Laurent Gbagbo et ses partisans se sont enfin retrouvés, ce jeudi 17 juin, dans son ancien quartier général de campagne de Cocody-Attoban d’Abidjan. Ses fans attendaient, depuis des années, son retour au bercail afin qu’il revienne prendre la place qui est la sienne dans l’arène politique ivoirienne. Alors que ses détracteurs politiques mais aussi et surtout les familles des victimes de la guerre civile (notamment post-électorale) estiment que Gbagbo devrait plutôt purger sa peine de 20 ans de prison à lui infligée par la justice de son pays. Alors quel impact, peut avoir le retour de l’ancien chef d’Etat sur la Côte d’Ivoire ?
D’après l’ivoirien Fahiraman Rodrigue Koné, sociologue et chercheur à l’Institut d’Etudes de Sécurité (IES), interrogé par notre consœur RFI, le retour de Gbagbo dans son pays est « une nouvelle opportunité pour une véritable réconciliation ». Le sociologue sous-entend que « la posture de Laurent Gbagbo a été très significative dans le dénouement de la dernière crise électorale (la présidentielle de 2021) dans son pays. D’autant qu’il a « désavoué, empêché la désobéissance civile ». Une posture qui, d’après toujours le sociologue, aurait certainement envoyé « un signal très positif » au pouvoir ivoirien. Ce qui aurait joué dans l’apaisement de la crise mais aussi facilité les négociations pour son retour au pays.
En 2001, Laurent Gbagbo au pouvoir avait fait rentrer d’exil Henri Konan Bédié. Lors de son premier quinquennat, Alassane Ouattara avait organisé un Forum de réconciliation national qui était censé apaiser le climat politique et booster la démocratie. Mais celui-ci n’a pas bien abouti, car un an après, le pays d’Houphouët-Boigny a encore basculé dans une très longue crise politique. Sans oublier que la fin du second mandat d’ADO a consacré le divorce entre ce dernier et celui qui était considéré comme son dauphin naturel, Guillaume Soro. Lequel a été contraint à l’exil et condamné (il y a quelques jours seulement) par la justice ivoirienne à la prison à perpétuité.
Toutefois, il est une évidence : le mot « réconciliation » se retrouve dans tous les langages politiques en Côte d’Ivoire. Et il traduit certainement la commune volonté de tourner une page sombre de l’histoire de ce pays d’Afrique de l’Ouest. Mais une autre en est que le mot impunité est également présent dans les propos d’une grande partie de l’opinion publique, notamment des victimes de la crise post-électorale de 2010-2011. Ces derniers pensent que la réconciliation dont font état les politiques dans leurs discours ne concerne pas le peuple. Et ils ont du mal à oublier les milliers de morts (selon l’ONU, les violences avaient fait plus de 3 000 morts lors de la crise de 2010-2011).
Il faut donc forcément concilier les deux positions politiques. Car, le retour de Gbagbo peut bien contribuer, en dépit du fait qu’une partie de l’opinion le désapprouve, à la décrispation de la vie politique. Et il est bien une « fenêtre d’opportunité pour une véritable réconciliation nationale ». Mais faudrait-il que les deux positions politiques se fassent des compromis nécessaires. Lesquels ne sont possibles sans l’engagement sincère de l’élite politique ivoirienne.