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Entretien avec un béret rouge : » On ne peut pas combattre l’ennemi pendant que des frustrations, des exclusions sont couramment exercées sur d’autres militaires censés libérer le pays «
Publié le lundi 25 juin 2012   |  L'Indépendant




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Dans un entretien exclusif qu’il nous a accordé, un béret rouge de l’ex-Régiment des commandos parachutistes (RCP) ayant requis l’anonymat et qui se trouve aujourd’hui dans la nature, nous donne les raisons du contre-coup d’Etat raté du 30 avril. Il évoque aussi les relations des bérets rouges avec l’ancien président ATT et leur probable retour dans les rangs qui passent, selon lui, par la fin des intimidations et des arrestations. Pour notre interlocuteur de l’ombre, il est primordial que les autorités actuelles et l’ensemble des forces vives de la nation s’emploient à trouver rapidement un terrain d’entente entre les frères d’arme de l’armée malienne.

Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Pour des raisons de sécurité, je ne pourrais pas vous décliner mon identité. Mais sachez seulement que je suis un béret rouge du 33ème régiment de la compagnie Para de Djicoroni. Les propos que je tiens dans cet entretien n’engagent que ma propre personne.

Donc, pour vous dire que je n’ai pas été mandaté par qui que ce soit pour parler en son nom.

Pourquoi ne voulez vous pas décliner votre identité?

Par peur de représailles des membres du CNRDRE qui ont, depuis les événements malheureux du 30 avril, lancé une chasse aux sorcières contre les bérets rouges. Juste après ces événements, les autorités militaires avaient demandé aux hommes de notre compagnie de se faire enregistrer auprès de la gendarmerie. Cependant, nous avons fait le constat que certains d’entre nous, partis pour cet enregistrement, ont été gardés par la gendarmerie et d’autres ont été libérés. Nous ne savons pas sur quel critère ils ont fait ce tri. Au delà de ça, les nouvelles qui nous parviennent concernant ces détenus sont alarmantes et les défenseurs des droits humains ont même tiré la sonnette d’alarme. C’est pour toutes ces raisons que j’ai refusé de me faire enregistrer. Je ne sais pas ce qui m’attend là-bas. Donc, je continuerai toujours de vivre en cachette jusqu’à ce que les choses reviennent à la normale. Quand on sentira réellement qu’il n’y a plus de chasse aux sorcières contre nous.

Les gens se posent toujours la question de savoir ce qui vous a poussé à tenter un contre coup le 30 avril ?

Le contre putsch raté du 30 avril 2012 est, f selon moi, l’accumulation de plusieurs frustrations, injustices et calomnies dont notre régiment a fait l’objet de la part des responsables du CNRDRE. A titre illustratif, notre régiment a pris part à la guerre au nord contre les bandits armés. Moi-même je me suis engagé comme volontaire, j’étais à Kidal.

Avec prise des trois régions du nord, la plupart des unités ont regagné leurs bases. Mais nous, à notre grande surprise, au retour du front et à l’entrée de la ville de Bamako, on nous a cantonnés à Nyamana, avant de nous désarmer. Nous étions vraiment choqués de cette situation parce que nous nous sommes dit que ce n’était pas la manière d’accueillir quelqu’un qui revient d’une guerre. Surtout que le chef de notre mission à Kidal, un certain Traoré, a été tué par le fils d’Iyad Ag Ghali. Aussi, sur le chemin de retour, nous avons fait un accident et nous avons perdu plusieurs hommes. Au départ, on ne voulait pas rendre ces armes, c’est le Commandant de la compagnie para, Abdine Guindo, qui nous a ramenés à la raison en disant que ces armes ne sont pas pour nous mais pour l’armée.

Une fois dans la ville, nous avons aussi constaté que nos frères d’armes des autres unités nous ont complètement mis à l’écart. Ils nous insultaient et nous accablaient de tous les péchés d’Israël. Certains mêmes nous appelaient «les complices d’ATT». Mais ce que la majorité de nos compatriotes ignore, c’est ce que l’ancien président ATT a accordé comme faveurs en terme de matériels et de formation aux forces de sécurité durant ses dix ans de règne. Il n’a pas accordé tous ces avantages à la compagnie para, bien qu’il soit un ancien de ce corps. A titre d’exemple, la garde nationale, la gendarmerie, la police ont été dotées de véhicules neufs, tandis que notre parc automobile est vétuste. Et c »est grâce à la coopération militaire avec un pays occidental que nous avons reçu, tout récemment, une quinzaine de véhicules. Aussi, durant ces dix ans de règne, l’ancien président n’a mis pied à la compagnie para qu’une seule fois et c’était lors des festivités du cinquantenaire du bataillon para. Il était aussi connu de tout le monde, qu’ATT craignait notre corps bien plus que les autres. Pour lui, s’il y a coup d’Etat, cela viendrait de notre camp. Même si le coup d’Etat n’est pas venu de notre unité, beaucoup d’entre nous ont applaudi ce putsch.

Donc il faut que les gens sachent que ce contre coup d’Etat, n’avait pas pour objet de faire revenir qui que ce soit au pouvoir, mais faire en sorte que les institutions jouent pleinement leur rôle et permettre aussi à l’armée malienne de libérer le nord du pays qui est la priorité des priorités. Aussi, à notre niveau, nous avons eu le sentiment que le CNRDRE s’éloignait de plus en plus de la question de la récupération des trois régions du nord Mali qui est pour tous les Maliens, je le redis, la priorité des priorités.


Avec moins d’armement et d’effectif, est ce que vos chefs ne vous ont pas envoyé à l’abattoir en s’attaquant à Kati, l’ORTM et l’aéroport ?

Ce que je vais vous dire, c’est que le contre coup raté du 30 avril n’était pas uniquement une opération des bérets rouges mais de toute l’armée malienne et l’ensemble des forces de sécurité, à savoir la garde nationale, la police, la gendarmerie pour ne citer que celles-ci. Elles ont toutes pris part aux préparatifs, mais au cours de l’opération nous nous sommes retrouvés seuls sur le terrain. C’est pour vous dire que nous avons été trahis par les autres.

Le Capitaine Sanogo, le président du CNRDRE, a déclaré qu’il n y aura plus de bérets rouges dans l’armée malienne. Est ce que vous êtes prêt personnellement à retourner dans l’armée malienne et à porter un autre béret ?

Oui, je suis prêt à retourner et je désire même y retourner pour apporter ma pierre à la reconquête du nord, car je suis conscient que j’ai ma place et au-delà, notre régiment peut jouer un rôle majeur pour cette bataille. Mais je ne sais pas comment y retourner. Car il faut que j’ai d’abord la certitude que rien ne m’arrivera. Ce qui est loin d’être garanti.

S’agissant de la question de béret, je pense qu’il n’ya pas de problème à ce niveau. Car la formation que j’ai reçue est toujours là. Sinon, il n’y avait même pas de béret rouge dans l’armée malienne, c’est l’ancien président Moussa Traoré qui a introduit cela. Pour moi, la priorité fondamentale de l’armée malienne, avant d’engager cette bataille pour la reconquête du nord, doit être la réconciliation de l’armée malienne avec elle-même. Parce que nous pensons qu’on ne peut pas combattre l’ennemi pendant que des frustrations, des exclusions, des arrestations et détentions dans les pires conditions sont couramment exercées sur d’autres militaires censés être en première ligne pour la libération du pays. Et que la grosse partie d’un régiment se trouve dans la nature. Le contre coup du 30 avril est vraiment déplorable. Il nous revient de faire table rase sur ça et de nous projeter dans l’avenir sans tomber dans les règlements de compte. C’est pourquoi, j’invite les plus hautes autorités du pays, l’ensemble des forces vives de la nation à trouver une solution à ces rancœurs, et faire en sorte que nos frères d’armes qui sont dans la nature puissent retourner.

Entretien réalisé par Kassoum THERA

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