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Afrique francophone : Entre bons et mauvais coups d’Etat
Publié le jeudi 27 mai 2021  |  L’aube
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En géopolitique, les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets. Si vous faites un coup d’État adoubé ou planifié et organisé par certains dirigeants du monde, vous n’avez pas d’inquiétudes, mais si vous les contrariez un armada de sanctions vous pétrifie.
Il y a désormais les bons et les mauvais coups d’État en Afrique. Il y a les bons morts et les mauvais morts. Les bonnes causes humaines, les causes humaines qui sont du mauvais côté de l’histoire, femmes et enfants de RDC, populations du Burkina Faso, du Mali, du Niger.

Quelle tristesse de constater que les médias d’État et d’opinion, en occident, appartenant à des firmes transnationales ou capitaines d’industrie, et des ONG inféodés aux magnats des finances se vautrent en complices de ces fonctionnements erratiques des affaires du monde.

Le 08 août 2020, l’armée malienne a mis fin au régime très décrié de Monsieur Ibrahim Boubacar Keïta et le clan qui l’entourait. La population, par de nombreuses manifestations populaires, avait signifié qu’elle vomissait ce système depuis plusieurs semaines dans les rues de Bamako et ailleurs.

La population malienne salua l’initiative des militaires de la façon que l’on connait. Et le peuple est le seul organe de légitimation d’un État. La convergence formelle entre la volonté du peuple et l’action des militaires de Kati était indéniable. L’illégitimité du régime était établie depuis longtemps. Le Malien ne manque pas de bon sens et avait compris qu’un coup d’État, malgré ses effets pervers, valait mieux que le système vermoulu en place à l’époque.

Mais aussitôt annoncé, ce coup d’État a reçu une volée de bois vert avec menaces d’embargo de la CEDEAO, Alpha Condé et Alassane Ouattara qui n’en pouvaient plus d’indignation, prêts à saigner à blanc le Malien. Suivirent l’exclusion de l’organisation de la francophonie, les oukases de l’Union Africaine, les invectives des ministres français de la défense, des affaires étrangères et de l’Europe…

Tout ce beau monde, comme on le dit souvent au Mali, a “multiplié le peuple malien par zéro”. Les hurlements n’ont cessé que lorsque la junte a montré “patte blanche”, en donnant certainement des gages d’accommodement aux désidératas de certaines puissances.

Alors, pour le push au Tchad, suite à la mort du maréchal Idriss Déby Itno, nous étions en droit de penser qu’il en serait de même. Nous nous attendions à un déluge de propos courroucés et de condamnations de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) ou de la CEMAC ( Communauté Économique et Monétaire d’Afrique Centrale ), de l’organisation de la Francophonie, du quai d’Orsay et du Ministère de la Défense en France, du conseil de sécurité des Nations Unies, de l’Union Africaine, de la fumeuse communauté internationale et j’en passe… Tous ces messieurs et dames sont frappés d’aphonie, de cécité, d’un coup. Ils n’ont pas vu le coup d’État au Tchad après la mort d’Idriss Déby Itno, IDI pour les Tchadiens. Pourtant l’inconstitutionnalité de l’action des militaires tchadiens était manifeste.

Alors je vous invite à lire les dispositions des constitutions tchadiennes du 04 mai 2018 en son article 81 et celle du 14 octobre 2020 dans son article 82. Les deux sont claires dans les cas de vacance de la présidence.

L’article 81 de la loi fondamentale du Tchad promulgué le 04 mai 2018 dit : “En cas de vacance de la Présidence de la République pour quelque cause que ce soit ou d’empêchement définitif constaté par la Cour Suprême, saisie par le Parlement réuni en congrès, les attributions du Président de la République, à l’exception des pouvoirs prévus aux articles 85, 88, 95, 96, sont provisoirement exercées par le Président de l’Assemblée Nationale.

En cas d’empêchement de dernier, l’intérim est assuré par le 1er Vice-Président de l’Assemblée Nationale.

Dans tous les cas, il est procédé à de nouvelles élections Présidentielles quarante-cinq (45) jours au moins et quatre-vingt-dix (90) jours au plus, après l’ouverture de la vacance.”

L’article 82 de la Constitution du Tchad du 14 octobre 2020 promulgué par le défunt Idriss Déby Itno stipule : “En cas de vacance de la Présidence de la République pour quelque cause que ce soit ou d’empêchement définitif constaté par la Cour Suprême, saisie par le Parlement réuni en congrès, les attributions du Président de la République, à l’exception des pouvoirs prévus aux articles 86, 89, 90,96, 97, 98, 99 et 101 sont provisoirement exercées par le Président du Sénat.

En cas d’empêchement de dernier, l’intérim est assuré par le 1er Vice-Président du Sénat.

Dans tous les cas, il est procédé à de nouvelles élections Présidentielles quarante-cinq (45) jours au moins et quatre-vingt-dix (90) jours au plus, après l’ouverture de la vacance.”

Peu importe la constitution mise en avant, l’intérim est assuré par le Président du Sénat pour celle de 2020 et celui de l’Assemblé Nationale du Tchad pour la mouture de 2018. Ces dispositions constitutionnelles indiquent que les nouveaux dirigeants du Tchad viennent de procéder à un coup d’État. Le fils remplace le père avec l’aval des autres “généralissimes” du pays.

Alors, on se rend compte que des vociférations, menaces et mises en place d’embargo fusent contre certains coups d’État lorsqu’ils brouillent les cartes des maîtres du monde. Ces mêmes regardent ailleurs lorsque ces mêmes faits confortent leurs positions. A ce niveau la CEEAC, la CEMAC, l’Union Africaine sont du menu fretin, ces organes sont des coquilles vides.

Le Tchad de Idriss Déby Itno est un maillon extrêmement important dans la géostratégique sahélienne. Alors on passe sur les dérives autocratiques de l’homme qui vient de mourir après 30 ans au pouvoir et l’instauration d’un fonctionnement clanique dans l’armée. Les circonstances de sa mort sont troublantes et il serait hasardeux de privilégier une version: mort au combat ou éliminé par sa propre garde rapprochée avec la complicité passive ou active de son fils (adoptif ?) qui vient de lui succéder avec des “combinaziones” extra africaines ?

Sur le fond, nous sommes sur le même schéma que les coups d’État constitutionnels au Togo, en Guinée, en Côte d’Ivoire, au Cameroun, au Congo ou militaire comme au Mali récemment…

J’oubliais le coup d’État du 11 avril 2011 de l’armée française, l’ONU de Ban KI-MOON et son représentant Choi Young-Jin contre Laurent Gbagbo et son remplacement par le même Alassane Ouattara.

En géopolitique, les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets. Si vous faites un coup d’État adoubé ou planifié et organisé par certains dirigeants du monde, vous n’avez pas d’inquiétudes, mais si vous les contrariez un armada de sanctions vous pétrifie.

Il y a désormais les bons et les mauvais coups d’État en Afrique. Il y a les bons morts et les mauvais morts. Les bonnes causes humaines, les causes humaines qui sont du mauvais côté de l’histoire, femmes et enfants de RDC, populations du Burkina Faso, du Mali, du Niger.

Quelle tristesse de constater que les médias d’État et d’opinion, en occident, appartenant à des firmes transnationales ou capitaines d’industrie, et des ONG inféodés aux magnats des finances se vautrent en complices de ces fonctionnements erratiques des affaires du monde.

Quelle tristesse de constater que les dirigeants africains, alors même qu’ils ont compris le mécanisme, mais commandés par la peur, s’enferrent dans un silence honteux et pathétique. A certains, si Paris dit que deux additionné à deux font désormais douze et qu’il faut l’inscrire dans le préambule de leurs constitutions, ils se feront concurrence pour exécuter l’ordre en premier, jouant ainsi aux “bons nègres”.

La société civile africaine doit jouer son rôle dans la dénonciation des tribulations de certaines puissances en Afrique francophone avec les complicités internes des roitelets et sous-préfets. Une des priorités dans l’ordre des urgences est l’instauration d’une véritable souveraineté monétaire radicalement découplée des monnaies étrangères sur le fond et la forme.

Aucun Dieu ou entité divine ne viendra nous aider tant que nous accepterons de laisser d’autres gérer nos pays à notre place et en faire le far ouest quand ils veulent.

(Cet article a été écrit le 04 mai 2021)

Yamadou Traoré

Analyste politique
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