Qui pourrait occuper la Présidence et la Primature après la démission de ses occupants ? Mohamed Ag Assory, analyste politique et fondateur de Tidass Stratégies-Consulting, livre son analyse.
Mali Tribune : Selon vous, qui pourrait occuper la Présidence et la Primature après la démission de ses occupants ?
Mohamed Ag Assory : A partir d’aujourd’hui, c’est deux postes qui sont en vacance : celui du Président de la Transition et celui de la Primature. Je crois que pour ces deux postes-là, il faudrait des personnes choisies de façon consensuelle avec la classe politique, la société civile, les religieux…
Il faudrait qu’il ait un large consensus autour de ces personnes. Mais il faudrait que ces personnes-là aussi aient les moyens de travailler, il faudrait qu’elles aient la sérénité parce que l’épisode du 24 et 25 mai jette un discrédit sur l’environnement de travail. Je crois qu’on doit trouver des personnes consensuelles, mais aussi des garanties au niveau de la communauté nationale et internationale pour permettre aux prochains président et Premier ministre de travailler dans de conditions acceptables de sécurité et de sérénité institutionnelle.
Mali Tribune : Peut-on dire avec certitude que le nouveau gouvernement annoncé lundi en fin d’après-midi nous a conduits dans ce coup de force ou bien d’autres facteurs existaient-ils déjà?
M A. A. : Concernant les événements du 24 au 25 mai, je crois qu’il existait depuis un certain temps des tensions entre d’une part le Président de la Transition et le Premier ministre et d’autre part entre les militaires de l’ex-CNSP, notamment le Vice-président et par extension le Président du CNT. Il y a eu quelques bisbilles entre eux s’agissant de certaines nominations ou certaines décisions au niveau de l’Exécutif bien avant la formation du nouveau gouvernement. Je crois que cette formation du nouveau gouvernement a été une étincelle dans une situation déjà tendue, ça peut-être que c’est cette formation du nouveau gouvernement qui a déclenché cette intervention des militaires qui s’est soldée par la démission et du Président, mais aussi du Premier ministre.
Mali Tribune : Pour les uns, c’est un coup d’État dans coup d’État et pour les autres, c’est une démission comme celle du 18 août d’IBK. Qu’en pensez-vous ?
M. A. A. : Bon, nous sommes actuellement dans une situation compliquée. Est-ce qu’il s’agit d’un coup d’Etat ? En principe, classiquement un coup d’Etat, c’est lorsqu’une autorité est élue démocratiquement et déposée par une autre autorité qui peut-être civile, militaire ou par tout autre voie qui est non démocratique. Donc, on peut dire que c’est un coup de force de l’armée sur le champ politique. Un coup d’Etat ou un coup de force, ça dépend de la schématique.
Mali Tribune : Dans un communiqué la junte a affirmé que la Transition suit son cours. Mais aux yeux de la communauté internationale est-ce le cas?
M. A. A. : La Transition a connu une interruption. Parce que le processus a été interrompu, l’architecture mise en place par la charte à la suite des événements du 18 août a été interrompue, la chaîne politique, décisionnelle et institutionnelle a été interrompue et je crois que c’est un coup dur pour la Transition.
Mali Tribune : Quelles conséquences sur la suite de la Transition ? Cette situation affectera-t-elle les élections générales de 2022 ?
M. A. A.: Ce coup de force va retarder le processus déjà enclenché et va jouer sur le calendrier parce qu’organiser des élections dans le temps imparti est très difficile. Cette crise politique va prendre peut-être un ou deux mois avant d’être résolue ça va affecter ce calendrier-là en plus de la situation sécuritaire et de tous les autres défis logistiques, politiques et autres, le délai sera difficilement tenable.
Mali Tribune : La France affirme qu’il y aura des sanctions ciblées contre les responsables militaires et politiques qui entravent la Transition. Selon vous, quelle pourrait être la nature de ces sanctions?
M.A. A. : La nature des sanctions prises au niveau international le plus souvent, c’est une interdiction de voyager et souvent le gel des avoirs. Maintenant la France à elle seule, même si elle prenait ces décisions-là, ce ne serait valable que pour la France et je crois que peut-être elle va s’inscrire dans une logique plus internationale notamment avec des sanctions au niveau de l’Union européenne, avec des sanctions au niveau régionale Cédéao et continental avec l’Union africaine. Je crois que c’est ce type de sanctions qui peut avoir un effet, nous avons vu que les Etats-Unis ont déjà commencé en suspendant leur coopération militaire.
C’est ce type de sanctions qu’il faut craindre au moment où nous sommes toujours embourbés dans la situation sécuritaire. On dépend fortement de l’aide internationale. Donc, la suspension de certains financements aura quand même un grand impact également, on craint les sanctions au niveau de la Cédéao qui peuvent vraiment mettre à mal les citoyens et puis de façon générale tout le pays entier.