Le sélectionneur de l’équipe féminine de basket des moins de 18 ans a été placé sous mandat de dépôt pour « pédophilie, tentative de viol et attentat à la pudeur ».
Le sélectionneur de l’équipe féminine de basket du Mali des moins de 18 ans a été arrêté et inculpé après avoir été accusé d’agressions sexuelles par des joueuses, a-t-on appris lundi 26 juillet auprès du parquet d’un tribunal de Bamako.
Affaire de harcèlements ou d’attouchements sexuels au sein du basket-ball malien : le coach [Amadou] Bamba inculpé et placé sous mandat de dépôt (…) pour pédophilie, tentative de viol, attentat à la pudeur », a indiqué cette source ayant requis l’anonymat dans un message adressé à l’AFP.
Dans un communiqué publié en juin, l’ONG Human Rights Watch (HRW) avait fait état des accusations lancées contre M. Bamba, 51 ans, par plusieurs membres de l’équipe des U18 qu’il dirigeait depuis 2016.
Il échangeait du temps de jeu ou des équipements contre des rapports sexuels, ont-elles dit, citées par HRW. « Il a agressé sexuellement ou harcelé au moins trois joueuses et saboté leur carrière quand elles refusaient d’avoir des rapports sexuels avec lui », a aussi indiqué l’ONG.
A la suite de ces révélations, la Fédération internationale de basket (FIBA) avait annoncé la mise en retrait, « temporairement pendant que l’enquête est menée », de son président, le Malien Hamane Niang.
Niang a « démenti fermement » avoir été au courant d’abus commis lorsqu’il dirigeait la fédération malienne de basket, de 1999 à 2007, et a « offert sa pleine collaboration » à l’enquête, avait ajouté la FIBA, en assurant avoir une politique de « tolérance zéro pour toutes les formes de harcèlement et d’abus ».
« Si tu couches avec moi, je te sélectionne »
Des dizaines de joueuses, adolescentes pour la plupart, auraient été abusées par une douzaine d’entraîneurs. Et ce, depuis le début des années 2000, en toute impunité. Elle avait 18 ans et des rêves de matchs plein la tête. En 2000, Roseline Dakouo, engagée depuis plusieurs années dans l’une des équipes de basket de la région de Sikasso, une ville du sud du Mali, se fait repérer par la puissante équipe de Kati. La jeune sportive pense alors que sa carrière professionnelle est sur le point de décoller. Kati sera à coup sûr la porte d’entrée qui lui permettra de revêtir, un jour, le maillot rouge de l’équipe nationale.
Mais Roseline Dakouo ne s’était pas doutée que le prix à payer pour faire du basket son métier serait si grand. A la fin de l’an 2000, la jeune joueuse part en déplacement à Kati pour rencontrer ses futures coéquipières. A l’issue de l’entraînement, le coach lui aurait proposé de la ramener chez elle. Gentille attention, pense-t-elle.
« Il a voulu qu’on passe par chez lui, pour déposer du matériel. Quand on est arrivé, il m’a demandé de coucher avec lui en me disant que, si je le faisais, il ferait en sorte que j’intègre facilement l’équipe », glisse-t-elle. La basketteuse en devenir, « désabusée et choquée », aurait tenté de s’enfuir avant d’être rattrapée par l’entraîneur : « Il était en colère. Il a tellement insisté… Coûte que coûte, il voulait que je couche avec lui. »
Face à la persistance du refus de la jeune femme, le coach finit par la laisser partir, explique-t-elle. Roseline Dakouo, elle, a dû faire ses adieux aux ballons rouges et aux paniers, préférant abandonner une carrière dont elle avait certes toujours rêvé, mais pour laquelle elle n’était pas prête à tout donner. A commencer par son corps.
« Les pressions des entraîneurs »
Pendant plus de vingt ans, elle garde ce traumatisme enfoui. Le 14 juin, l’affaire lui « remonte à la gorge ». Ce jour-là, le quotidien américain The New York Times et l’organisation internationale Human Rights Watch (HRW) brisent l’omerta autour des violences sexuelles dans le milieu du basket malien. Leurs enquêtes révèlent que des dizaines de joueuses de basket, adolescentes pour la plupart, auraient été abusées par une douzaine d’entraîneurs. Et ce, depuis le début des années 2000, en toute impunité.
Le 28 juin, le procureur près le tribunal de grande instance de la commune 4 de Bamako a ouvert une enquête. Elle vise pour l’instant deux coachs et Harouna Maïga, le président de la Fédération malienne de basketball (FMBB). « Ce n’est qu’un début », précise une source judiciaire.
L’affaire semble en effet bien plus tentaculaire. « Au Mali, les pressions des entraîneurs sur les joueuses pour avoir des relations sexuelles ont été la norme pendant de nombreuses années dans le basket. Ces abus ont été dissimulés », dénonce Minky Worden, directrice des Initiatives mondiales de HRW. Ils ont ainsi pu continuer.
Comme en 2020, quand l’entraîneur principal de l’équipe nationale féminine de basketball des moins de 18 ans aurait agressé sexuellement une joueuse de 17 ans lors d’un déplacement. Selon nos informations, le coach se serait introduit dans la chambre de la mineure en pleine nuit, la forçant à le toucher tout en « glissant sa main dans sa culotte ». Suite au refus de la joueuse d’avoir des rapports sexuels avec son entraîneur, ce dernier aurait considérablement réduit son temps de jeu, lors des matchs.
L’omerta persiste dans le pays
Cette année-là, le Mali, dont les équipes de basketball brillent souvent sur les terrains internationaux, dispute le championnat d’Afrique des moins de 18 ans. Les juniors se hissèrent à la deuxième place sur le podium mais, dans les vestiaires, combien de jeunes filles ont été abusées en silence ?
Plusieurs témoins interrogés par Le Monde Afrique estiment qu’il pourrait y avoir eu plus d’une centaine de victimes présumées dans le milieu du basket depuis le début des années 2000, confirmant les chiffres avancés par The New York Times.