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Mali : Le défi de la rupture
Publié le mardi 6 juillet 2021  |  L'Alerte
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© Présidence par DR
Premier Conseil des Ministres du gouvernement Choguel K Maiga
Bamako le 16 juin 2021. Le président de la Transition, Assimi Goïta, a présidé son premier Conseil des ministres au palais de Koulouba, ce mercredi.
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Le tandem Assimi Goïta-Choguel Maïga est certainement le ticket le plus improbable qu’on aurait pu prévoir pour diriger le Mali car le premier est totalement étranger à l’univers politique alors que le second est un homme du sérail courageux et tenace qui a osé revendiquer dès 1993 l’héritage politique du Général Moussa Traoré.
Et pourtant, cet attelage de fortune pourrait bien sonner le glas du système politique pervers savamment entretenu depuis 1992 et annoncer une gouvernance de rupture.

Le parapluie russe est-il une solution ?

L’incurie de la classe politique a une fois de plus propulsé les militaires au-devant de la scène en 2020. Cette fois-ci, vu leur calme et leur sérénité, ils semblent avoir tiré les leçons de l’échec du Capitaine Amadou Haya Sanogo. De son côté, le peuple fonde beaucoup d’espoir sur Assimi Goïta qui incarne à ses yeux l’homme providentiel pour libérer le pays et lui donner un président bien élu, digne de foi. C’est pourquoi, il devra définir clairement le cadre de sa collaboration d’abord avec les acteurs sociaux et politiques, ensuite avec la communauté internationale et notamment la France dans leur présence et leur rôle au Mali. Ce qui est constant, c’est que le jeu politique ne sera jamais suffisamment inclusif pour intégrer tout le monde parce que ceux qui l’ont conçu et l’animent depuis trente ans l’ont voulu exclusif, à leur seul profit. A présent, ils ont de bonnes raisons de redouter le retour du bâton qui peut être destructeur pour leurs intérêts. En outre, des appels persistants sont adressés à la Russie avec le secret espoir de redonner à l’Armée Nationale son lustre d’antan. En 2013, la force SERVAL est venue au secours du Mali mal en point. Puis, SERVAL a disparu au profit de BARKHANE, ce qui a contribué à diluer le problème malien dans celui du grand Sahel. A quelle fin ? Le résultat est qu’en plus de l’enclave de Kidal érigée en sanctuaire par la France, l’insécurité s’est généralisée et le Mali se trouve englué dans des enjeux géostratégiques aux contours difficiles à tracer. Tous les pays du Sahel sont censés avoir leur propre stratégie de défense mais les cartes ont été brouillées à tel point qu’on n’y comprend plus rien. C’est pourquoi la Russie est perçue à tort ou à raison comme la seule puissance mondiale capable de remettre l’armée nationale en selle sur le théâtre des opérations. La vaillante armée malienne des trente premières années de l’Indépendance n’avait-elle pas été formée et équipée par l’Union Soviétique dont le cœur battait en Russie ? Malheureusement, cette armée a été cassée à souhait à partir de 1992 et il s’agit à présente de la réhabiliter pour qu’elle assure sa mission régalienne de protection du territoire et de l’économie. Malgré la présence de la force BARKHANE à laquelle on semble avoir beaucoup prêté, le problème sécuritaire reste préoccupant et toutes les autres solutions sont à explorer. Et pourquoi pas le parapluie russe ? Chacun s’abrite comme il peut contre les intempéries.

Il faut se débarrasser sans état d’âme des scories

La déception est telle aujourd’hui qu’on n’attend plus rien des hommes politiques dont les frasques ont plutôt créé une pollution sociale de grande envergure ayant entraîné l’incivisme et la confusion des rôles. En effet, quel est l’héritage politique laissé par les trois présidents élus de l’ère démocratique ? Pour le comprendre, interrogeons la fin de leur mandat. Avec l’ADEMA, Alpha Oumar Konaré a mis ensemble de nombreuses forces hétéroclites pour soutenir son action politique. Cependant, comme pris d’une furia destructive, il s’est évertué à faire imploser le parti de l’intérieur pour ouvrir la voie à un militaire en 2002. Quand Amadou Toumani Touré arrive au pouvoir dans ces conditions, il sait que la manipulation des forces politiques est aisée. Une nébuleuse appelée Mouvement Citoyen est chargée de ratisser les cadres dont il a besoin. A la fin de son mandat, la déception est grande dans son entourage lorsqu’il déclare qu’il ne soutient aucun candidat à sa succession. Tout le monde se sent trahi et il finit seul et abandonné après la parenthèse mouvementée de mars 2012. Quand Ibrahim Boubacar Kéita prend le pouvoir en 2013, on pense à un changement de cap mais la première douche sera froide pour ses propres partisans. IBK choisit d’ignorer le RPM pour aller purement et simplement à la pêche aux cadres vers d’autres horizons, ouvrant la voie à un gros trafic d’influence de ses proches. Aucune échéance électorale n’est respectée et les Maliens exaspérés y mettront un terme sous l’égide du M5-RFP le 18 Août 2020. C’est de ce sable mouvant que la Transition dirigée par Assimi Goïta doit sortir le pays pour faire place à une gouvernance vertueuse, afin que désormais liberté rime avec responsabilité. Et tant pis pour ceux qui parleront de chasse aux sorcières car, les sorciers tueurs de l’économie nationale et des valeurs sociétales ne doivent pas avoir une place et un avenir dans la gestion de ce pays. Donc, pour des raisons de salubrité publique, il faut réactiver les dossiers judiciaires longtemps bloqués. Les coups d’état militaires ne sont pas les seuls crimes imprescriptibles contre le peuple malien. Les crimes économiques et la perversion des mœurs aussi en font partie. La Justice doit pouvoir faire son travail pour permettre au peuple d’accomplir le sien le moment venu, en débarrassant la scène de cette valse trentenaire avilissante des prédateurs.

Toutes les conditions sont réunies pour entamer les grands chantiers de la Refondation. Le Président et le Premier Ministre sont face à leur destin et à l’histoire qui leur tend les bras. Dans l’épreuve, il leur faut éviter de faire comme le prodigue qui voit le commencement et pas la fin ou comme l’avare qui voit l’or et non la richesse. Les cris et les larmes des bourreaux d’hier ne doivent pas les attendrir parce qu’il ne leur appartient pas de les absoudre. C’est tout le sens du « devoir d’ingratitude » qui sied si bien aux grands hommes d’Etat !

Mahamadou Camara
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