Antoine Glaser, spécialiste de l'Afrique sub-saharienne, a réagi à la décision française de reprendre ses opérations conjointes avec les forces armées maliennes.
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Le ministère des Armées a annoncé vendredi 2 juillet que la France allait reprendre ses opérations conjointes au Sahel avec les forces armées maliennes. "La France est piégée en quelque sorte au Mali", analyse le journaliste et écrivain Antoine Glaser, spécialiste de l'Afrique sub-saharienne, samedi 3 juillet sur franceinfo.
franceinfo : Que signifie cette reprise des opérations de l'armée française au Sahel ?
Antoine Glaser : Ça veut dire que la France est piégée en quelque sorte au Mali. C'était très difficile pour Emmanuel Macron et la France de dire qu'elle n'avait plus de relation avec les forces armées maliennes alors que finalement la France est présente au Mali à la demande du Mali. C'est une espèce de contradiction. Surtout, les pays voisins du Mali, la Communauté économiques des Etats d'Afrique de l'Ouest, avaient finalement avalisé la sorte de prise de pouvoir du président Assimi Goïta. Vous avez un chef putschiste qui a le pouvoir, vous avez la France qui a des troupes dans toute la région, donc c'était extrêmement difficile de tourner le dos au Mali. En plus, la nature a horreur du vide, donc dans la région il y a aussi un certain nombre de pays, comme la Russie, qui sont en embuscade. Vous avez aussi l'Algérie qui a son propre enjeu dans la région, et on voit bien que la diplomatie d'influence française se trouvait totalement en porte-à-faux par rapport aux réalités du terrain.
ette décision a-t-elle été prise pour empêcher l'extension des groupes jihadistes en Afrique ?
Oui, mais en même temps quand la ministre des Armées Florence Parly annonce la mort de chefs jihadistes de l'Etat islamique, en fait c'est beaucoup plus dans une perspective franco-française. C'est un peu pour venger la mort de 50 soldats français. Malheureusement ça ne change pas les réalités du terrain, qui sont des réalités sociales, économiques, de gestion. Un pays comme le Mali ne maîtrise plus qu'un tiers de son territoire. L'armée française est de plus en plus hors sol par rapport aux réalités du terrain. C'est pour ça qu'Emmanuel Macron a vite estimé qu'il valait mieux rembrayer avec les forces armées maliennes pour ne pas se retrouver en porte-à-faux avec les puissances régionales, les puissances étrangères en embuscade.
Quelles sont les conséquences de la poursuite pour les 5 000 militaires sur place ?
Le dispositif va être allégé. Ils vont passer sans doute, d'ici l'année prochaine, de 5 100 à 2 300 ou 2 400. Emmanuel Macron n'a jusqu'à présent pas réussi sa stratégie qui est d'européaniser cette présence militaire à travers des forces spéciales Takuba, pour que la France ne soit plus présente à l'ancienne, de façon anachronique, sur le mode de la françafrique avec uniquement l'armée française sur la première ligne. La deuxième chose, c'est une question de financement. La France essaie de persuader le président américain Joe Biden que cette présence militaire française et surtout étrangère passe dans le financement des Nations unies pour arrêter de tout faire payer par le contribuable français.