Prêter votre téléphone ? un geste naturel pour certains, sauf que …
On pourrait discuter à l’infini sur les problèmes amenés par les progrès de la science et des techniques. Nos aînés sont intarissables sur le sujet et ils nous expliquent volontiers qu’en leur temps l’existence était beaucoup plus simple, sans tous les gadgets qui encombrent aujourd’hui notre quotidien et que l’on acquiert même lorsque le besoin ne s’en fait pas ressentir. « Autrefois, nous ne nous soucions pas de créer de nouveaux besoins et nous vivions plus heureux ainsi », assurent les personnes âgées. Peut-être n’ont-elles pas tort. Mais comment se priver de tous ces objets qui sont entrés dans notre usage courant et dont nous ne songeons même pas à nous passer ?
Le premier de ces objet est certainement le téléphone qui en moins d’une demie décennie est devenu incontournable dans notre quotidien. Il est bien loin le temps où le portable était un objet de luxe et ne pouvait être utilisé que par une minorité de privilégiés. Il était tellement hors de prix à cette époque que dans un pays voisin des jeunes gens qui ne pouvaient se l’offrir, mais qui tenaient à sauver la face n’hésitaient pas à acheter des copies en matière plastique qu’ils exposaient ostensiblement, mais qu’ils ne laissaient personne toucher.
Aujourd’hui inutile de recourir à ce genre de subterfuge. Il existe un modèle de téléphone pour chaque bourse depuis les versions basiques jusqu’aux smartphones les plus sophistiqués. Communiquer n’est donc plus un problème, surtout lorsque les opérateurs multiplient les campagnes de promotion pour vous donner l’illusion que vous ne payez pratiquement rien. Alors qu’en réalité …
La force d’un téléphone est qu’il est devenu un instrument multi-usage au point que son utilité première a presque disparu derrière les autres fonctions dont il est doté. Il sert à prendre des photos, à tourner des petites vidéos, à écouter la musique … et de temps en temps à appeler un correspondant. Un ami nous racontait que l’autre jour à Torokorobougou en Commune V, il avait assisté à un épisode qui aurait pu très mal se conclure. C’était aux environs de 15 heures. Un camion benne rempli de sable revenait vraisemblablement de Kalabancoro d’où il a avait fait le plein et roulait à une vitesse relativement élevée. Arrivé à une intersection, le chauffeur se mit à ralentir progressivement. Au même moment, une jeune femme sortait d’une maison située au bord de la route. Elle avait les deux écouteurs d’un téléphone enfoncés dans ses oreilles et n’entendait que la musique diffusée par son téléphone. Elle se dirigeait droit vers la route qu’elle se préparait à traverser. Le chauffeur se mit à klaxonner désespérément pour la prévenir, car tel qu’il était lancé le camion ne pouvait pas s’arrêter avant d’arriver à elle.
TROP SERVIABLE - Mais la jeune dame n’entendait rien et continuait d’avancer en claquant des doigts et en se balançant au rythme de « sa » musique. Tous les passants la regardaient, pétrifiés par l’horreur. Ils avaient tous la conviction qu’ils allaient assister à une mort en direct. Heureusement un jeune homme garda ses esprits. Il se rua de l’avant et réussit à attraper la dame par le bras pour la tirer en arrière. Le mastodonte les dépassa en les frôlant au son assourdissant du klaxon que le chauffeur avait bloqué. L’imprudente s’est littéralement laissée tomber à terre lorsqu’elle a réalisé à quoi elle avait échappé.
Mais ce n’est pas pour autant qu’elle cessera d’écouter de la musique sur son téléphone. Pourtant il est difficile de trouver des usagers entièrement heureux. Les uns vous parleront des articles qu’ils ont lus sur les méfaits que l’usage abusif du téléphone peut causer sur les organismes. Les autres se plaindront des mésaventures subies du fait d’un conjoint trop jaloux ou d’une amie trop possessive. Il est vrai que le téléphone qui est supposé rapprocher est parfois un diviseur.
.Djbo, cadre d’une société de place, pourrait en témoigner après la très déplaisante aventure qui lui est arrivée. Son tort a seulement été trop serviable. Les faits. Ce jour là, Djibo était tranquillement assis à son grin où les discussions étaient particulièrement passionnées. Nous étions dans l’entre deux tours des élections présidentielles et tout le monde se passionnait pour l’issue finale. Une connaissance de Djibo, surnommé André, vint interrompt ces débats pour demander à son ami de lui passer son téléphone portable. Il avait, disait-il, un appel à effectuer en toute urgence. En réalité, André voulait dépanner sa petite amie qui avait effectivement besoin de toucher d’urgence son père resté au village. Djibo qui ne se doutait de rien tendit son appareil et André s’empressa de rejoindre sa petite amie qui l’attendait juste à côté. La fille communiqua avec la famille au village, mais sans trop s’attarder. Au bout d’une poignée de minutes, elle en avait terminée et rendit l’appareil à André qui alla le restituer à son propriétaire sans perdre de temps. Après avoir remercié chaleureusement son « bienfaiteur », il prit le large en compagnie de sa dulcinée.
FRANCHEMENT INJURIEUX - André ne se doutait pas du désagrément que son manque de franchise allait causer à son ami. Comme nous le disions, la jeune fille avait contacté son père au village. Le vieux s’était aperçu que sa fille l’avait appelé avec un numéro qui n’était pas le sien. Il avait très mal digéré ce fait et après avoir réfléchi, il se décida à appeler le propriétaire de ce numéro qui n’était connu de personne de la famille. Djibo quand il décrocha eut la surprise s’entendre interpeller par quelqu’un qui ne prit même pas la peine de le saluer. « C’est avec votre numéro, lui lança son interlocuteur, que quelqu’un vient d’appeler tout de suite. Qui êtes-vous pour cette personne ? Dites-le moi, sinon je peux vous créer des problèmes. Moi je suis au village, c’est ma fille qui est à Bamako et je veux savoir qui vous êtes pour elle ». Djibo conserva son calme et s’abstint tout d’abord de réagir. Lorsque son interlocuteur eut terminé sa diatribe, il essaiera de lui expliquer la façon dont les choses se sont passées. Mais ses explications ne furent même pas écoutées par le vieux qui perdait de plus en plus son sang-froid au point de devenir franchement injurieux.
Heureusement pour Djibo, André arriva au même moment où le vieux venait de couper brutalement la communication. Djibo, qui s’était jusque là retenu, entra dans une violente colère et exigea du jeune homme que ce dernier lui donner des explications sur ce qu’il avait fait avec son téléphone. Sans détour, André reconnut son tort et avoua qu’il avait pris le téléphone non pas pour lui-même, mais pour sa petite amie. Celle-ci devait appeler effectivement son père au village comme elle le faisait régulièrement depuis qu’elle était arrivée dans la capitale il y a environ cinq mois. André, qui était du même village que la fille et qui connaissait fort bien la famille, reprit l’appareil de Djibo et rappela le père de son amie pour lui expliquer ce qui s’était passé. Le dernier, confus de son manque de courtoisie, tint à parler à Djibo. Il se confondit littéralement en excuses. Mais le mal était déjà fait. Djibo jura que ce serait la dernière fois qu’il se montrait aussi disponible avec son téléphone. Comme dirait l’autre, chat échaudé craint l’eau froide.