faire politique et toute son énergie pour donner au mouvement du souffle. Ce qui l’a légitimé quelque part, malgré que son image d’homme du passé, avec son passif, ne plaide pas en sa faveur.
C’est pourquoi on a entendu un moment des groupes de jeunes protester vigoureusement, avec l’intention, disaient-ils, de dégager « les vieux ». Chose qui n’était pas sage non plus. Beaucoup de voix les en ont dissuadés, car c’est bien ces « vieux » indexés qui ont inspiré et impulsé la dynamique du combat à travers Espoir Mali Koura (EMK) d’abord, la CMAS ensuite et le FSD après.
Mais, le défaut de cette coalition quasi spontanée, qui a bien eu sa raison d’être, et le mérite de contribuer à évincer un régime déprimant, frisant le stade de l’État voyou, est de ne s’être pas adapté à la nouvelle situation de l’après-IBK, consécutive à l’avènement du CNSP. Cela demandait une réorganisation des forces politiques coalisées pour imprimer une volonté nouvelle à la conduite de la Transition. Mais, à défaut de leader politique digne du nom, le M5 n’a pas su effectuer sa mue vitale, condition sine qua none de son acquis de légitimité. Il est resté finalement un agrégat occasionnel de personnalités ambitieuses aux visées divergentes, chacun voulant instrumentaliser le capital de lutte pour sa carrière, et l’après-Transition. Cela explique pourquoi, depuis le départ de l’autorité morale et de la CMAS, véritables poids lourds, le mouvement est à la recherche de ses marques. C’est dans ces conditions que ledit Comité stratégique de cette affaire, qui n’a rien de stratège, tente le coup de la remobilisation des troupes en annonçant une sortie pour le 04 juin prochain, un test d’audience après les départs et cassures.
Cheick Oumar Sissoko et EMK, conséquents, se tiennent quelque peu à la marge, observateurs, préférant garder la distance d’avec la tentative de récupération. De gros calibres, comme Cheick Modibo Diarra et Moussa Sinko Coulibaly, sont également dans cette posture. L’URD, qui misait sur le retour de son fondateur pour piloter le FSD, a dû revoir sa copie suite au vide qu’il a laissé, et au fait que de nombreuses prétentions, semble-t-il, se font jour pour une candidature en son sein. Il apparaît clairement que les cadres de ce parti ne veulent pas se retrouver à la remorque de Choguel, l’allié encombrant, qui nourrissait l’espoir de bénéficier de leur onction, le M5 étant devenu son ultime planche de salut.
On a vu ainsi, lors des consultations menées pour la formation du nouveau gouvernement, l’URD se démarquer, net ; ce fut le cas aussi du Djigiya Kura, piloté par Housséini Amion Guindo ; tous prêts à composer avec le Premier ministre reconduit, M. Moctar Ouane ; ayant déjà cautionné et adhéré à son initiative de Comité d’Orientation Stratégique (COS).
C’est dire que la marge de manœuvre de Choguel et acolytes est très étroite ; eux qui prétendent soutenir la Transition, qu’ils voudraient « rectifier ». En vérité, ils n’espèrent pas moins tirer profit de la grogne sociale pour faire rebelote. Ils veulent débarquer l’actuel Chef du gouvernement, appelant à cet effet, sans scrupule, aux « victimes des démolitions », au syndicat des Administrateurs, aux grévistes de l’UNTM et autres syndicats solidaires, à tous les mécontents de la terre, pour réussir une démonstration de force. Seront-t-ils suivi dans cette ruse, politiquement indigne ?
Ceux qui viendront exprimer leur insatisfaction des conditions de vie et de travail ignorent les motivations politiciennes en dessous. Et, ce jeu malhonnête de détournement de colère finira bien par rattraper les instigateurs, qui risquent un jour d’en faire les frais, eux qui ont été des équipes de la mal gouvernance, auteurs des prévarications et prédations qui ont mené le pays au chaos. Les maliens n’ont pas la mémoire courte pour ne pas voir ici le voleur qui crie « Au voleur ! ».
Après les réserves fondées au niveau de EMK, le départ de la crème de la CMAS et la mise en berne des FSD, que reste-t-il du M5-RFP dépouillé de ses groupes et membres fondateurs ? La frange « An Ko Mali dron » a pris le train en marche, mais pense pouvoir déjouer les plans de Choguel, l’écarter et faire main basse sur le fonds de commerce de cette lutte orpheline, afin de lui imprimer le sérieux qui, jusqu’ici, a manqué. Mais, c’est mal connaître Choguel qui, contrairement à eux- technocrates reconvertis, est un vrai politicien. Me Mountaga Tall, Madame Sy, édiles de Mars 1991, et Modibo Sidibé, courent dans ce méli-mélo le risque de leur suicide politique par indifférenciation.
Il n’en demeure pas moins vrai que l’exécutif doit mieux réagir aux attentes cumulées des décennies de privation et de frustration des travailleurs et du peuple malien en entier. Il doit marquer les esprits par ses efforts et stratégies d’ordre sécuritaire, scolaire, sanitaire et alimentaire ; et non avoir l’air de simplement gérer les affaires courantes, dans une routine lancinante. Il faut imprimer la marque d’une vision politique à l’action et la période transitoire, sans verser, pour autant, dans la politisation des équipes sous la pression des partis. Cela tient essentiellement au poids du processus salutaire de refondation de l’État, avec l’exigence d’une meilleure communication.
Aujourd’hui, la plupart des politiques crédibles de la scène se tiennent à distance de cette velléité d’agitation permanente du M5. On aura vu les leaders de certaines formations comme Yèlèma, ADP-Maliba, ASMA, APM-Maliko, SADI, au labour du champ politique, au contact de leurs bases, pour préparer l’après-Transition. A la différence du parti FARE, vu aussi sur le terrain, ils sont loin du folklore des propagandistes qui entendent sillonner les communes de Bamako pour trouver assez d’aventuriers dans l’intention de déstabiliser le cours de la Transition, comme on ne tardera pas à s’en rendre compte au fil de leurs discours, qui évoluera en fonction de la température de la rue et de la position de l’UNTM. La semaine à venir nous éclairera sur ce dilemme existentiel du M5.