Pour plus d’efficacité des services liés à l’Assurance maladie obligatoire, la Caisse nationale d’assurance maladie engage une guerre sans merci contre la fraude. C’est ce qui ressort de l’exposé de Mme Traoré Fatoumata Zahara Haïdara. C’était lors de l’atelier de formation du Réseau des journalistes citoyens, action pour la République (Jcar). Le thème était : « Défis et enjeux de l’impact négatif de la fraude dans l’AMO ».
Dans sa lutte contre la fraude, la sensibilisation constitue une arme redoutable pour la Canam. D’où l’intérêt du présent atelier dédié aux hommes de média.
Dans son exposé, Mme Traoré Fatoumata Zahara Haïdara, chef Service juridique et contentieux de la Canam, a fait une communication, sous l’égide du conseiller technique Sériba Traoré. A cette occasion, elle a rappelé que la lutte contre la fraude est consacrée par la loi n°09-015 du 26 juin 2009, ainsi que le décret n°09-552/P-RM du 12 octobre 2009 fixant les modalités d’application de cette loi, le décret n°10-579 /PRM du 26 octobre 2010 portant approbation de la Convention type de délégation de gestion dans le cadre de l’AMO et le contrat d’objectifs et de moyens entre la Canam et les organismes gestionnaires délégués (Inps et Cmss). « La détection des abus et des fraudes sont des défis et enjeux majeurs de la Canam, entre autres, par rapport à la maitrise des risques et par conséquent à la viabilité et la pérennité du régime de l’Assurance maladie obligatoire. C’est dans ce cadre que la Canam a mis en place les organes de lutte contre la fraude. Ces organes comprennent : le Comité de pilotage ; la Commission médicale ; le Comité technique», indiquera-t-elle. Le comité de pilotage est l’instance suprême de la lutte contre la fraude à l’assurance maladie. Il a pour mission de définir et de conduire la lutte contre la fraude à l’assurance maladie obligatoire. A cet égard, il détermine les choix stratégiques ; valide le plan d’actions de prévention et de répression ; coordonne les activités de lutte contre la fraude ; évalue les résultats atteints ; propose les améliorations, a-t-elle expliqué.
S’agissant de la commission la commission médicale, elle a pour mission d’examiner tous les cas de suspicion de fraude, de faute, d’abus à l’assurance maladie dans les domaines médicaux, chirurgicaux et pharmaceutiques. Elle émet un avis motivé sur chaque cas de suspicion de fraude, de faute, d’abus avant transmission du dossier au comité technique.
A en croire l’oratrice, l’examen d’un dossier par la commission médicale peut aboutir à un classement sans suite ou à une suite en termes de prévention ou de répression. Elle détermine ainsi les niveaux et/ou seuils de déclenchement de la lutte contre la fraude à l’assurance maladie dans les domaines médicaux, chirurgicaux et pharmaceutiques.
Le comité technique, détaille Mme Traoré Fatoumata Zahara Haïdara, est la structure d’exécution des décisions de la lutte contre la fraude à l’assurance maladie en relation avec le conseil de la Caisse nationale d’assurance maladie (Canam). A ce titre, précise-t-elle, il élabore le plan d’actions de la lutte contre la fraude. Après validation par le comité de pilotage, il en assure la mise en œuvre.
Typologie de la fraude à l’AMO
Afin d’améliorer la lutte contre la fraude, les constats ont permis d’établir une typologie qui, sans être exhaustive, constitue un outil destiné à permettre aux acteurs de la lutte contre la fraude de mieux identifier les comportements délictuels.
Les fraudes constatées sont diverses, changeantes à la mesure de la capacité des fraudeurs de repérer les actions de contrôle et de s’efforcer de les déjouer.
Ainsi, énumérera-t-elle les types de fraude à l’AMO. Il s’agit de la fraude documentaire, la fraude aux cotisations et les actes fictifs facturés par les prestataires.
Pour la fraude documentaire, il s’agit de fournir une fausse pièce d’état civil (falsifiée usurpée ou échangée) pour prendre en charge d’autres personnes, autres que les ayants-droit.
En ce qui concerne les actes fictifs facturés par les prestataires, le professionnel de santé perçoit les sommes correspondantes à des actes qu’il n’a pas réalisés ou des produits qu’il n’a pas délivrés.
Parlant de la fraude aux cotisations, il s’agit pour certains employeurs de prélever les cotisations sur les salaires et non reversées à la Canam ou de minorer l’assiette de cotisation.
Cas de la fraude la plus fréquente
Parmi les cas de fraudes les plus fréquents, Mme Traoré mentionnera l’utilisation de la carte d’un assuré au profit d’un non-assuré (complicité entre prescripteur et patient) ; l’abus dans la prescription médicale : quantité et nature du produit (prescripteur et/patient) ; l’utilisation de tickets d’accréditation de la même série sur plusieurs ordonnances (complicité entre prescripteur et pharmacien). S’y ajoute l’utilisation d’anciens tickets d’accréditation sur des feuilles d’ordonnance récentes (complicité entre prescripteur et pharmacien) ; la surfacturation du prix de certains produits pharmaceutiques (pharmacien).
En clair, on note une collusion entre prescripteur et pharmacien: prescription médicale d’une structure sanitaire dont les ordonnances sont servies dans la même officine avec des montants qui varient entre 50 000 et 190 000 F CFA.
Dans son exposé, elle révèle que la majorité des ordonnances d’un prescripteur est servie par la même officine avec des montants qui varient entre 60 000 et 93 000 F CFA (Bamako).
-16 ordonnances d’un même prescripteur servies par la même officine dont le montant varie entre 50 000 et 90 000 FCFA (Tombouctou).
Aussi, note-t-elle la prescription non rationnelle : ordonnances servies par une officine avec une répétition neuroleptiques, l’abus de consommation où il y a prescription irrationnelle.
Ainsi que les fausses factures. Il s’agit essentiellement de la facturation d’actes médicaux non effectués ou de médicaments non délivrés.
« le contrôle médical a permis le remboursement des prestations frauduleuses dans certaines officines de pharmacie pour un montant de 7 300 000 F CFA; les cabinets privés ont remboursé un montant de 5 513 000 F CFA; des assurés ont remboursé un montant de 3 049 170 F CFA pour les prestations frauduleuses et trois cabinets de soins de Bamako ont eu à rembourser 14 462 170 F pour des cas avérés de fraude », argumentera Mme Traoré.
Sanctions
Dans sa communication, l’oratrice précisera : « La loi instituant le régime d’assurance prévoit des sanctions qui peuvent être civiles, pénales, conventionnelles ou ordinales pour la répression de la fraude. Ces sanctions sont mentionnées dans les articles ci-dessous cités: article 60 : « Est puni d’une amende de 65 000 à 325 000 F CFA et du remboursement des sommes indument perçues au titre de l’AMO quiconque se rend coupable de fraude ou de fausse déclaration pour obtenir des prestations qui ne sont pas dues, sans préjudice des poursuites judiciaires ». Article 61 : « Est passible d’une amende 130 000 à 650 000 F CFA le prestataire de soins qui se rend coupable de fraude ou de fausse déclaration sans préjudice des poursuites disciplinaires qui peuvent être prononcées à son encontre par l’ordre professionnel concerné ou de la mise hors convention et d’autres poursuites judiciaires. Les conséquences et sanctions encourues peuvent être: le remboursement des sommes indûment perçues ; un avertissement écrit ; une mise en surveillance pendant une période déterminée ; une suspension de la convention ; une dénonciation de la convention ».
Propositions de solutions
A la lumière des difficultés ci-dessus évoquées, indique la communicatrice, les solutions suivantes sont proposées: le contrôle physique des assurés; le renforcement du partenariat avec les prestataires de soins (pharmacien); le renforcement de la campagne de communication et de sensibilisation sur la fraude; la communication sur les cas de fraude ayant l’objet de poursuite judiciaire; l’envoi aux assurés l’état récapitulatif de leur consommation de prestation AMO.
Aussi, énonce-t-elle la révision du délai de paiement des feuilles de soins pour les officines de pharmacies, le délai de 15 n’étant pas tenable, quels que soient les efforts déployés. S’y ajoutent le renforcement du contrôle médical aussi bien au niveau des établissements de soins qu’au niveau du traitement des feuilles de soins ; les échanges de données avec des administrations telles que l’Inps, la Cmss, la Dnfpp, les impôts, la Direction nationale de l’état civil; le recrutement des enquêteurs externes et des médecins référents.
Assurer la pharmacovigilance
A ce niveau, elle préconise de mettre en place un mécanisme permettant aux pharmaciens de demander l’accord de la Canam pour les prescriptions douteuses; mettre les prestataires et la Canam en réseau et faire le plaidoyer auprès des grossistes pour revoir le délai d’approvisionnement des pharmacies.
« Compte tenu du rôle du régime de l’AMO dans le dispositif sanitaire du pays, il est nécessaire aujourd’hui que tous les acteurs (prescripteurs, pharmaciens, gestionnaires de l’AMO, bénéficiaires…) conjuguent leurs efforts pour circonscrire le risque de fraude à l’AMO qui menace sérieusement la survie du régime.
La lutte contre la fraude est l’affaire de tous», conclura-t-elle.