A la faveur d’une conférence de presse à Paris, le président de la République du Niger a ouvertement critiqué les nombreux coups d’État militaires au Mali. Ces critiques bien que fondées et véridiques pour certains, ont été suscité la réaction de Bamako très mécontent.
« Il ne faut pas permettre que les militaires prennent le pouvoir parce qu’ils ont des déboires sur le front où ils devraient être et que les colonels deviennent des ministres ou des chefs d’État. Qui va faire la guerre à leur place ? Ce serait facile qu’à chaque fois qu’une armée, dans nos pays, a des échecs sur le terrain, elle vient prendre le pouvoir ! C’est ce qui s’est passé par deux fois au Mali. En 2O12, les militaires avaient échoué, ils sont venus faire un coup d’État. Cette année encore, en 2020, ils ont fait la même chose. Ce ne sont pas des choses acceptables », a déclaré le président nigérien face à la presse à Paris. Ces propos ont été tenus devant le président français, Emmanuel Macron qui s’est farouchement opposé au coup de force contre le président de la transition sortant, Bah Ndaou et son premier ministre Moctar Ouane.
Les propos du président nigérien ont été condamné par bon nombre de Maliens qui ont réclamé une réponse de la part du gouvernement malien. Effectivement, ils ont été écoutés car la réponse du gouvernement malien, à travers le ministre des Étrangères et de la coopération internationale, n’a pas tardé. Selon le communiqué du ministère malien des Affaires étrangères publié ce samedi, le chef de la diplomatie malienne a convoqué l’ambassadeur du Niger au Mali pour lui faire part des vives protestations des autorités maliennes. « Suite aux propos du président nigérien, le ministre malien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale Abdoulaye Diop a reçu ce vendredi 9 juillet l’ambassadeur de la République du Niger au Mali Mamoudou Moumouni, indique le communiqué du ministère malien qui ajoute « l’histoire et la géographie, ont toujours développé de solides relations d’amitié et de fraternité qui n’appellent qu’à être renforcées. Une telle déclaration va malheureusement à l’encontre de cet esprit ». Pour le gouvernement malien, le Niger et le Mali « devraient plutôt unir leurs efforts » pour lutter contre « l’extrémisme violent, le terrorisme et le Covid-19 ».
Des Maliens réagissent
Ces propos de Bazoum ont suscité la réaction de plusieurs Maliens. L’avocat Abdourahamane Touré, il deux choses intéressantes dans les propos de Bazoum. Le premier, selon lui, « Un opportunisme politique et diplomatique afin de positionner le Niger après le décès de DEBY comme interlocuteur principal sur les questions de sécurité dans le sahel. C’est de bonne guerre dans un contexte de compétition entre États aux souveraineté étriquées. Chaque État cherche à dominer les autres, faisons autant ! »
En second point, Me Touré trouve qu’il y a une part de vérité dans les propos du président nigérien. A en croire l’avocat inscrit au barreau du Mali, le coup d’État de 2012 est intervenu à la suite de la débâcle de notre armée. Mais il ne partage pas les propos de Bazoum concernant le coup d’État de 2020. « S’agissant du coup d’état de 2020, sa cause ne réside pas dans une débâcle militaire mais des errements politiques et surtout du dysfonctionnement de la Cour constitutionnelle conduite par la présidente de cette institution dont le comportement a fini par cristalliser les contestations qui ont conduit au décrochage brutal du pouvoir », a laissé entendre Me Touré.
Dans son analyse, Me Touré va plus loin et attaque la Cour constitutionnelle du Mali sous Mme Manassa Danioko. «Si les membres de la Cour constitutionnelle avaient tiré les conséquences de droit de la violation de la loi organique par sa présidente lors des présidentielle de 2018, le Mali aurait certainement fait l’économie de cette crise », a-t-il écrit sur sa page Facebook avant d’ajouter : « Malheureusement, L’escalade a continué jusqu’aux législatives qui ont aggravé la crise. La Cour constitutionnelle a procédé à une réformation incompréhensible des résultats ».
Selon Me Touré, sur ce point, les propos de Bazoum portent plus sur le dysfonctionnement des animateurs de nos institutions que les manquements de l’armée. L’avocat estime que nos institutions sont encore incomprises.
Pour ce dernier, le problème des Maliens, ce sont les Maliens, eux-mêmes, et non Bazoum.
Le président d’honneur du PACP, Yeah Samaké a protesté les propos du président nigérien. « Nous avons condamné fermement les propos irritants du président du Niger, son excellence M. Mohamed Bazoum, qui est à la tête d’un pays ami du Mali », a-t-il laissé entendre. Pour Yeah Samaké, ces propos ne devraient pas venir de Bazoum. « A lui, nous attendions et nous avons toujours attendus des propos fraternels allant dans le sens de l’apaisement », a déclaré le président d’honneur du PACP. Il a proposé à ce que le problème du sahel soit géré au sahel. « Pour nous, ce n’était ni le moment ni le lieu de s’attaquer aussi violemment à la souveraineté du peuple malien », a affirmé l’ancien ambassadeur du Mali en Inde.