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Crise au Sahel : « Ce que je pense », de Serge Daniel
Publié le samedi 3 juillet 2021  |  Mali Tribune
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On ne peut pas rester dans un camp militaire ou dans une brigade de gendarmerie bien barricadé de nos jours et espérer combattre le terrorisme. Il faut utiliser les mêmes méthodes que les terroristes, c’est à dire les attaquer en allant à l’offensive. C’est une guerre asymétrique. En 2010, j’ai suivi l’armée mauritanienne dans la forêt du Wagadou.
Nous avions mangé pendant deux jours de l’arachide. Il faut s’adapter au terrain c’est tout. La même année un colonel de l’armée malienne le colonel Gaston m’a permis de voir ses troupes en action contre les Jihadistes dans la forêt du Wagadou côté malien. Admirable. Hélas ça n’a pas continué.

Je ne comprends pas pourquoi une centaine d’individus (Jihadistes) arrivent à mettre en déroute des armées constituées de milliers et de milliers de militaires. Quant à l’initiative du Président Kaboré de recruter des jeunes, je pense que cela pourrait être un piège car on ne rentre pas dans l’armée par provocation mais par vocation. Il risque de créer sans le vouloir des supplétifs de l’armée burkinabé. L’ancien Premier ministre du Burkina Zida, lui avait parlé de « lever des troupes » constituées essentiellement de Burkinabe originaires des zones défavorisées. D’abord je trouve que son lexique s’est enrichi. Mais hélas ! On ne lève pas des troupes comme on lève des fonds. Ensuite c’est une erreur de mon point de vue. Le risque d’un tel recrutement est que beaucoup de jeunes le feront par fuite du chômage que par conviction, ce qui ne produira pas l’effet recherché.

Les Jihadistes ont récemment massacré plusieurs dizaines de civils burkinabé. C’est barbare ! Mais c’est un message aux civils volontaires qui vont combattre aux côtés de l’armée.

Si le Sahel veut s’en sortir, pour moi c’est simple. Il faut mutualiser les efforts. C’est aujourd’hui pour moi impensable que le Mali achète les mêmes helicos que le Burkina et vice versa pour la frontière commune aux deux pays. Les hélicos maliens doivent servir aux deux pays et le Burkina de son côté doit acheter autre chose pour les deux pays.

Au Burkina, au départ il y a eu de petits couacs dans la lutte. Je disais il y a quelques années que contrairement à la doxa de l’époque, l’ancien Président Blaise Compaoré n’était pas derrière les terroristes qui attaquaient le Burkina mais qu’il s’agit de l’Etat Islamique EI.



L’ennemi n’a pas été vite identifié.

Lorsqu’on accuse Blaise de négocier avec les terroristes, ça me fait sourire : tous les pays membres du G5 ont un moment négocié avec les terroristes. Qu’a fait le Niger pour libérer les otages français ? Négocier avec les terroristes. Le Burkina pour faire libérer les otages européens ? Négocier avec les terroristes. La Mauritanie ? Le Tchad ? Des négociations avec les terroristes ont eu lieu.

Je vais vous raconter : un jour en 2010, en reportage dans la région de Tombouctou, je suis arrivé dans une zone où Nabil Makloufi, représentant à l’époque d’Aqmi dans le nord du Mali séjournait. Je ne l’ai pas vu, mais j’ai appris de source sûre qu’il était là pour négocier avec des officiels maliens mandatés par le gouvernement. C’est une hypocrisie collective. Tout le monde négocie avec les terroristes. Maintenant la question est « qu’est-ce qu’il faut négocier ? ».

Et à côté des négos, il faut que des pays comme le Burkina aient une armée plus solide. Il faut revoir son mode de fonctionnement. Je ne comprends pas pourquoi le contingent Burkinabé est très apprécié dans les rangs de la Minusma au Mali et que sur le plan national on n’a pas les mêmes résultats.

L’autre piste de réflexion pour lutter efficacement contre le terrorisme est le développement. Combien de radios privées au Burkina ? Au Mali ? Des centaines. Il est temps d’avoir des medias qui abordent des thèmes de manière transversale. Je vois bien la radio du G5 écoutée dans les cinq pays dans toutes les langues parlées.

Il faut enfin le développement de nos zones sahéliennes déshéritées. La pauvreté fait le lit du terrorisme. Et pour y parvenir, il faut commencer dans nos pays par la bonne gouvernance.

J’ai la chance de pouvoir échanger avec des chefs d’Etat de pays du Sahel qui aiment bien qu’on leur parle franchement.

Un jour à l’un j’ai rapporté un fait patent de mauvaise gouvernance dans une région de son pays. Il a mené l’enquête et 10 jours après notre entretien, il a relevé une autorité locale. Auprès d’un autre chef d’Etat, j’ai effectué la même démarche. Sa réaction ? Il ne m’a plus reçu jusqu’à son départ du pouvoir. Remarquez, je n’étais pas demandeur.

Dans nos pays, il faut par ailleurs que nos populations puissent avoir le sentiment que l’Etat est présent et non résigné. Lorsqu’il y a des attaques meurtrières, il faut des sanctions dans la hiérarchie même en appliquant le principe de « responsable mais pas coupable » des ministres. De hauts responsables doivent présenter leurs démissions quitte au Président de les refuser et il faut le faire savoir.

J’aime bien le système parlementaire allemand. Là-bas le parti qui a le perchoir n’a pas certains postes qui sont systématiquement réservés à l’opposition. C’est une bonne chose pour la démocratie.

Je veux terminer. Nos pays doivent faire sauter les digues politiques en formant de véritables gouvernements d’union nationale avec une règle : aucun ministre ne doit rester plus de 5 ans au même poste.



Serge Daniel

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