Quand on prend le pari de parler de Adama Dramé, Directeur de publication du journal “Le Sphynx”, on hésite entre les mots de Napoléon Bonaparte qui soutient que: “en tout et partout, ce ne sont pas les entêtés de bonne foi qui sont à craindre, mais les hypocrites” et de Henri-Frédéric Amiel qui reste convaincu que: “sans un peu de caractère, et même d’entêtement, on ne parvient à un but quelconque”.
En attendant que l’affaire de la disparition de Birama Touré, journaliste, révèle tous ses secrets, elle aura au moins révélé un homme d’une proverbiale ténacité que ni l’intimidation du pouvoir, ni les quolibets de ses obligés, encore moins le doute de certains confrères ne sont parvenus à faire fléchir. Adama Dramé a traversé tout le spectre des sentiments humains, du soutien franc à la défiance en passant par l’indifférence.
Il eut le tort en homme carré, dès les premières heures de cette sombre et terrible affaire, de pointer le doigt sur l’horizon d’où commence à jaillir la lumière. Il n’y aura aucune victoire à célébrer dans ce triste épisode ; tout porte à croire que la vérité attendue aura, pour parodier Amadou Hampathé BA, la couleur d’un pagne de deuil que le Pays devra porter pour sa honte d’avoir laissé un président fainéant livrer l’Etat à sa famille avec un blanc-seing à son fils capricieux pour se perdre dans la luxure et la débauche et le droit de recourir au crime pour couvrir ses arrières et sa sulfureuse réputation.
Pour son malheur, Karim KEITA a mal choisi “sa victime”, Birama Touré, qui avait appris le métier sous la férule de Adama Dramé, connu dans le landerneau médiatique malien pour ses enquêtes incisives, et qui va se révéler un intrépide combattant et un redoutable bretteur de l’establishment politique sous IBK et la machine sécuritaire (la SE) à l’intérieur de laquelle le fiston national a créé un groupe choc dédié aux actions de basse police.
Quelques petites semaines après la disparition de Birama, les barbouzes commencent à entretenir la fable d’un homme libre de ses mouvements et qui aurait même été aperçu à… Dakar. Adama Dramé est dépeint sous les traits d’un obstiné, voire d’un déséquilibré mental acharné contre IBK et sa famille. Mais en bon fouineur, le patron du journal “Le Sphynx” en savait bien plus que le régime et ses “petites mains” ne pouvaient l’imaginer. Avec tact et détermination, il distilla des informations troublantes sur les conditions de la disparition du jeune journaliste et l’opinion se focalisa au fil des révélations sur la thèse du crime organisé. Le teasing est orchestré dans les colonnes du journal. On devine aisément qu’en haut lieu ça chauffe dans le crâne des donneurs d’ordre ou sous le béret des exécutants.
Karim KEITA est accablé chaque jour par le récit des faits liés à la disparition de Birama Touré et les actions conduites par les médias au Mali et les organisations de défense des journalistes à l’international. Dans le même temps, Adama Dramé sent l’étau meurtrier se rapprocher de lui pour le réduire au silence. Il choisit de s’exiler en France pour continuer sous des cieux plus cléments son combat. L’appareil de dénigrement du régime le présentera comme un mytho qui a usé de l’affaire Birama pour émigrer.
Les douceurs de Paris sont indéniables, mais le patron du Sphynx en est à mille lieues car il se dépense sans compter pour faire triompher la vérité dans l’affaire Birama Touré en démarchant tous les cénacles qui défendent la liberté de presse, aujourd’hui mobilisés autour du cas Birama Touré. Les terrasses et cafés de l’avenue Georges 5 ou des Champs-Élysées attendront plus tard.
Et c’est son entêtement qui vaut au dossier le dernier rebondissement sous la forme d’un mandat d’arrêt international contre Karim KEITA pour lui signifier qu’il n’échappera pas aux mânes de Birama Touré, sauf à mettre une croix sur le Mali et à ne séjourner que dans des pays qui choisiront d’ignorer le mandat d’arrêt malien.
En attendant, c’est l’opération déminage qui est en cours pour rassurer le jeune homme qui doit se pincer pour s’assurer que c’est lui qui est à deux doigts d’une extradition qui peut ouvrir la voie à tous les périls pour lui. Ses défenseurs ont choisi de s’accrocher aux aspects anecdotiques de la procédure : “pas de notice rouge d’Interpol”, pas de ceci, pas de cela. Sauf que rien de ces de ces arguments n’efface le gros doute (doute-paquebot) qui pèse sur Karim dans l’affaire Birama Touré.
Un de ses avocats a enfoncé le clou en conseillant publiquement à son client de se tenir loin du Mali, suggérant que la justice pourrait lui tomber dessus à bras raccourcis. Le même Me Tapo, pour ne pas le nommer, ne tarissait pas d’éloge pour les juges qui s’étaient opposés à la condamnation de l’ancien PM Boubou et ses co-accusés pour une tentative de coup d’Etat présumée. Si ça se trouve lesdits juges ont dû prendre leur retraite entre-temps pour que Me Tapo alimente la défiance contre l’institution.
Le mandat d’arrêt international contre Karim KEITA va agir comme un décapsuleur dans ce dossier. Le dernier tabou est levé et rien ne s’oppose à ce que les langues se délient pour que le crime d’enlèvement et/ou d’assassinat ne reste impuni.