Le Mali a un nouveau Premier ministre. Il s’appelle Oumar Tatam Ly. Ce nom ne dit pratiquement pas grand-chose, en dehors des frontières maliennes. Au fait, celui à qui Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK) vient de confier la gestion du futur gouvernement malien, n’a pas la renommée de son père, Ibrahima Ly, célèbre écrivain et militant engagé dans les partis politiques de gauche de son pays.
Le nouveau Premier ministre malien est donc plus connu à travers son défunt père et il va lui falloir travailler à se construire sa propre renommée. Et, ce n’est pas l’occasion qui lui manque de montrer de quoi il est capable face à un Mali quasiment en ruines, du fait de la double guerre terroriste et sécessionniste qu’il a connue.
La technocratie est un art, la politique en est un autre
Cela dit, pour deux raisons au moins, le choix de IBK d’un homme nouveau, politiquement vierge, se comprend assez aisément. Premièrement, comme annoncé dans son discours d’investiture, le nouveau président malien entend rompre avec le passé. Il semble avoir entendu la voix de son peuple qui en avait marre de sa classe politique corrompue et sclérosée. Deuxièmement, en nommant un technocrate à la primature, IBK entend rassurer les Partenaires techniques et financiers (PTF) que les fonds qui seront injectés au Mali seront judicieusement utilisés.
C’est devenu une tradition que des chefs d’Etat africains fassent appel à des technocrates pour redresser leur pays en difficulté. Ce fut le cas de Houphouët-Boigny de la Côte d’Ivoire avec Alassane Dramane Ouattara, de Blaise Compaoré du Burkina avec Kadré Désiré Ouédraogo, d’Abdoulaye Wade avec Abdoul Karim Mbaye.
La grande question à présent est de savoir si Tatam saura battre le tam-tam du redressement. Les domaines où il a déjà fait ses preuves sont les sciences sociales et la banque. Sur ce plan, Tatam Ly a des diplômes qui impressionnent. Pour rappel, il est agrégé d’histoire et est banquier, issu des universités françaises. Ce qui a d’ailleurs valu à ce technocrate l’occupation de plusieurs postes dans des institutions économiques et financières comme la Banque mondiale et la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO).
Mais toutes ces qualités ne suffisent pas pour rassurer les Maliens. Il lui en faut davantage, surtout qu’il est cette fois-ci, sur le terrain de la politique, un terrain sur lequel il fait ses premiers pas. La technocratie est un art, la politique en est un autre. On attend donc de voir Tatam Ly à l’œuvre.
Ce n’est pas à un banquet que sont conviés les membres du gouvernement, mais à une véritable épopée collective
Et tout le mal qu’on lui souhaite, c’est qu’il réussisse ; qu’il ne fasse surtout pas comme d’autres technocrates africains qui ont fini par décevoir. C’est à Tatam Ly de mesurer l’ampleur de la tâche qui l’attend, de surtout faire comme le président Ouattara, qui a su éviter la banqueroute à la Côte d’Ivoire sous Houphouët-Boigny. Son échec ou son succès dépend fortement de la qualité des hommes dont il va s’entourer. En tout état de cause, les indicateurs sont bons. Il a à ses côtés un président élu avec plus de 70% des voix.
Il ne reste plus à Tatam Ly qu’à aller au charbon. Ce n’est pas le boulot qui manque. Et il faut espérer que le gouvernement qui vient d’être mis en place, composé de « has been » valeureux et de nouveaux visages triés sur le volet, saura relever avec brio les gigantesques et nombreux défis du redressement du Mali. Car, il faut le dire, ce n’est pas à un banquet que sont conviés les membres de ce gouvernement, mais à une véritable épopée collective contre tous les maux qui minent depuis ces dernières années le pays de Soundiata Kéïta.