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Dieu n’est pas un fonds de commerce
Publié le jeudi 3 juin 2021  |  Le Républicain
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Ce qui arrive à notre pays, un destin aussi singulier qu’imprévisible, suscite interrogation et incertitude. Les grands esprits se sont dits et dédits sur les causes de notre histoire contemporaine. Ce qui n’est point de l’ordre des discussions, c’est que nous sommes tirés vers le bas et il nous faut le geste ultime pour ne pas toucher le fond. Que Dieu nous en préserve pour le bonheur de la postérité pour qui le combat vaut la peine parce qu’eux ne méritent pas la sanction de nos fautes.
Le temps n’est plus au verbe mais à l’action de notre génie malien, la foi en notre destin commun.

Quel triste paradoxe, que la foi, un des trois piliers de notre Devise, soit devenue notre talon d’Achille.

Mon objectif à travers ce texte n’est pas d’objecter sur les analyses antérieures de notre situation ni même d’annihiler les solutions, mais de toucher du doigt ce qui, de mon point de vue, reste la cause des causes, la sous-jacente de tous les symptômes.

Ce qui nous arrive, ne tombe pas ex nihilo, mais reste le résultat d’un processus de déliquescence et de désintégration collectivement ourdi.

Après moult analyses, je suis aujourd’hui gagné à l’idée que le véritable problème malien est une défaillance spirituelle.

Ce qu’on ne peut nullement nous contester, est que nous sommes un peuple profondément religieux. Nos lieux de prière ne désemplissent pas les jours et heures indiquées.

Au-delà des différences de dogmes, toutes nos religions se retrouvent autour des concepts et valeurs de crainte de Dieu, d’amour du prochain et de pratique de la justice. Les Saintes Ecritures préviennent que celui qui prétend aimer Dieu alors qu’il n’aime pas son prochain, est un menteur. Elles ajoutent qu’on ne peut pas prétendre aimer Dieu qu’on ne voit pas et ne pas aimer son prochain qu’on voit. Nous le savons aussi, la foi révélée par les religions monothéistes se ramène à deux grands commandements, à savoir : aimer Dieu de toute son âme, de toutes ses forces (1) et aimer son prochain comme soi-même (2).

Dites-moi, comment expliquer tant d’injustice, d’animosité, de cruauté sous toutes ses formes, dans « un pays fondamentalement croyant » à presque 100% ?

Comment comprendre tant d’incivisme, de triche, d’irrespect envers la chose publique ?

Lorsqu’un rapport du Vérificateur Général épingle plus de 250 milliards de nos francs dans un pays de tréfonds de pauvreté, l’indignation du citoyen n’est pas à la hauteur du scandale. Il me semble que nous soyons suffisamment habitués à cet air malodorant de la corruption que nous n’en sommes plus sensibles. C’est ici un des signes inquiétants vers le laborieux chemin de construction d’un destin commun et triomphant.

Parlant de 250 milliards de CFA de manque à gagner, un petit exercice nous permet de comprendre qu’il s’agit bien de 250 000 millions de CFA. Une opération de division entre nos 703 communes permet à chaque commune d’en gagner 355 millions, de quoi dépasser le budget annuel de beaucoup de nos communes. Si nous reprenons le même exercice pour nos 12 000 villages, chacun en reçoit une dotation de plus de 20 millions, une enveloppe à même d’améliorer les services sociaux de base en manque criard dans beaucoup de nos villages.

Après l’affairisation de la politique, c’est, me semble-t-il, le tour de la religion d’être « businessisée».

A coup de manipulation, de conditionnement à des fins d’autoréalisation, le message religieux perd toute objectivité.

Il me semble que « l’argent-dieu » a imposé son culte et a gagné beaucoup trop d’adeptes.

Ceci explique cette addiction effrénée à l’argent au point que beaucoup de nos compatriotes sont prêts à accepter un dessous de table d’un million de CFA contre 1 milliard qu’il ferait perdre à son pays.

L’absence d’esprit de suffisance, synonyme de cupidité, est une maladie spirituelle qu’on retrouve aussi bien chez les nantis que chez les démunis. Et il reste vrai que la richesse engendre la satiété et celle-ci la démesure pour des cœurs qui ne connaissent point la mesure de la suffisance. (Wassa en langue Bamanankan).

Un de mes meilleurs jours a été ce jour où un ainé m’a confié avoir dit dans ses prières à Dieu de ne plus augmenter ses avoirs. Il ajouta qu’Il avait demandé au Tout-Puissant de donner aux nécessiteux la part qu’il aurait encore pour lui. Quelle grandeur d’âme et d’esprit.

Une tante, également écrivaine, me confia un jour une mission, celle d’écrire un livre sous le titre de :

« le pays de l’humain ». C’était pendant un de ces moments d’échanges que nous avions pour réfléchir à la situation de notre pays, le Mali. J’estime pour ma part, qu’un tel ouvrage devrait être collectif et donc porteur de voix plus autorisées que la mienne même si mon modeste accompagnement sera obligé. Il est des moments où, en solitaire, j’exprime ma gratitude au Dieu Créateur de nous avoir gracieusement donné tout ce qui est de l’ordre du vital, l’eau et l’air par exemple. Imaginons, dans notre contexte de défaillance spirituelle, que ces deux denrées fussent la possession de quelques privilégiés. Imaginez ce que serait le monde.

Tel un animal agonissant, notre pays, bien qu’à terre, souffre davantage de certains de ses fils qui, plutôt que de prêter leurs efforts et leur énergie pour le remettre sur ses pieds, ne s’en soucient que très peu et continuent de chercher à lui enlever son énergie restante. Honte à eux, car le Mali se redressera.

Fort heureusement, comme des sentinelles, se tiennent à la brèche ceux dont la dévotion et la consécration sont sans ride ni ombre de variation.

Certains de mes concitoyens comprendront mes propos comme une flèche en direction de quelques individus plutôt que de regarder dans leur propre miroir. Ils sont comme ces insensés qui, lorsqu’on leur montre du doigt le soleil, plutôt que de regarder dans la direction du doigt, ils regardent le doigt.

Tout comme la connaissance et la compétence qui ne se donnent pas en héritage, nul ne peut se prévaloir de la foi de son père ou de sa mère, aussi fervente fut-elle été. Chacun répondra de ses œuvres. Je pense que l’unanimité est faite sur cette assertion : lorsque le menteur vous dit qu’il mourra un jour, pour une fois, il vous dit la vérité. Puissions-nous nous rappeler de notre état de finitude.

Je propose un exercice aussi simple que difficile à mes compatriotes. Il consiste à consentir à observer une journée « zéro corruption ». Je suggère déjà le 25 mai, une journée riche en symbole, la journée de notre chère Afrique. Nous passerons ensuite à « la semaine zéro corruption », « au mois zéro corruption et après à « l’année zéro corruption ». Après ces étapes, j’ai la conviction que cela entrera dans nos esprits et dans nos muscles. Notre expérience, j’en reste convaincu, fera école.

Du reste, comme nous sommes sur le double terrain de la foi et du social, je présente humblement mes excuses à tous ceux qui se sentiront offensés. Mon objectif n’est pas de donner une leçon de foi, elle convient à ceux qui en sont investis, mais de rappeler notre engagement de foi, à savoir, craindre Dieu et aimer notre prochain comme nous même. Tout le reste vient par-dessus, la grandeur de notre pays aussi.

Que Dieu sauve le Mali. Amen !

Marc Otozié GOITA, Consultant-auteur écrivain.

Promoteur de la Plateforme Sentinelle Démocratique.

Tel. (223) 66877116/76136846
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