C’est un article fort intéressant qui mérite de notre part plus que des exégètes. Publié par la journaliste Sabine Cessou sur Rue89, il fait le tour, avec à l’appui des témoignages obtenus sûrement en faisant des pieds et des mains, des maux qui ont mis le système éducatif malien dans l’entonnoir d’une dégradation graduelle : corruption, piston, étudiants fictifs, salaires bas (pour les enseignants) et, pour clouer le bec à quiconque, les « Notes Sexuellement Transmissibles (N.S.T) ». Que conclue la journaliste ? Elle estime que la corruption à l’université n’est que la partie visible de l’iceberg quant à « ce mal généralisé qui a en partie conduit à la dislocation de l’armée et place le Mali à la sixième, en partant du bas, dans l’index des Nations Unies sur le développement humain.»
Disons tout de suite que Sabine Cessou n’a pas du tout fait d’une mouche un éléphant.
Les faits dénoncés sont là, bien connus de tous, même si on peut regretter que les solutions manquent toujours à l’appel. Et le jeunemalien et journaliste que je suis, ayant consacré beaucoup de chroniques à ce sujet qui n’intéresse que fort peu l’opinion publique nationale, est en droit de rire comme un bossu tant il est évident que ces phénomènes seront difficilement exclus de notre société. C’est indéniable, l’éducation est l’un des dossiers béton que le nouveau président, Ibrahim Boubacar Keïta, aura à affronter. Mais il ne faut pas se le cacher : I.B.K va passer tout son mandat à redresser les torts provoqués par plus de 20 ans de mal gouvernance et de mauvaise pratique de la démocratie.« L’école est le reflet de la société. L’argent est devenu roi et un système de corruption permet aux fils à papa d’acheter les notes ».
Ce seul constat de Tiebilé Dramé, président du Parti pour la Renaissance Nationale (Parena), permet de saisir la profondeur du puits de la défaillance dans lequel a plongé l’école malienne. Mais pourquoi un professeur (pas n’importe qui hein !) accepte de monnayer la note ? Réponse toute simple : au nom du souci d’arrondir la fin de mois (370 euros contre 1300 euros au Sénégal voisin). Leurs grèves récurrentes n’y a rien changé.Il y aussi un autre témoignage d’importance grande. C’est celui de Bandioukou Gakouet ex-administrateur de la faculté de droit. « Après les examens, il y a les réclamations. Là, c’est la foire aux diplômes. Une maîtrise en droit s’achète pour 400.000 francs CFA. Les enseignants reçoivent les étudiants un par un et c’est l’occasion d’améliorer les notes par tous les moyens », y compris par des « parties de jambes en l’air », autrement dit les « Notes Sexuellement Transmissibles (NST). » Voilà, c’est vraiment le point qui rend muet, incapable de piper mot.Tout de même, on peut aussi poser une autre question : pourquoi ces sales pratiques ne gênent plus dans ce pays ? L’explication est simple. On est dans un État faible, où les valeurs morales et sociétales les plus fondamentales ne sont pas observées, et qui connait une démission à tous les niveaux : politique, culturel, social… A dire vrai, quand la corruption, le piston, le favoritisme deviennent la norme et que personne ne s’en détourne, c’est que la société est irrémédiablement gangrenée, et alors, le passé noble et les valeurs traditionnelles ne représentent que des repères auxquels on fait allusion hypocritement dans les conversations quotidiennes. Pour faire court, nous sommes tous responsables de ces comportements amoraux. Car, par exemple à propos des « Notes Sexuellement Transmissibles », il y a bien sûr celle qui accepte d’écarter les jambes et celui qui assouvit son désir. Mais il y a aussi ceux et celles qui regardent faire, or il est clair que « le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les laissent faire ». Si « l’école est le reflet de la société », la planète de l’enseignement supérieur malien n’est rien de moins que le symbole marquant d’une inconscience nationale !