Si la nomination d’Oumar Tatam Ly à la Primature a surpris plus d’un, elle traduit avant tout la volonté du nouveau président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta d’échapper au contrôle des chapelles politiques et des lobbys religieux et financiers. IBK a refusé ainsi de satisfaire le désir de ses partisans, alliés et ralliés qui voulaient un politique à la Primature pour réhabiliter le politique.
Pour respecter sa promesse de rupture, le nouveau président de la République était attendu sur le choix de son Premier ministre. Il n’a pas déçu puisque pour conduire son premier gouvernement, il a fait appel à un presque inconnu, Oumar Tatam Ly, conseiller spécial du président de la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO), dont le nom de celui-ci revenait avec insistance, parmi d’autres, depuis le second tour de l’élection présidentielle.
« J’avoue que je suis un peu surpris. Mais à la réflexion, je pense que c’est une excellente chose d’opter pour un premier ministre apolitique pour préparer les législatives », s’est presque réjoui Soumaïla Cissé, concurrent d’IBK au second tour de la présidentielle. Mais cette réjouissance n’est pas partagée par les partisans du nouvel homme fort du pays à qui on reproche d’avoir donné raison aux détracteurs du politique. « Il avait l’occasion de réhabiliter le politique en nommant un politique à la Primature, mais il confirme que personne ne fait confiance aux hommes politiques », regrette un proche de Soumeylou Boubèye Maïga dont le nom était cité pour devenir PM. « C’était un bon choix pour le Mali, mais un mauvais choix pour IBK qui aurait eu à ses côtés un politique qui allait finir par l’isoler dans son propre pouvoir », explique un confrère qui rappelle qu’IBK n’a pas encore oublié les problèmes de cohabitation entre deux politiques au sommet de l’exécutif en tant qu’ancien PM d’Alpha Oumar Konaré.
Il faut aussi souligner que le choix d’OTL est une prise de distance avec les milieux des affaires, des religieux (le Chérif de Nioro avait ses candidats) et des militaires car le bonhomme ne doit rien à personne. La déception est logiquement grande parmi les alliés et les ralliés d’IBK contre qui sa garde rapprochée oppose que les résultats obtenus par le nouveau président au second tour lui obligent de se placer « au-delà des clivages politiques ». D’ailleurs, rajoutent-ils, il n’y a point d’homme politique d’envergure qui incarnera le changement. L’atout maître du nouveau PM, insistent les proches d’IBK, c’est qu’il incarne la nouveauté, donc concrétise la rupture réclamée par les Maliens.
Reste à prédire si IBK reste sur cette ligne de conduite, son camp risque de dégarnir aussi vite qu’il a été envahi entre les deux tours de la présidentielle. Ainsi soit-il.