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Quand IBK qualifie Moussa TRAORE de grand républicain : Les morts du Carré des martyrs se retournent dans leur tombe
Publié le mardi 10 septembre 2013  |  Le Guido


© Autre presse par DR
L’histoire réhabilite le Général Moussa


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Le 4 septembre 2013, Ibrahim Boubacar Kéita a été investi officiellement président de la république du Mali, à l’issue du scrutin présidentiel de juillet-août 2013. Lors de son intervention, il a laissé entendre que l’ancien président Moussa Traoré est un grand républicain. Cette qualification qui suscite encore des débats dans les grins et salons feutrés de Bamako, a dû faire se retourner dans leurs tombes les victimes du régime de Moussa Traoré.

Le nouveau locataire de Koulouba dirigeait, après le coup d’Etat de 1968, un comité de défense, qui dénonçait les atrocités du régime de Moussa Traoré, qu’il qualifie aujourd’hui de républicain.
En juin 1995, Ibrahim Boubacar Kéita, président de l’Adéma-PASJ et Premier ministre d’Alpha Oumar Konaré, a accordé une interview à l’Abeille, le journal du parti Adéma. A l’époque Moussa Traoré était en prison. Parlant de son itinéraire politique, IBK disait ceci : « Après le coup d’Etat de 1968 au Mali, lorsque nous avons compris que sans une mobilisation des masses, les anciens dirigeants du pays risquaient leur vie dans des conditions ignominieuses, nous avons crée le CDLDM (Comité de défense des libertés démocratiques au Mali). J’ai été le premier responsable de ce comité…avec les camarades Boubacar Bah, Ali N. Diallo, nous avons interpellé la conscience internationale, sur l’état dans lequel se trouvaient feu Modibo Kéita et ses camarades…Ensemble nous avons commencé à sensibiliser l’opinion européenne sur le déni de justice que Modibo Kéita et ses compagnons subissaient…Nous nous souvenons d’y avoir publié un article intitulé ‘’La mort dans les mines de Sahel’’ article dans lequel nous avons attiré l’attention des gens sur des cas tel que celui de Seydou Badian Kouyaté qui, s’il n’était pas évacué, risquait de perdre la vue».

Cette lutte d’IBK et ses compagnons à l’époque, était menée contre le régime de Moussa Traoré, qui a renversé le président Modibo Kéita, le 19 novembre 1968.
Ironie de l’histoire, 45 ans après cette lutte farouche d’IBK, une sentinelle de la liberté et un partisan de la démocratie, 18 ans après cette interview à l’Abeille, aujourd’hui président de la république, il qualifie le bourreau des Modibo Kéita, Seydou Badian, de grand républicain. C’était, in limine, de son discours d’investiture, le mercredi 4 septembre 2013 au Centre International de Conférences de Bamako. « Monsieur le président Moussa Traoré, El hadj Moussa Traoré, général Moussa Traoré, votre présence ici aujourd’hui ne me surprend guère. Elle est le fait du grand républicain que vous êtes mon général» a déclaré le président IBK.

Une autre ironie de l’histoire, la Cour Suprême devant laquelle le président IBK a prêté serment, était présidée par Nouhoum Tapily. Ce dernier, était l’un des deux conseillers de la Cour d’assises (1992) qui a condamné le Général Moussa Traoré à la peine capitale.
Troisième ironie de l’histoire, parmi les membres de la Cour Constitutionnelle qui ont statué sur la régularité de l’élection d’Ibrahim Boubacar Kéita et proclamé sa victoire, figurent deux autres acteurs de la condamnation du général Moussa Traoré en 1993. Il s’agit des conseillers Mallé Diakité et Mme Manassa Danioko, respectivement président et procureur général de la Cour d’assises, qui a condamné Moussa Traoré à la peine capitale le 12 février 1993. Ils étaient dans la salle quand IBK qualifie Moussa Traoré de ‘’grand républicain’’.

Lors de cette cérémonie d’investiture du président IBK, était présent le Dr Oumar Mariko, secrétaire général du parti Sadi, candidat malheureux au premier tour de l’élection présidentielle de 2013. Ce dernier, en 1992, était témoin de la partie civile du procès « crimes de sang » tout comme Cheick Oumar Sissoko, président actuel de Sadi. Entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2013, le parti (SADI) a plié bagages pour rejoindre IBK. Egalement présent à la cérémonie, Mountaga Tall, qui a combattu le général Moussa Traoré à visage découvert. Lui aussi a rallié le camp d’IBK lors du second tour de l’élection présidentielle.

Rappelons que la répression de 1991 a fait officiellement 106 morts et 566 blessées. Le procès crimes de sang, ouvert le 4 juin 1992, a été ajourné le même jour. Il reprendra le 26 novembre 1992 pour s’achever le 12 février 1993. A l’issue duquel Moussa Traoré, Mamadou Coulibaly, Sékou Ly et Ousmane Coulibaly ont été condamnés à la peine capitale et les 29 autres acquittés. Qualifié de ‘’procès du siècle’’, jamais vu en Afrique, voire dans le monde, car un ancien président Moussa Traoré et ses 32 co-accusés étaient à la barre. Ils étaient accusés d’assassinat, de coups, blessures volontaires et complicité pendant les événements de janvier et mars 1991.

Bien avant 1991, le régime de Moussa Traoré avait créé le bagne de Taoudéni (Nord du Mali), l’un des centres pénitentiaires les plus célèbres (atrocités et tortures) mais aussi le plus triste de l’Afrique. Ce centre sera toujours alimenté en hommes durant des années, rares sont ceux qui en retournaient vivants. Les Yoro Diakité, Kissima Doukara, Tiécoro Bagayoko, Karim Dembélé, le président Modibo Kéita (père de la Nation malienne) sont passés par ce centre. En outre, qu’en est-il du décès d’Abdoul Karim Camara dit Cabral, le 17 mars 1980 ?

Avec la conjonction de ce fuseau d’indices, peut-on qualifier Moussa Traoré de grand républicain ? Sachant bien qu’il ne sait pas plié à la volonté manifeste de son peuple en 1991, sa démission de sa fonction de président de la république. En réponse, il avait promis de faire descendre une couronne d’enfer sur les manifestants. Et la suite est connue de tous.

En tout état de cause, cette déclaration du président IBK va faire retourner dans leurs tombes les victimes de janvier et mars 1991. Que dire de leurs familles, des acteurs du mouvement démocratique, du peuple malien, des magistrats qui ont jugé Moussa Traoré se trouvant, aujourd’hui, dans la Cour constitutionnelle et à la Cour suprême ?

Ahmadou Maïga

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