Les outils technologiques accaparent l’attention des utilisateurs à telle enseigne que la communication interpersonnelle est reléguée au second plan au détriment des relations sociales. Les déclarations hostiles aux réseaux sociaux se multiplient ces derniers temps. Quand ces déclarations proviennent de ceux qui les ont créés, elles prennent une autre dimension. C’est Tim Berners-Lee qui a lâché la bombe ! «Le web a desservi l’humanité au lieu de la servir et a échoué sur de nombreux points», a déclaré récemment, l’informaticien britannique, principal inventeur du World Wide Web au tournant des années 1990.
Il n’est pas le seul à le penser. «La créature a échappé à son créateur et fait si peur comme dans un film d’horreur», a ajouté Tim Cook. Timothy Donald Cook, dit Tim Cook est un chef d’entreprise américain, actuel directeur général d’Apple. À la suite de la démission de Steve Jobs pour des raisons de santé, le 24 août 2011, il prend la direction du groupe qu’il avait rejoint en mars 1998. Aujourd’hui, les créateurs du web ne «like plus, ce qu’ils ont eux-mêmes créé. Ils gardent leurs enfants loin de l’utilisation des réseaux sociaux : Facebook, Twitter, WhatsApp, Tik Tok etc…»
Ces messages d’alertes passent inaperçus pour bon nombre de nos compatriotes. Le web a pris une place prépondérante dans notre société et cela de manière inquiétante, sans qu’on s’en rende compte ou, pire, sans qu’on soit conscient du danger que cela représente dans le futur proche. Comme une drogue, le manque de forfaits dérange. La majeure partie des jeunes ne peut passer 30 minutes sans être en ligne. Soit pour like (aimer), commenter, télécharger, ou poster ses propres images. Ce temps, totalement consacré à l’internet, capte toute l’attention de l’utilisateur et est paradoxalement sans limite. Comme l’illustre cette scène anodine mais significative de la situation.
La belle-sœur de Kamisse Diallo a accouché par césarienne à la maternité de Korofina-Nord, en Commune I à Bamako, la capitale malienne. Quand elle a appris la bonne nouvelle, elle a prévu de lui rendre visite à la descente du travail. Arrivée au portail du centre de santé, au petit soir, elle demande à un monsieur qu’elle a croisé où se trouve la maternité ? Sans lever la tête, et en manipulant son téléphone, ce dernier lui répond : devant ! Kamisse continue son chemin, croise une seconde personne occupée par son portable qui, aussi, lui dit de tourner à gauche. Au lieu indiqué, la femme, qui est censée accueillir les visiteurs, navigue à son tour sur le web. A peine, elle note la présence d’une visiteuse. Mécontente de cette indifférence, la visiteuse crie au scandale. «Mais qu’est-ce qui se passe ? Depuis le portail, on me répond sans me regarder, ici aussi ! Ayez un peu de considération pour moi, la connexion n’est pas plus importante que les humains», fulmine-t-elle !
Fait, certes banal et inquiétant, mais révélatrice de la triste réalité de notre société. Les gens sont ensemble physiqument mais, en réalité, sont loin les uns des autres dans la pensée, car ils ne vivent presque plus en société. Cela à cause de l’utilisation des différentes applications comme Facebook, Tik Tok, Twitter, Instagram et autres. Imaginons le monde dans dix ans, si les choses devaient évoluer ainsi ? Certes ces applications ont pour but de rapprocher les utilisateurs du monde entier, en temps réel, à travers des discussions instantanées, des débats, des appels vidéos etc. Paradoxalement, elles éloignent les personnes déjà proches. Même les couples ne communiquent plus comme il se doit. Après les occupations quotidiennes, les membres d’une famille restent chacun dans son coin, les yeux rivés sur leur téléphone et s’adressent à peine la parole.
MANIPULER LE CERVEAU – Fatim est la seconde épouse de son mari. Pendant le temps que son mari passe chez elle, elle a du mal à lui consacrer toute l’attention qu’il mérite à cause de Tik Tok. «Je ne suis pas la seule à avoir ce problème, même mon mari a du mal à se déconnecter. Souvent, on s’oblige à mettre le téléphone à côté pendant trente minutes ou une heure de temps, pour causer un peu avant de dormir», reconnaît-elle.
Internet est devenu indispensable dans nos vies. De plus en plus, les gens ont du mal à se déconnecter. La connexion nous accompagne même aux moments les plus intimes de notre vie : à table, à la cuisine, aux toilettes, au lit… Des comportements contraires à nos bonnes mœurs. Comme un mal nécessaire, le téléphone est la première chose que beaucoup touchent au réveil et la dernière chose que l’on dépose au coucher.
Tim Cook, le patron d’Apple a confessé dans le journal The Guardian : «Je ne veux pas que mon neveu utilise les réseaux sociaux.» De son côté, Jaron Lanier, pionner de la réalité virtuelle, a publié les « dix arguments pour quitter les réseaux sociaux tout de suite ». «Je ne peux plus appeler ça réseaux sociaux. J’appelle ça, vampire de modification de comportements», dit-il.
Il faut dire que, désormais, ces créateurs assument ouvertement avoir manipulé le cerveau. Jaron Lanier poursuit : « dans les années 50, quand on parlait au téléphone, il n’y avait pas de centaines d’ingénieurs de l’autre côté de l’écran qui savaient parfaitement comment fonctionnait notre psychologie ».
Sean Parker co-fondateur de Facebook, avoue : «notre réflexion était, comment capturer le maximum de votre temps et de votre attention. Pour ça, nous devons créer et vous fournir des piques de dopamine. Par exemple, « on a créé des like sur vos posts, pour vous pousser à continuer la navigation ; aussi des applications comme « L’auto-play » les vidéos qui partent sans qu’on ait besoin de cliquer. Le but est de provoquer une addiction».
Quant à Chamath Palihapitiya, ancien vice-président de Facebook, il glisse : «nous avons créé les machines qui déchirent le tissu social. En fabriquant des outils qui secrètent de la dopamine à répétition à des plaisirs immédiats, nous avons détruit le fonctionnement de la société».
L’addictologue Mandy Saligari souligne : «Je dis toujours aux parents, quand vous donnez à votre enfant une tablette ou un Smartphone, en réalité, c’est comme si vous lui donnez une bouteille de vin ou un gramme de cocaïne.» Elle précise que plus les enfants passent du temps sur leurs écrans, moins ils regardent les autres directement dans les yeux « et sans les regards, on ne lit plus les codes sociaux, donc l’enfant ne vit plus en société ».
Selon elle, les papes du numérique mettent tous leurs enfants dans une école de «pédagogie zéro écran, zéro ordinateur, zéro wifi». Plusieurs d’entre eux ont déjà créé un centre de technologie humaine. L’objectif est de reprendre le contrôle d’une société prise en otage par la technologie. Ce sont là des signes révélateurs qui indiquent que chacun doit se ressaisir quant à l’utilisation abusive de l’internet.
L’idéal serait de se limiter au strict minimum des icônes : appels, messages comme dans les années 2000. Cela nous aidera certes à réapprendre à parler sans téléphone, à sourire sans selfie, à aimer sans images pour le plus grand bonheur de notre société qui est menacée de déshumanisation. Car, le contact physique, visuel fait partie des codes d’humanité de la vie en société. Il permet de resserrer les liens sociaux entre les humains et renforce la cohésion sociale. Ce danger technologique qui nous guette n’est pas irréversible si l’on arrive à se ressaisir à temps.