Comment le pouvoir de la transition instrumentalise une arrestation sans base légale pour détourner l’attention du public ? Voici la version du secrétaire général de la section syndicale de la police nationale (SPN), Siméon Kéita, arrêté en avril dernier à la suite d’une opération de désarmement à Bamako. Dans cet entretien, Siméon Kéita nous parle aussi des conditions de détention de ses camarades.
Le Prétoire : Pouvez-vous nous parler des motifs de votre arrestation ?
Siméon Keita : Mon arrestation a été une opération sauvage et barbare d’une équipe militaire qui est venue agresser les camarades au Groupement Mobile de sécurité à 3 heures du matin sous prétexte de vouloir désarmer les policiers qui détenaient les armes. Or, en réalité, les armes étaient emmagasinées. Les militaires sont venus ouvrir les magasins pour prendre les quelques armes qui restaient. Après cette opération, ils ont enlevé 17 de mes camarades qui assuraient la permanence. Ainsi, trois jours après, ils sont venus avec un papier pour me dire qu’ils veulent mener une enquête relative aux évènements passés du GMS. C’était pour entendre ma version. Je n’étais même pas obligé d’aller répondre dans la mesure ou j’avais déjà désigné un responsable bien avant ces évènements pour assurer mon intérim. Je n’étais même pas activement sur le terrain. Mais, en tant que Secrétaire général élu et pendant que j’avais 17 de mes camarades en détention, il était de mon devoir d’aller donner ma version des faits. Ensuite, après avoir donné ma version, ils m’ont dit qu’ils ont reçu des instructions de me garder. Des instructions sans fondement et sans motif de détention. J’ai fait un mois sans dossier judiciaire et sans connaître d’où venait l’ordre. A un moment donné, ils m’ont fait savoir que ça ne relève pas du Ministère de la justice et que c’est une sanction disciplinaire que l’armée voulait m’infliger pour casser mes ardeurs. A cet effet, j’ai répondu qu’il y a un décret qui réglemente les règles de discipline au sein de la police. Et que nullement ce décret ne parle de garder un fonctionnaire de la police dans les locaux de la gendarmerie. Un mois après, ils ont mis le dossier sur la table d’un juge et toujours sans motif.
Est-ce qu’aujourd’hui, après votre libération, vous jouissez pleinement du statut d’un fonctionnaire de police ?
Oui et non. Oui pourquoi ? Parce que je ne vois pas au plan texte quelque chose qui m’empêche de jouir des mêmes droits qu’auparavant. Mais malheureusement, pendant notre période de détention il y a le Ministre sortant qui a pris un arrêté illégal pour nous suspendre. Nous étions en formation alors que la suspension concerne l’activité du policier. Mieux encore, le papier qui nous a amené à cette formation est un décret. Et on veut nous suspendre avec un arrêté. Mais dans un pays sérieux est-ce qu’un arrêté doit suspendre les effets d’un décret ? Et pourtant, ils en ont profité pour suspendre une bonne partie de notre salaire et davantage nous faire souffrir. Aussi, ils essayent de nous empêcher d’exercer nos activités. Il y a la volonté des hommes qui veulent nous nuire davantage.
Avez-vous une idée sur les personnes qui veulent vous nuire ?
Oui, mais naturellement je ne vais pas me mettre à vous citer les noms. Tout le monde se rappelle dans quelles circonstances les choses ont évolué. Quant on sait qu’au jour d’aujourd’hui, l’équipe qui est allée nous agresser au GMS n’a pas pu montrer un ordre de mission. Et pourtant, c’était des hommes habillés qui relèvent d’un commandement.
Avez-vous intenté des actions en justice pour la régularisation de votre situation ?
Bien vrai que nous avons été victimes de beaucoup d’injustice, nous sommes restés dans cette situation. Certains de nos biens personnels ont été enlevés sans compter les effets personnels. Au moment où les militaires nous ont agressés, ils ont enlevé 25 motos, des ordinateurs portables et d’autres choses. Nous avons pensé dans un premier temps que les motos étaient dans un endroit sûr et qu’après ils allaient les restituer. Mais en fin de compte, nous avons compris que les motos ont été volées.
Malgré la promesse de Dioncounda Traoré, quatre de vos camarades restent toujours en détention. Quels sont réellement les motifs de leur rétention ?
Ils ont été arrêtés dans les mêmes conditions. En réalité, je ne peux pas vous dire les motifs nets de leur arrestation dans la mesure où ces motifs varient d’un papier à un autre. Par exemple, le motif que tu trouveras dans le mandat de dépôt est bien différent de celui qui va ressortir dans l’ordonnance de rejet de leur demande de liberté provisoire et encore différent d’un autre papier. On ne sait même pas finalement à quoi s’en tenir. Personne ne peut dire la vraie raison de leur rétention. Aussi, il faut savoir que leur condition de détention est arbitraire dans la mesure où il y a des conditions qui ne sont pas respectées. Les procédures ont été foulées au pied. Je trouve que c’est seulement un règlement de compte. Car nous avons d’autres informations qui nous font croire que certaines personnes sont derrière cette situation.
Que pensez-vous de la mise en place du nouveau syndicat de la police appelé ‘’Le renouveau’’ ?
D’abord, ils ne sont pas syndicat car c’est eux qui le disent. Les 27, 28 et 29, ils ont révélé qu’ils ne sont pas syndicat et qu’ils sont nos militants. Mais je dois vous dire que les animateurs de ce prétendu syndicat sont les mêmes policiers qui ont pris les armes, le 26 septembre, pour s’insurger contre les promotions faites en faveur de certains policiers. C’est aussi les mêmes personnes qui ont voulu nous déloger de notre siège. Et tout simplement parce qu’ils étaient mécontents de notre promotion, ils avaient des armes en main. Et quand nous sommes allés à Kati pour les médiations, ils ont ouvertement affirmé qu’ils ne sont pas syndicat et qu’ils ne comptent pas faire de leur mouvement un syndicat. C’est eux qui devraient être poursuivis et enfermés. Mais malheureusement les rôles ont été inversés.
Avez-vous fait l’objet d’une quelconque menace de la part du Directeur national de la police ?
Ce n’est pas moi. Mais c’est mon intérimaire, Adjudant Issouf Fofana, qui a été menacé de mort par l’actuel Directeur national de la police. En ces termes, dit il : «de démissionner du syndicat ou le sang va couler». Aussi, il dira que c’est lui qui le note et aussi qu’il a le pouvoir de le radier.
Qu’attendez-vous du nouveau Premier Ministre ?
Notre volonté a toujours été le changement pour le bonheur du peuple malien. Nous nous inscrivons dans cela. Et nous souhaitons qu’il œuvre dans le sens du bonheur de tous les Maliens en apportant un vrai changement.