En effet, elle est minée par la corruption, qui se manifeste, entre autres formes, par la concussion et la prévarication, le trafic d’influence, l’affairisme et même la délinquance financière, avec son lot de surfacturation et fausses factures. La grande corruption, elle, se pratique via une collusion entre la haute administration et les milieux d’affaires et se matérialise sous la forme de dessous de table à l’occasion d’attribution de marchés. Des dessous de table qui s’évaluent souvent à des centaines de millions, voire en milliards, de FCFA.
En dehors de la corruption, l’administration malienne souffre de maux comme l’absentéisme, la lourdeur bureaucratique, la recherche frénétique et effrénée du gain facile par certains agents. Résultat, il n’est pas rare de voir des bureaux de l’administration générale ou les salles de consultation de certains hôpitaux de la place transformés en véritables bazars ou souks arabes: chemises griffées ou non, cravates, chaussures sont étalées.
Dans cette véritable caverne d’Ali Baba on trouve également du parfum, du lait en poudre, du bazin, de l’encens, du tissu brodé et même du miel en bouteille… Ce commerce surréaliste est, le plus souvent, le fait du personnel féminin de l’Etat, qui vend à crédit ces différentes marchandises à ses collègues. Le travail est mis entre parenthèses pendant de longues minutes de marchandage, ce qui influe négativement sur le rendement des agents. Souvent, l’usager lambda éprouve toutes les peines du monde à capter l’attention des secrétaires, plus préoccupé(e)s à raconter leurs histoires d’alcôve qu’à s’occuper des tâches pour lesquelles ils/elles sont payé(e)s à la fin du mois.
D’une manière générale, au risque de faire bon marché de la bonne foi de l’infime minorité constituant l’exception qui confirme la règle, la conscience professionnelle et le respect du bien public ne sont les valeurs les mieux partagées chez les fonctionnaires maliens. Car, dans l’inconscient collectif des Maliens, voler l’Etat n’est pas voler. Ce qui est très grave, car cela donne à penser que le vol est devenu culturel au Mali.
L’Etat n’est-il pas, d’ailleurs, perçu comme une vache laitière, qu’on trait à qui mieux mieux? Cet état d’esprit prévaut aussi bien chez les agents de l’administration que chez le personnel de commandement. Il urge de reconvertir les mentalités dans le sens d’un plus grand respect de la chose publique et d’un réarmement moral, faisant une grande place au renforcement de la conscience professionnelle et à l’amour du travail bien fait, bref à une culture de l’excellence. Le développement économique et social du Mali en dépend. Il y va tout simplement de notre salut.
Plus d’un Malien a eu le réveil brutal devant la crise que nous avons connue. Pourtant, au regard de notre comportement et des actes posés par les uns et les autres, cette crise était prévisible, voire inéluctable. Nous avons préféré jouer à l’autruche. La politique de l’homme qu’il faut à la place qu’il faut doit, enfin, cesser d’être un slogan creux pour devenir une réalité tangible. Tout comme la culture de la récompense du mérite et de la sanction de la faute, elle doit prendre corps dans notre administration.
IBK, à la faveur de son investiture, a annoncé la couleur, en déclarant, entre autres, «nul ne pourra s’enrichir de façon illicite sur le dos du peuple malien». Mais ce sera une œuvre de longue haleine. Dans le feu de l’action, le nouveau Président sera amené à user, à la fois, de pédagogie ou, plus exactement, d’andragogie et de coercition. Des mesures d’accompagnement, visant à améliorer les conditions de travail et de vie des fonctionnaires, notamment ceux du milieu et du bas de l’échelle, seront les bienvenues. Cela pourra également passer par une augmentation des salaires.